
Je tape dans le paquet de journaux à disposition à la fac.
La Croix, journal à priori moins indigeste que les autres.
Edition du mardi 12 octobre
J’ouvre au hasard
Article page 26 ; titre : Nouvelle ère pour les travaillistes.
Je lis le chapeau :
« Ed Miliband est un social-démocrate pragmatique, conscient que les chances d’une politique progressiste sont désormais sévèrement contraintes partout dans le monde développé.»
Fermer le ban.
Je replie consciencieusement le canard et le dépose dans la corbeille.
A voté.
Pourquoi lire un article que je connais déjà puisque c’est le même message du même discours, de ce même catéchisme Tina qu’on m’assène jour et nuit sur tous les médias qui, il n’y a pas de petits profits, en profitent de plus, pour dénoncer l’odieuse pensée unique et hégémonique d’une gauche pourtant portée disparue au FMI.

Mais revenons tranquillement à ce chapeau, élément d’une doxa au matraquage commun et tranquillement verrouillée de l’intérieur.
» Ed Miliband est un social-démocrate pragmatique.. » – trois gros mots en une phrase – respect !
Social démocrate ? on connaît ! c’est ce truc genre François Flamby, qui cause de son régime dans Gala pendant que trois millions et demi de français sont dans la rue ou comment digérer le libéralisme avec de la Badoit ; Passons.
Pragmatique ? ça c’est le concept pilon du moment.
Par pragmatique entendons la soumission inconditionnelle au réel.
Quel réel ? celui qu’on nous impose idéologiquement, à savoir LEUR réel. Une facette d’une réalité subjective que nous devons admettre comme postulat de départ.
De la stratégie de Sun Tzu – l’art de gagner sans combattre. En forçant l’adversaire à renoncer même à la lutte par fatalisme.
Ainsi par exemple pour les retraites ce subtile raisonnement préfabriqué :
Cette réforme est nécessaire donc inévitable. Comme elle est inévitable elle est déjà votée : donc résigne toi et marche à l’ombre.

Etre réaliste c’est donc en cette doxa souveraine, entrer dans le rang, renoncer à toute alternative, faire le deuil de quelque utopie que ce soit, admettre par avance qu’il n’y a pas d’autre choix ; nul idéal vers lequel tendre, pas d’élévation, d’émancipation ou de progrès humain à espérer et même pas en rêve. Ne reste donc plus qu’à intégrer cette donnée initiale, avant d’élaborer quelque pensée que ce soit et jouer au loto en écoutant Alain Duhamel. Ensuite et si t’as vraiment rien d’autre à foutre, je sais pas moi, voir du foot à la télé ou Koh Lanta et dans le cadre seulement de ce renoncement de base, tu peux, dans les nuances, débattre de points de détails, histoire d’autoriser pour la galerie une pseudo dialectique à visage artificiellement démocratique.
Pourtant si, De Gaulle avait été pragmatique il serait resté ministre de Pétain, si Churchill avait été pragmatique, il aurait pactisé avec Hitler et si Mandela avait été pragmatique, il passerait encore par la porte de derrière, celle réservée aux « nègres. »

