Cette leçon vaut bien un sondage sans doute…

J’eus l’occasion, dans ma brillante carrière de communicant, d’assurer quelques campagnes électorales modestes, quoique municipales.

Un de mes maires, sortant sorti et revenant à l’assaut dépourvu d’arguments à l’époque, m’avait affirmé stocker une montagne de courrier d’électeurs l’enjoignant, que dis-je le suppliant de revenir aux affaires, ce qui tombait bien, vu que c’était sa seule obsession.

Vérification faite, la montagne de courriers accoucha d’une termitière d’une vingtaine de lettres ce qui, sans être négligeable, n’avait rien d’un Himalaya éminemment populaire.

C’est donc ainsi que lors d’une conférence de presse, bluffeur que j’étais, j’eus l’idée de bourrer, au flan, un sac de lettres, ma vingtaine au-dessus, plus deux cents factures et autres publicités en dessous, à la manière des rançons bidons dans les mauvais polars.

Il eût suffi qu’un journaliste un peu curieux, un peu fouille merde, plonge la main dans le sac et nous repartions couverts de honte, estampillés baltringues.

Aucun journaliste bien sûr ne plongea sa main dans le sac, et le lendemain en revanche, tous de reprendre en copie conforme et en accroche, cette info à la mord-moi-l’con-d’votant, d’un gros sac de courrier tout plein d’électeurs dedans, trônant au cœur de la campagne électorale que nous finîmes par perdre cela dit.

Depuis ce jour, ma conviction est faite. Les journalistes, à quelques notables exceptions, sont de gros bouffons, survolant leurs dossiers, investiguant que dalle, reprenant à l’économie les communiqués clefs en main, et plus sensibles à l’anecdote et à l’esbroufe qu’au travail de fond.

De fieffés dilettantes.

Aussi donc, ne suis-je guère surpris que, d’une longue interview de Jean-Luc Melenchon, hier, sur France Inter, gros bosseur de dossiers ayant l’outrecuidance de recentrer la cuisine journalistique sur du champ politique, ne reste au final dans les titres de nos merdias de surfaces, que le fait qu’il appréciait la voix de la chanteuse Carla Bruni.

Tous les goûts sont dans la nature y compris les mauvais.

Pour quelqu’un qui enseigne comme moi l’analyse et la synthèse, forme des étudiants à extraire l’essentiel d’un propos, il est sans doute temps d’envisager une rapide reconversion professionnelle.

Lors de cet échange assez dense, l’on pouvait par exemple, souligner la manière dont Méluche avait atomisé l’animateur Patrick Cohen normalement creux quant au fond, et reprenant sur la forme et en litanie sans les avoir vérifiées cela va de soi, des infos cousues main, à propos d’une étude de l’INSEE de 1997, exhumée par une vague officine affiliée au Merdef°, « l’institut de l’entreprise » , et remettant en cause le financement du programme du Front de Gauche.

Cette leçon valait bien un sondage sans doute.

J’t’en fous l’appréciation d’une couineuse es pipoleries, reconvertie en première dame pondeuse étant autrement vendable et inoffensif.

Tout ça pour dire que, ce n’est pas tant la mauvaise foi, le syndrome du larbin ou l’opinion qui anime tant que ça l’éditocrate moyen, expert en tout et en oualou, mais cette sorte de paresse intellectuelle, consistant à s’étaler beaucoup avec peu, du moment qu’il n’aborde jamais le moindre contenu auquel il n’entrave rien.

Si, comme disait le grand Victor avec pertinence, la forme c’est le fond qui remonte à la surface, pour l’animateur zappeur au léger verni, le fond c’est de la surface qui redescend pour la forme.

tgb

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Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

6 commentaires sur « Cette leçon vaut bien un sondage sans doute… »

  1. Les éditocrates mettent en pratique la nouvelle définition de l’information : action de rendre informe.
    Mais pour ça il leur faut un minimum de connivence, de ce point de vue Melanchon est pour le moins réfractaire, et c’est le secret de son efficacité sur ces buches.

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  2. Les journalistes sont comme tous salaries d’entreprise industrielle.
    Ils n’ont ni le temps ni pour objectif de faire de l’artisanat et encore moins de l’art literaire.
    Il sont dans Le quantitative: vite et mal.
    Ils sont la pour faire du dividende pour l’actionaire ou au moins ne pas froisser la ligne editorialle du patron neo-liberal et garder son boulot.
    L’investigation prend trop de temps et l’objectivite coute sa place.
    Cette auto-censure des journalistes explique la pensee unique qui regne dans nos societes capitalistes ou tous les medias sont aux mains de quelques groupes industrielles.
    Tous? Non il se develope d’irreductibles blogueurs dont la potion magique: independance et travail qui mettent a mal cette « fabrique du consentement ».
    Merci TGB de ton travail, de toutes ses heures a traquer, denoncer les forfaitures, les mensonges, les crimes de cette oligarchie. Merci de ces heures a ciseler chaque phrase pour nous distiller quelques goutes d’independance, d’humour, de poesie, de resistance.
    J’imagine ces heures souvent douloureuses pour accoucher d’un bon mot qui saura nous eclairer, nous rendre plus libre. Merci de l’immense cadeau.
    Merci de ce courage et de cette dignite d’eviter le plus souvent possible les compromis. Et si un jour, une nuit, tu perds ce courage ou cette foi qui m’inspire tant, rappelle toi cette citation de Ghandi: « hapiness is when what you think, what you say, and what you do are in harmony. »

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  3. merci c’est bien aimable – j’en suis tout empourpré – des coups de mou y’en a, mais là c’est reparti…jusqu’à Hong Kong…

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