La vie barbaque (2)

Sursis parce que quand même ça sent la mort tout ça, ça sent la vie aussi et c’est ça qui fait mal. Y’a pas tant de différence au final – qu’on se pense en pensant pas à mal. ça sent la saleté putride et la mort sale, comme sur les champs de bataille – vu à la télé – sauf que c’est carrelage blanc et frigo clinique, sauf qu’on se la prend avec des gants cette sale mort là. Mais on la pressent, on la sent, on la devine dans les traces suspectes des pas dans la sciure par terre. On se sent faisander alors, terriblement pourrissant et putrescible. On sent comme un corps lourd et mort comme un squelette qui s’impatiente à l’intérieur.

On se voit tout en sang, en os et tout en abats dedans. On sent venir les mouches. On imagine le fruit de nos entrailles pas fraîches et on commence à suivre le va et vient de la machette avec inquiétude.  » A qui le tour ?  »  –  » madame était avant je crois…  »  on murmure. Et hop c’est comme automatique, on s’embarque dans le bordel du monde du crâne du là dedans. On touille bien son crémol. On voit plus son cerveau pareil, ça commence à ressembler furieu

 

sement à de la cervelle rance sauce gribiche et on se sent tripal, noué, sanglant et on se met à schlinguer la peur.

Romance ! 

–  » Et qu’est ce qu’il veut le petit monsieur ?  » couine la patronne d’autorité dans une tonalité grave et graisseuse, comme quoi, si, finalement, elle est aussi moustachue que musicale et c’est elle qui visiblement porte la culotte de cheval.

Bon ben voilà. On est repéré. Fait comme deux ou trois rats. Rien ! Fuir serait judicieux mais….Rien le petit monsieur ne veut rien, ou pas grand-chose, trouver la sortie au plus vite quitte à se frayer un chemin à coups de hachoir, retourner à Nigoland dare-dare . Voilà ce qu’il veut le petit monsieur. Mais…

Mais peut être aussi que le petit monsieur, s’il lâche ses instincts les plus primaires, voudrait bien basculer derrière l’étal et se la goinfrer sauvagement la toute boudinée ; goûter à l’opulence de la chair mure et dodue de madame Norbert, au gros gras grand cul flasque de la pulpeuse gironde. Et c’est comme si que déjà il te nous la tringlait là sur le comptoir dans son quintal 

de graisse, la bougresse, qu’il te la lui plantait son dard, à la plantureuse. Mais non, on se contrôle, on calme ses pulsions animales et morbides. Quand même on sait se tenir, se les tenir ses nerfs. On prépare sa retraite. On assure ses arrières. Mais penses-tu, voilà que ça reprend, on se sent viandard en diable, avec comme un besoin irrépressible de se la farcir la dame jambon. Tout est bon dans le cochon, tout doit être bonne dans la cochonne, dans cette femelle porcine patronymée Norbert, délicatement maquillée à la truelle de chantier et emparfumée de « sent-bon » de chez graillon sauvage.

–  » Allez ma Jeannine, mon beau boudin scianosé, écarte tes jarrets roses soyeux  – qu’on s’obsède – qu’on y aille de son rut bestial etancestral. Lâchons l’animal qu’on socialise douloureusement depuis toujours . Faisons allègrement monter nos taux d’adrénaline et de cholestérol.

 Malaxons, malaxons ! Offrons-nous ce cul de charcutière congestionnée, cet admirable troufignon plissé, ces amples cuisses mafflues, ces divines chipolatas violacées tout enrubannées de bas résilles et de fines dentelles taillées dans le filet.

– Sois merveilleusement vulgaire, Matrone, ne te force pas, reste toi-même et pose ta paire de mamelles à même le présentoir. Faut qu’on se consomme à l’outrance, qu’on se ripaille à la Rabelaisienne. Qu’on fasse bombance de bonne chère, qu’on se purifie dans l’orgiaque, qu’on se rédempte dans l’extrême, par immersion dans la matière charnelle !

On se surprend à penser tout ça, on s’en excuserait presque….

tgb

A suivre…

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

2 commentaires sur « La vie barbaque (2) »

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