Que le collabo, le valet, le laquais, le larb1, le petit rouage plus ou moins cadre chefaillon du système gagne en confort ce qu’il perd en humanité soit, mais ce n’est évidemment pas ce vulgaire pragmatique là qui infléchit le cours de l’histoire mais bel et bien le résistant, le rebelle.
Cette injonction permanente au pragmatisme peut être considérée donc, comme parfaitement idéologique à vocation éminemment totalitaire. Nous n’avons droit qu’à une seule idée et même si la lecture des faits dément et contredit chaque jour cette idée enfermée, elle reste incontestable. La questionner est se mettre immédiatement et socialement hors jeu.
Enchaînons joyeusement dans le texte chapeau :
…conscient (lucide, clairvoyant) que les chances d’une politique progressiste (apprécions la litote) sont désormais (à partir de maintenant et pour toujours ) sévèrement contraintes partout (mondialisation globalisation) dans le monde développé. (donc pas partout).
Et l’on est alors en droit de se demander si un monde développé contraint à régresser dans l’humain, à renoncer à tout projet d’amélioration sociale, politique, écologique, économique est encore un monde développé ou pas plutôt un monde qui se rétracte. Et l’on est encore en droit de se demander à quoi sert d’avoir une conscience, un esprit critique, une créativité, une capacité d’analyse, si l’on doit renoncer à s’en servir, puisqu’il n’y’ a, nous dit-on, pas à discuter ; que c’est ainsi ; que cette vérité-là est intangible et que nous ne sommes là dorénavant uniquement pour la « gérer » et faire le JOB ???

Mais bah, se poser ce genre de question est déjà sortir du contrat de départ et transgresser ce dogme du pragmatisme qui fait qu’en dehors de cette notion absolue et indépassable, il n’est point de salut ou de considération.
Donc nous y voilà. Avant même d’être au seuil de la lisière du pouvoir, nous dit le journal qui fait de la prose propagandiste, peut être même sans le savoir, tant le conditionnement à cette normalité rhétorique est ancrée, le jeune ED, à déjà heureusement renoncé.
`
L’affaire est verrouillée – le cadenas est libéral. Et la gauche à L’OMC.
C’est donc bien ce putain de verrou mental, ce sale carcan idéologique qu’il s’agit d’exploser. Ce n’est évidemment ni en composant, ni en accompagnant à coups de compromis pourris qu’on y parviendra. Certes on peut toujours en chercher la clef ou la combinaison sésame, mais plus surement, c’est bien à force de grands coups de marteau dans la gueule qu’il cédera.

