Ah elle est belle la France !!!


– Le cornard mit l’ radis dans cet endroit qu’il me faut taire,
Où les honnêtes gens ne laissent entrer que des clystères –
(Brassens – les Radis)
On croyait s’en être définitivement débarrassé avec Brassens mais non.
Issus de la majorité silencieuse et de la France profonde, la bonne conscience bien shampouinée avec raie au milieu et l’onction officielle de la sommité du rance et du moisi, Jean-Pierre Pernaut, les voici de retour :
Les honnêtes gens.
Les honnêtes gens, à ne pas confondre avec les gens honnêtes, distinguent parfaitement le bien du mal (d’où la raie au milieu) et c’est super fastoche pour eux vu qu’ils représentent le bien et les autres le mal.
Ils sont la norme officielle. L’étalon définitif. La jauge suprême.
Et les vaches sont bien gardées.
On identifie les honnêtes gens au fait que durant l’ersatz de journal télévisé du ploucologue Pernaut, ils s’énervent en lâchant des « ah, elle est belle la France  » à intervalles réguliers.
Par exemple, devant un sociologue (donc gauchiste) d’origine maghrébine (donc terroriste) qui parle mieux la France qu’eux.
Les honnêtes gens n’aiment pas les rappeurs qui ‘niquent les keufs’ mais ont fini par admettre dans leur patrimoine culturel l’Anar Brassens qui « mort aux vaches’. Question de vocabulaire, ils ont juste cinquante ans de retard.
Les honnêtes gens donc, fort de leur discernement, savent immédiatement et d’instinct, avant enquête de police, jugement du tribunal, s’il y a, lors d’un fait divers, légitime défense ou pas. Et c’est bien commode pour leurs neurones bien rangés au fond de l’armurerie.
Quand un petit commerçant du Val-de-Marne par exemple, un ‘monsieur tout-le-monde ‘ tire par trois fois dans le dos de son cambrioleur en fuite, les Bouvard et Pécuchet de service peuvent se scandaliser naturellement du fait qu’on mette en garde-à-vue ce forcément brave homme.
Entendons nous bien qu’un commerçant soit agressé par trois voyous et qu’il se défende, lui et sa femme, retourne l’arme des délinquants contre eux et en flingue un au hasard, je ne préjuge pas. Je ne sais pas moi, dans la panique, ce que j’aurai fait à sa place.
D’autant que tout le monde sait bien qu’entre un bon et un méchant Dieu choisit généralement celui qui tient le revolver.
Je dis juste que pour les honnêtes gens, une légitime défense ne se discute pas, ne s’enquête pas, qu’elle n’a pas à être proportionné à l’attaque et en extrapolant un peu, qu’elle devrait même aller au lynchage de trois petits connards de banlieue, histoire de leur apprendre la vie et les bonnes manières.
Que le tout se fasse dans l’hystérie médiatique et la dictature de l’émotion télévisuelle ne me surprend guère. En revanche ce qui m’inquiète davantage c’est qu’un crétin notoire, journaliste de comptoir, le bien nommé Jean-Pierre Pastis se permette de commenter la mise au point d’un ministre de la justice : – Dans l’état des investigations, le cas de ce commerçant, René D ne semble pas s’inscrire dans le cadre de la légitime défense définie par l’article 122-5 du code pénal – le pourtant peu gauchisant Clément, en se permettant d’un air fort marri un pertinent :
« Oui sans doute avait-il invité son cambrioleur à déjeuner « 
Ah quel bout en train ce Jean-Pierre Ricard !
Et ce qui m’effraie encore plus c’est qu’un obsédé non moins notoire de la sécurité et du sondage, ministre cumulard de la matraque et de la propagande et candidat depuis sa naissance à la présidentielle ; le dénommé Nicolas S. (nous garderons ici son anonymat pour protéger sa vie privée) surfant sur la vague poujadiste des vraies gens et exploitant comme d’hab un fait-divers à des fins politiciennes, commente mais il en a pris l’habitude une décision de justice.
Je le cite :
« Nos concitoyens ont du mal à admettre qu’un honnête homme, agressé chez lui, menacé de mort avec une arme et craignant pour la vie de son épouse soit en retour mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire »
On ne met pas en prison les honnêtes gens. Et depuis quand ?
Outre le fait qu’on a déjà largement mis à l’ombre des innocents (Outreau et compagnie) et qu’on en a même exécuté un certain nombre, ce qui est remarquable c’est que l’omniscient Monsieur S. prend depuis un certain temps l’habitude de se substituer à la justice et de se faire juge et partie, procureur et flic.
Les honnis de l’ami Brassens.
Depuis que ce monde est devenu très con, depuis qu’un manichéisme puéril a divisé notre appréhension contemporaine en bien en mal, gentil/méchant, cow boy/indien et choc des civilisations, la race des honnêtes gens comme en génération spontanée se répand.
