
Rigolez rigolez vous verrez…
Qu’elle nous avait balancé l’intendante du collège derrière ses lunettes austères, la mine toute flétrie, alors que nous, les pions au bout de la table du réfectoire, on se piquait un fou rire à propos de je ne sais trop quoi !
On était jeune et beau, on se fichait de tout dans l’arrogance de nos 20 ans, on avait toutes nos dents et tout l’avenir à bouffer, trousser, inventer, changer.
Rigolez rigolez vous verrez…
ça avait jeté un froid parce qu’on n’avait pas trop compris, ce que cette sinistre sentence, un brin menaçante, signifiait et ce qu’elle faisait là comme un cheveu dans notre mauvaise soupe de cantoche.

On s’était regardé perplexe et puis on était parti finir notre fou rire ailleurs.
On avait appris plus tard que la dame en question, avait perdu son mari d’une rupture d’anévrisme quelques années auparavant puis son fils victime de cette même fatalité.
Rigolez rigolez vous verrez…
On comprenait un peu mieux le contexte et comment les drames de cette dame l’avaient finalement aigrie et comment ses tragédies lui rendaient insupportables la légèreté d’autrui
Jusqu’à la maudire, se l’interdire presque.
Alors on a rigolé, rigolé et puis on a vu. On en a pris plein la gueule, on a perdu nos dents, nos cheveux, nos illusions, nos amis, nos amours, on s’est perdu de vue, on s’est perdu tout court…On est mort ici, on est mort là, on a enterré des gens, on s’est enterré avec, on s’est ressuscité quand même et on a continué de rigoler, rigoler et de voir venir, d’être léger dans la profondeur, d’être frondeur dans l’adversité, d’avoir l’intelligence du désespoir et l’ironie de la désespérance. On a rigolé encore, jaune, vert ou bleu, grincé, grimacé devant le néant, nez en l’air.
On n’a jamais empêché personne d’avoir 20 ans ni interdit le rire qui va avec.

Si je comprends parfaitement combien les drames humains peuvent lester les âmes et alourdir le coeur, je n’ excuserai jamais les censeurs de la vie, les accablés du destin, qui finissent par interdire toute insouciance et reprocher aux autres de respirer et d’y voir comme une provocation à leur renoncement.
La souffrance des uns ne doit rien infliger aux autres.
Avons nous encore le droit d’être déraisonnable au delà de toute raison ?
Alors oui aux Buttes Chaumont soudain, en pleine pandémie, en plein confinement, en pleine contrainte sanitaire, en pleine idéologie hygiéniste, des mômes se mirent à danser, comme l’on danse sur un volcan, comme l’on s’expose sous les bombes, comme on s’éclate sans y penser, comme on profite d’un spasme d’existence et d’une ivresse spontanée dans l’immortalité toute illusoire de ses 20 ans.
Ils s’en battaient les couilles !

Et soudain l’ordre moral de dégainer son « rigolez rigolez vous verrez… » et son arsenal juridique et sa chasse au cluster et sa morale bourgeoise de pique assiette en loucedé.
Je suis bien conscient que le Covid n’est pas là pour rigoler.
Je suis bien conscient qu’il est tous les jours des drames humains et des putains de tragédies.
Je suis assez lucide pour savoir qu’il est des précautions individuelles à prendre dans l’intérêt collectif.
Mais je sais aussi qu’on n’est pas sérieux quand on a 17 ans.
Qu’on ne doit pas être sérieux quand on a 17 ans.
Et que si on est sérieux quand on a 17 ans, c’est qu’on est macronard.
C’est qu’on est macromort. C’est qu’on est macrochiant et qu’on est macrovieux.
« Et qu’il vaut mieux gâcher sa jeunesse que de ne rien en faire. »
Et je sais aussi que je me battrai jusqu’à mon dernier souffle, derrière mon masque de zombi, (et quelque soit leur légitimité) contre les formules verrouillées, morbides et fatalistes des pisse froids, des affligés, des tartuffes, des anéantis et des morts vivants.
Rigolez rigolez vous verrez…
Vous ne verrez rien du tout, rien d’autre que l’écho de vos rires enlacés.
Vous ne verrez rien d’autre que le jaillissement du vivre malgré tout.
Rigolez rigolez vous verrez…
Qu’au delà de toute douleur, il vaut mieux rire de tout plutôt que de pleurer sur soi.
tgb
Ce qu’il faut répondre aux outrés (qui eux vont discrètement au restaurant « clandestin » haut de gamme pour affaires), à 17 ou à 20 ans me connaissant, ma place aurait été au premier plan sur la photo. De même que lors de trop de contrôles au faciès et de morts injustes dans des ghettos pour pauvres, j’aurai sans doute mis le feu partout. Tout ça pour dire que je la trouve magnifique cette jeunesse de patience et d’intelligence.
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Oui Agathe et je te fais confiance pour tout cramer même aujourd’hui et j veux bien en être. Les mômes sont très patients et même bien trop sages surtout que tout ce qu’on leur donne comme perspectives c’est de marcher au pas sous le commandement de généraux Tapioca qui n’ont jamais vu un champ de bataille de leur vie.
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Le jeune porte-parole originaire de Lavaur(rien) est étudiant en Droit…Le Droit des plus forts et des plus fous, celui des Carl Schmidt et autres Reinhard Höhn. Une chose est sûre, il ne va pas aux cours du prof Vincent Sizaire qui enseigne le Droit du citoyen (toujours en vigueur malgré les transgressions des Pouvoirs Publics ) issu de notre Révolution républicaine.
Sizaire a écrit deux livres: « Sortir de l’imposture sécuritaire » et « Être en sûreté. Comprendre ses droits pour être mieux protégé. »
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c’était les précieux conseils littéraires du professeur Re(Spire) !
tiens ça pourrait faire une chronique
quand tu veux robert…
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Thierry, merci de ta proposition mais je n’ai pas ton talent d’écriture.
Je préfère, ici où là dans les blogs que j’aime lire, signaler des ouvrages et des auteurs qui ne bénéficient pas ou très peu d’intérêts de la presse.
Côté chronique littéraire il y a le site que je recommande: « En attendant Nadeau »; ou encore sur les auteurs
de vulgarisation scientifiques: « Sciences critiques. »
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dont acte !
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