Tous chez Casto.
tgb
Ah ! Ce langage politiquement correct !
Pourquoi tu crois qu’on se décarcasse sur nos blog pourris et confidentiels, tgb ?
Pas facile à combattre ce mastodonte de la pensée molle mais la propagande de cette pute de TINA commence à perdre du terrain !
La communication la meilleure du monde ne peut rien contre la triste réalité…
J’ai préparé un texte dans ce sens pour demain. Tu verras.
J’aime ta véhémence, tgb.
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oui sauf qu’il n y’ a pas de réalité il n’y a qu’une perception de la réalité disait l’autre enfin jusqu’à ce qu’il se prenne un coup de marteau dans la tronche
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Je ne suis pas très organisée mais je tape, je tape. Un coup par-ci, un coup par-là. Je révolutionne les mains dans les poches.
Mais j’ai de la suite dans les idées, on ne laisse pas tomber.
J’aime que tu rappelles régulièrement que le cadre, on le pose où on veut.
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tape tape meriem, les mains dans les poches ou les pieds dans les tongs, à force de faire des petits trous par ci par là l’édifice devrait finir par s’effondrer. Nouveau slogan du jour :
Nous sommes tous des termites.
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Excellente introduction à la grande philosophie de Marx , dès lors qu’elle explicite ce passage fameux de la « critique de l’économie politique », où Marx donne une définition décisive de ce qu’est selon lui « l’idéologie » :
« Lorsqu’on considère de tels bouleversements, il faut toujours distinguer entre le bouleversement matériel – qu’on peut constater d’une manière scientifiquement rigoureuse – des conditions de production économiques et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le mènent jusqu’au bout. Pas plus qu’on ne juge un individu sur l’idée qu’il se fait de lui-même, on ne saurait juger une telle époque de bouleversement sur sa conscience de soi; il faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui existe entre les forces productives sociales et les rapports de production. Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s’y substituent avant que les conditions d’existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société. C’est pourquoi l’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours, que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de devenir. À grands traits, les modes de production asiatique, antique, féodal et bourgeois moderne peuvent être qualifiés d’époques progressives de la formation sociale économique. Les rapports de production bourgeois sont la dernière forme contradictoire du processus de production sociale, contradictoire non pas dans le sens d’une contradiction individuelle, mais d’une contradiction qui naît des conditions d’existence sociale des individus; cependant les forces productives qui se développent au sein de la société bourgeoise créent en même temps les conditions matérielles pour résoudre cette contradiction. Avec cette formation sociale s’achève donc la préhistoire de la société humaine. »
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me voilà marxiste sans le savoir diable diable…et me propose de préfacer sans plus attendre « le manifeste du parti communiste » dans une nouvelle version plus…punk…disons – merci pour l’extrait cela dit.
je reste plus sensible quand même à la grâce minimale et sobre de ces livres qu’on lit sous « le drap » (private joke)
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Ecrit par : tgb | 16.10.2010
Les deux sont appréciables ( et bien d’autres encore ) .
Pour ceux qui souhaitent participer :
http://leseditionsdeminuit.eu/f/index.php?sp=liv&livre_id=1785
( NB : les commentaires des critiques sont insignifiants , le(s) livre(s) de Ravey est (sont) très exactement à l’inverse de ces postures , ils opposent à « ces gens là » une indépassable (par eux) contradiction )
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grâce à ce petit coup de pouce et conjuguant nos efforts Ravey devrait bien en vendre allez…1 de plus.
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Salut
Tant qu’à faire de la pub pour un bouquin peu connu, je crois que celui-ci mérite un GROS coup de main :
Titre : Les réformes ratées du président Sarkozy.
Auteur : Pierre Cahuc & André Zylberberg
Editeur : Flammarion
Parution : 2009
Prix : 18 €
car il semble que son éditeur n’ai pas fait de gros efforts de promotion.
Un extrait de sa chronique sur éconoclaste :
« Le livre repose sur une thèse très simple : Nicolas Sarkozy, dans le domaine économique et social (comme dans d’autres, que les auteurs n’abordent naturellement pas), a une méthode de conduite des réformes reposant sur deux piliers : l’étouffement et la conciliation.
Etouffer, « en ouvrant constamment de nombreux chantiers ». Les lois sont votées en utilisant la procédure d’urgence. Les partenaires sociaux doivent négocier et proposer des projets de réforme dans des délais brefs. L’abondance des mesures annoncées a priori permet de lâcher du lest sur certaines, sans toutefois donner le sentiment d’abdiquer sur l’ensemble.
La conciliation consiste à repérer les revendications catégorielles les plus virulentes et à reculer dessus, tout en conservant l’essentiel du projet d’ensemble, à savoir ce qui permet de communiquer
[…]
Après 18 mois de présidence, le bilan des réformes engagées amène à une conclusion simple : « les réformes réalisées dans le domaine économique et social ont essentiellement servi des intérêts particuliers au dépens de l’intérêt général tout en menaçant la pérennité de notre Etat providence ». C’est ce que l’ouvrage de Cahuc et Zylberberg veut montrer. »
Source : http://bit.ly/asRs4i
Tout ça, nous on le sait déjà, mais c’est clairement formulé.
A lire et à faire lire, je crois.
Parce que, vu les résultats, i Que se vayan todos ! comme dit l’autre ;0)
Arf !
Zgur
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noté – le savoir déjà, c’est une chose – le voir imprimé démontré en est une autre –
cela dit parfois sarko privilégie l’intérêt collectif à l’intérêt individuel – par exemple quand il s’agit de sa famille
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« Pourtant si, De Gaulle avait été pragmatique il serait resté ministre de Pétain, si Churchill avait été pragmatique, il aurait pactisé avec Hitler et si Mandela avait été pragmatique, il passerait encore par la porte de derrière, celle réservée aux « nègres »
Ben, c’est quasi leur programme non ? z’ont le pragmatisme rationnel…
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vu sous cet angle en effet c’est un bon résumé de leur politique
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