
Et l’assassin moustachu, qu’est ce qu’il dit l’assassin moustachu ? » humpf humph » qu’il fait, bien en rythme, et en cadence sur son gigot. Il s’active fort le gros du bide, » humph humph », il y met du coeur et de l’ardeur. Mais non, le voilà qui s’impatiente, y’a des gens qui attendent, y’a des gens dans la queue ; la queue ?!
– « Je sais pas moi – qu’on se dit – …des câlins, de la tendresse – qu’on voudrait, avant la sentence, avant la feuille tranchante et affûté du garçon boucher en tablier blanc et bleu, avant le billot en bois et la masse à exploser les boites crânienne – On voudrait bien des câlins oui – qu’on insiste en interne – bon mais quoi ? «
– deux trois cents grammes de tripes en souvenirs, on finit par lâcher
– deux ou trois ? qu’il dit le gros du bide
– heu deux…qu’on confirme tremblant
– faut vous les emballez ?…
– heu comme vous voulez….
– c’est comme vous voulez vous
– y’ a qu’à faire comme ça !
– comme ça comment ? qu’il s’agace le moustachu
– comme ça avec du papier cadeau autour, qu’on ironise
– …?!….et avec ça ?
– ben c’est tout !
– c’est tout ? suspecte le gros du bide en insistant

A ce moment crucial de la partie on sent bien que ça suffit pas. On entend la connotation menaçante. Implicitement on se sent désigné pas rentable, petit joueur, mange-petit. On doit faire un effort, si on veut sortir vivant, on a l’esprit de conservation, on se lance :
– ben……une paire de Francfort !
– …y’a qu’à dire ! qu’il conclue le tueur fou aux mains sales
– Ben oui quoi ! – qu’on gamberge mortifié – c’est juste pour faire bon poids « . On sent bien sinon qu’on aurait dérangé pour rien. Pas dans son assiette peut être mais surtout pas dans la leur ce soir.
Manger, ingérer, ingurgiter, faire pénétrer des choses du dehors. On a pris très jeune l’habitude de résister aux plats de résistance. Y’a des choses qu’on avale pas, des choses qui passent pas. C’est pas facile de faire rentrer des choses dedans, alors qu’on à tant de choses à faire sortir déjà, qu’on songe. «
Des saucisses quelle horreur ! » On a un haut le coeur. On pense au hot dog à la sauvette, brûlant à l’extérieur pas décongelé à l’intérieur, dégueulasse !
Le petit monsieur stresse. Il ne voulait pas deux ou trois ou quatre ou cinq ou six ou sept cent grammes de tripes, il ne voulait pas une paire de Francfort. Il voulait bien à la rigueur qu’on se mange entre nous, qu’on s’entre-dévore à coups de sourires carnassiers. Le petit monsieur avait tout à coup la dent dure et carnivore et cannibale. Il voulait, pourquoi pas, qu’on se bouffe à mort les parties génitales, qu’on se vautre dans le comestible, la denrée alimentaire, qu’on se fasse sécher les boyaux au soleil, qu’on se sorte la tripaille à l’air, pour oublier que la vie n’est pas un jeu vidéo.
Parce qu’en attendant, faut s’occuper, qu’on pense, parce qu’en attendant faut qu’on s’aime et qu’on saigne, dans un concert atroce de glapissements sauvages, à coups de bittes dans le fond du fion.
A suivre…