La vie barbaque

 » Il faut être léger, fluide et superficiel dans la profondeur « 

                                 Nietszche

Maintenant que le ventilo président va brasser le vent des Européens, et faire des moulinets avec ses grandes oreilles, on peut toujours espérer qu’il cesse de nous pomper l’air ici.

En attendant, profitons précisément de cet été qui vient pour nous aérer et nous oxygéner les neurones.

Et pour nous ventiler juillet, une ‘nouvelle ‘ en 5 épisodes d’un certain tgb  : La vie barbaque

Aprés ça je vous garantis que vous ne verrez plus jamais pareil votre boucher et sa dame à la caisse

La vie Barbaque (1)

On a repéré, pas loin, une boucherie-charcuterie-rôtisserie-souvenirs tout en un. Folklore et traditions. Bio genre. On trace. La devanture est décrépite ; sur la porte, un panneau, sur le panneau des mots :  » la boucherie Norbert est transférée en face  » On vérifie. C’est vrai.  » Laboratoire Norbert  » inscrit au néon rouge sang. Ben merde ! qu’on se dit, ça promet du produit pharma de qualité ! On traverse donc.

 » Norbert, roi de la Tripe, champion de France 93  »  Marqué en gros avec T majuscule, gage d’authenticité fermier. On entre. La porte est musicale, elle fait gling-gling. C’est gai.
Le boucher n’est pas musical, mais il a une moustache. C’est son droit !

La boucherie-charcuterie-rotisserie Norbert sent le poisson : c’est pas banal ! La femme du boucher n’est pas musicale, mais elle à une moustache aussi ; ça a son charme. Elle a l’élégance charcutière avec quelque chose de Fellinien. On sent poindre l’émergence d’un fantasme. On jauge. On évalue. On audite.

Libidineuse en diable la grosse ! On reluque et on mate. On la suppute toute en chair mettable, tout en disposition adipeuse. Cette sale gueule à la gueule de l’emploi. Rien de plus barbaque, rien de plus bidoche, rien de plus viande que cette viande charcutière là, boudinée dans sa robe pas belle, quasi déguisée en rôti érotique, la garce ! On hésite, se retient, on prend sa place dans la file d’attente.

On a un doute quant à la clientèle et la marchandise exposée, comme une confusion bizarre – qui mange qui ? – Une angoisse : la vie ne serait pas un jeu vidéo ?

L’établissement Norbert est une galerie d’art. Un lieu d’exposition post-moderne aux installations les plus tendances. ça bouscule furieusement l’ institution picturale, bouleverse d’entrée la conception muséale contemporaine. C’est ici, on en jurerait, que se prépare la révolution culturelle de demain.

Car le boucher Norbert de la boucherie Norbert est un artiste, un homme de goût et de viscères. Il ringardise à lui seul, les plus activistes des bargeots Viennois. Avec lui,  les arts plastiques prennent un coup de vieux et la beauté plastique de sa dame, pas formaté Barbie, est la preuve évidente de l’exception culturelle française.

Galerie de portraits natures, détournements d’objets usuels et tranchants, ça sent le conceptualisme pur jus. Têtes de veau, têtes de mouton, têtes de cochon et leurs deux admirables têtes de noeuds dans un superbe alignement, tout ça frôle l’exposition totale, le tête à tête existentiel, la tête de con esthétisée.

On n’y est pas indifférent et on projette déjà dans une performance décalée leurs tronches de grossiers beaufs dépecées en tranches à la machine à jambon, en fines lamelles carpaccio bien découpées suivant les pointillés. Du body art à donf. ça ouvre des perspectives.

– « Au suivant !  » fait le gros lard fumé d’une voix étrangement fluette ( il a un mégot coincé entre les lèvres et arbore sa couperose du dimanche). Quand même, ça jette un froid ! –  » non, encore un instant monsieur le bourreau « – qu’on se pense très fort. Chance ! une bonne femme informe et quasi transparente qu’on avait pris pour une garniture, grille la place. On la lui cède volontiers ;

…sursis…

à suivre….

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

2 commentaires sur « La vie barbaque »

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