Faut arrêter de rien lâcher ; faut prendre.

Je me souviens il faisait gris, je marchais, vu que plus aucun transport ne fonctionnait, ça devait être novembre ou décembre 95, durant les grandes grèves contre le plan Juppé.

Plus je marchais, plus les voitures se faisaient rares, jusqu’à me retrouver seul au milieu du boulevard dans un grand silence étonnant.

Perplexe, j’essayais de comprendre. Et puis au fur et à mesure, une ligne d’horizon se rapprochait, se précisait et une rumeur sourde montait peu à peu.

Et ce fut comme une révélation, je me retrouvais face à la tête d’une énorme manif qui avançait sur moi d’un pas lent et déterminé.

Pas une manif carnaval non, où l’on joue à celui qui aura le plus beau déguisement, le plus beau slogan, le meilleur étalage, pas une manif techno-parade avec flonflons et ballons et orchestres sur camions non, un cortège grave, frontal, puissant comme une vague, monstrueux comme un tsunami.

Un rouleau incoercible que plus rien n’arrêterait et d’ailleurs rien ne l’arrêta.

J’imaginais juste ce qu’une telle force redoutable et tranquille pouvait produire sur des CRS en face.

Tout ça pour dire que ce n’est pas tant le nombre qui compte mais la résolution d’une foule, l’impression qui s’en dégage, le rapport de force qu’elle établit et que 50 000 personnes avançant au son d’un tambour ou dans un silence total sans faillir sans douter font plus qu’un million de personnes qui vont à la manif comme au bal.

5000 dockers qui marchent et c’est 1000 robocops qui reculent.

Oui, faut arrêter de rien lâcher faut commencer à prendre.

Oui faut arrêter de crier résistance, faut penser jusqu’à le faire entendre :

On avance !

tgb

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Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

8 commentaires sur « Faut arrêter de rien lâcher ; faut prendre. »

  1. Cet après-midi je revenais de Saint Nazaire, où d’autres luttes m’avaient appelé (elles ne manquent pas).
    Je me suis arrêté dans un bistro ami,et curieusement ma question a fait tache.
    Quelqu’un parlait d’une dizaine de personnes arrêtées. J’ai répondu « Combien de policiers arrêtés ? »
    Interloqué, le parleur a avoué « Zéro ».
    Le Yeti indique que la proportion de CRS qui se sont fait porter pâles est impressionnante.
    https://yetiblog.org/21-septembre-manifestants-crs/
    Est-ce un certain commencement de la fin ?

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  2. Les macronistes pense remedier notre système en crise par quelques réformes, changement de têtes et puis la vie ira pour le mieux…Un mois avant les évènements de 48, lucide, le très libéral Tocqueville avait le 29 janvier prononcé ce discours à la Chambre: »On dit qu’il n’y a point de péril parce qu’il n’y a pas d’émeute. Permettez-moi, Messieurs, de vous dire que vous vous trompez. Regardez ce qui se passe au sein des classes ouvrières qui, aujourd’hui, je le reconnais, sont tranquilles. N’entendez-vous pas qu’on répète sans cesse que tout ce qui se trouve au-dessus d’elles est incapable et indigne de les gouverner ; que la division des biens faite jusqu’à présent dans le Monde est injuste ? Et ne croyez-vous pas que, quand de telles opinions descendent profondément dans les masses, elles doivent amener, je ne sais quand, je ne sais comment, les révolutions les plus redoutables. »
    En conclusion de ce discours, une mise en garde : « je crois que nous nous endormons à l’heure qu’il est sur un volcan. »

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  3. « L’homme dégage une odeur spéciale : de tous les animaux, lui seul sent le cadavre. » écrivait Cioran. Les archives historiques en attestent…
    Revenons au sujet et parlons simplement (car souvent le « complexe » cache la misère): « La liberté économique, c’est la liberté pour le commerçant et les plus riches de s’enrichir indéfiniment » Henri Guillemin.

    Donc la liberté de prendre sous couvert de liberté d’entreprendre, alors pour le bonheur de tous, on sait tous (même au plus haut niveau, voir la vidéo)là où il faut « prendre » ou plus exactement « re-prendre ».

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  4. « En attendant Godot », c’est pas le pied mais les Doigts de l’Homme qui sentent aussi une odeur. Ces derniers mois, l’Assurance maladie m’envoie des courriers avec cette répétitive et lancinante question: « Avez-vous réalisé votre test de dépistage colorectal ? »….Comme dans le même temps j’ai demandé ma retraite pour 2018…J’ai bien envie de répondre à la Sécu que le gouvernement Philippe & Co (llomb) s’en occupe! 🙂

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  5. je me joins à ta réponse – Elle (l’assurance maladie) se soucie beaucoup aussi de mon trou de balle – C’est touchant cette sollicitude rapport à la manière dont on se fait mettre

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