Jusque dans le courrier des lecteurs du monde et de libération où l’on retrouve cette tonalité beaufienne et cet air du « ah elle est belle la France » et du  » mais où va-t’on ?  » d’une effroyable régression mentale. Et je me dis que soit le niveau des honnêtes gens à vachement monté pour s’abonner ainsi à ces canards un peu boiteux mais qui vivent encore de leur réputation, soit le niveau des journaux de Colombani et du peu regretté July ont vachement baissé… et jusque dans le caniveau.
Et je vous laisse deviner quelle thèse a ma préférence.
Je propose d’ailleurs au tiédeux Colombani quelques titres accrocheurs pour ses fulgurants éditoriaux tout mous du genou :
Nous sommes tous des honnêtes gens américains
Nous sommes tous des petits commerçants votant N.S. et sauvagement agressés par des hordes sauvages et basanées
Nous sommes tous des gens bien, surtout nous, sauf les autres, et faudrait voir à pas pousser le bouchon trop loin quand même sinon on appelle Finkelkrault.
Oui où va-t’on ?
On va et c’est heureux pour les honnêtes gens, on va à la rupture.
La rupture avec quoi ? on sait pas bien mais on se doute. La rupture avec la politique étrangère Française. La rupture avec la politique sociale Française. La rupture avec la politique culturelle Française. La rupture avec la politique républicaine et laïque Française. La rupture avec les services publics Français…
Bref la rupture avec à peu pres tout ce qui fait les valeurs de la France.
Or la rupture, avec cette politique Française et c’est le gag, ce sont les honnêtes gens qui en ont bénéficié depuis cinquante ans, qui vont la voter.
Car même si je me méfie des sondages, quand on les regarde à la loupe on s’aperçoit que l’électorat d’un certain Nicolas S se situe chez les plus de 50 ans (les soixante-huitards, ça ne m’étonne pas, ils sont tous devenus notaires) et qu’il explose littéralement chez les plus de 75 ans.
Le devenir et les forces vives de la nation, je suppose.
Oui il faut le constater et l’admettre, le fan-club du si jeune et si dynamique Nicolas S. tout en rupture et en renouvellement politique est vieux.
Vieux de chez vieux. Réac et conservateur. Aigri et pétochard.
Le meilleur recruteur de Nicolas S. outre la peur est l’Alzheimer.
Le paradoxe de Monsieur S c’est qu’il prône la rupture auprès de gens qui ne la vivront pas (une rupture d’anévrisme peut être) qui ont des retraites encore décentes, qui ont peur de tout y compris de ce qui ne les menace pas et qui se prennent pour des honnêtes gens alors qu’ils ont, ces salauds, refilé une dette colossale à leur gosse afin de préserver leur confort, d’acheter de faux canapés en vrai cuir de chez Zébu, pour matter en roupillant Pernaut, Ricard et Pastis à la télé.
Monsieur S. donc, révolutionnaire atlantiste et modernisateur d’avant-garde est le candidat des vieux, des cons, des résignés vautrés, des contents d’eux, des abrutis du crémol, des No futur croupissants, bref des abonnés bonus de TF1.
Et y’a des jours où je regrette franchement l’euthanasie et la canicule.
Ce ne serait pas grave au fond que les vieux cons, autrement auto-nommés honnêtes gens par inconscience tranquille votent Monsieur S. qui fait semblant de les rassurer avec des évidences du genre :
La France au travail
Les délinquants en prison
La récompense au mérite
Mon pied au cul
Et les pauvres au RMI
Ce ne serait pas grave car par définition ils finiront bien par nous lâcher les basques ces honnêtes gens en fin de carrière, sauf qu’en attendant eux votent massivement et consciencieusement (c’est normal ce sont des honnêtes gens qui font leur devoir)
Dans les maisons de retraite, on va même les chercher en bus avec leurs couches-culottes dans une main et le bulletin du candidat des honnêtes gens glissé dans l’autre. Et ça craint.
Ça craint si notre natalité rebelle, notre 1,9 taux de fécondité racaille, notre véritable énergie nationale et métissée, notre jeunesse à la poubelle, toute en vitalité, en créativité et en rage de vivre, confinée dans les ghettos de banlieue ne se mobilise pas enfin.
Ça craint A commencer par moi qui ferais bien de m’inscrire fissa sur les listes électorales avant fin décembre.
Reste 44 jours. Pour qu’elle reste belle la France.
tgb
Je vous rappelle quand même le magnifique lapsus de cette semaine ;
 » L’homme n’est pas une marchandise comme les autres  » Nicolas S.
Je vous laisse méditer sur le fion de la pensée de ce triste marchand de peur.

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

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