Avant que tout ce qui dépasse, y passe…

Au nom du respect de la diversité, on réintroduit les ours dans les Pyrénées, on réimplante les loups dans nos montagnes, on se bat pour sauver la poule landaise menacée d’extinction et on n’est même pas foutu de protéger l’un des derniers peuples nomades, précieux témoignage de notre humanité :

Les Roms.

Pire, on les chasse.

Il faut être aussi con, inculte et populiste qu’un ministre de l’intérieur pour vouloir rapatrier les membres d’une communauté qui précisément n’ont pas de territoire. Et c’est bien tout le paradoxe de ces crétins de libéraux, mondialisés de la marchandise et des capitaux, plutôt que des hommes, que de vouloir expulser ou intégrer (c’est selon) ce peuple itinérant, qui se joue des frontières et dont le rayon d‘action est précisément le monde.

Car, qu’ils soient roms, tsiganes, gitans, manouches, bohémiens, romanichels et plus loin encore, bédoins ou touaregs, ils sont l’expression même de ce que nous fûmes avant que de nous sédentariser, en privatisant l’espace et le temps, avant que de nous mettre des barbelés autour de nos nombrils et de nos « Sam Suffit » :

des gens du voyage.

Ils étaient nous avant la sédentarisation, avant la propriété privée, avant l’invention du digicode et du portail automatique. Ils étaient nous et restent donc cette fragile et essentielle trace de nous, de notre part d’humanité errante, de quand nous nous déplacions au gré des saisons, au cul des troupeaux. Cette ultime trace.

Que cette libre circulation, en tant que résidents européens d’ailleurs, reconnue par la loi, fassent grincer nos dents de petits propriétaires terriens, mêmes locataires d’un deux pièces cuisine, ne doit pas nous surprendre. Deux modes de vie opposés dans un même espace, de ceux qui restent et de ceux qui passent, de ceux qui exploitent et de ceux qui prélèvent, et qui ne peuvent qu’être étrangers là précisément où ils s’installent avant que de tracer la route.

En ce sens, cet étrange voyageur ancestral, non pas d’un monde globalisé à l’industrie low cost du séjour tout compris, est précisément l’ennemi du tourisme. Il ne visite pas. Il se déplace. Il est l’itinérance.

Et sans GPS encore. (quoique !?)

Que ce frottement entre deux populations, l’une enracinée, l’autre itinérante cause des nuisances, que les roms y aient leur part de responsabilité, mendicité, délinquance…comment pourrait il en être autrement ?

N’empêche, quand une société en est à conserver jusqu’à la muséification son patrimoine, à réintroduire des espèces en voie de disparition et n’est même plus capable de reconnaître comme inestimable cette part d’elle-même, alors elle est réellement en voie de ‘dé-civilisation’.

Du camp de travail au camp d’internement, tel le juif errant, discriminé, stigmatisé, exterminé (50 à 80 000 morts dans les camps nazis) désigné comme bouc émissaire, considéré comme faisant partie d’une « race inférieure » le rom, cet indésirable, cette éternelle cible des haines faciles et primaires est justement notre indispensable sentinelle.

Comme le canari au fond de la mine première victime du coup de grisou à venir, il nous alerte des vents mauvais, du pire qui rôde, de l’eugénisme à venir, de cette infecte ’aube dorée’ s’en prenant comme toujours en temps de crise, schéma décidément aussi identifié qu’indépassable, aux étrangers, aux handicapés, aux homosexuels, à toute extrême minorité,…avant que de tous y passer.

Que tout ce qui dépasse y passe.

Les roms, ce peuple libre, non formaté, aux lointaines ascendances indiennes, ne sont pas plus français, (même si 400 000 le sont) roumains, hongrois, européens ou espagnols, ils sont peuple du monde, peuple parmi les peuples, tribu migratoire, et doivent avoir non seulement le droit de parcourir au rythme de leurs caravanes tous les territoires mais encore en ont ils le devoir.

Un devoir de mémoire.

Ne serait-ce que pour nous rappeler que s’ils sont apatrides ce n’est pas pour payer moins d’impôts, que c’est surtout pour nous dire que le monde ne nous appartient pas, que c’est nous qui lui appartenons ;

provisoirement !

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

14 commentaires sur « Avant que tout ce qui dépasse, y passe… »

  1. merci mon cher pour ce billet que j’aimerais avoir écrit 😉
    j’en profite pour t’avouer une chose : j’ai toujours ressenti que la Terre devait appartenir aux Nomades, vu que c’est ça la première identité-fonctionnalité de l’humanité, un limon porté par les eaux, de la poussière de vie promenée par les vents…
    d’ailleurs les frontières ne sont qu’un malentendu, une aberrante revendication de responsabilité sur un territoire borné, alors que le sable et le vent se moquent bien des bornes en tous genres.
    les gens cernent le territoire de ce qu’ils estiment pouvoir gérer, qu’ils s’agisse du lopin de mon ami petit fermier à Souq el Arba^ jusqu’à la grande amérique ou la géante terre de chine, du coup ça leur monte à la tête ce f. sentiment de responsabilité, enfin tu vois ce que je veux dire.
    courage les gens du voyage, courage !
    PS
    qui c’est le mec qui ne salue pas sur la photo ? on sait ce qu’il est devenu ?

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  2. Trés beau et émouvant billet. Un précision toutefois: celà fait hélas deux siècles que les Roms de l’Est ont été sédentarisés de force. Ils sont migrants mais n’aspirent plus aujourd’hui à un mode de vie nomade, ce qu’on peut regretter (et n’ont d’ailleurs pas de caravanes, d’où les bidonvilles). A l »opposé d’une large fraction des Manouches et Gitans. Sachant que tous se heurtent au rejet à à la stigmatisation…

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  3. autre précision: si on emploie le mot Roms au sens du Conseil de l’Europe (soit pour désigner l’ensemble de ce peuple de voyageurs venus d’Inde, Roms de L’est, Manouches, et Gitans confondus) ils sont 400000 en France, désignés sous l’étiquette absurde « gens du voyage  » par les pudeurs françaises Les roms de l’Est, eux, sont environ 15000 sur le territoire.

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