Les touristes

Faudra quand même qu’on m’explique pourquoi les touristes mettent tant d’acharnement à se déguiser en touriste.

On se demande dans quelle mesure même ils n’achètent pas la panoplie complète histoire de se faire repérer illico par l’œil aguerri du pickpocket entraîné à les délester de leur larfeuille avec tous les papiers dedans, façon de bien pourrir leur séjour low cost.

Déboulant par fournées entières avec valises à roulettes des bus en double file, par grappe de 3 ou 4, quand ce n’est pas 50, ils partent bruyammant à l’assaut d’une France statufiée dans ses stéréotypes, sous le regard blasé des indigènes.

Plan à la main, guide à la ceinture du bermuda, bob vissé sur la tête, débardeur soulignant les épaules rougies au soleil ou faux Lacoste aussi moches que les vrais, on sait d’avance, ici dans le 18ème, qu’à leur air égaré, ils vont inévitablement vous demander dans un anglais approximatif (ça tombe bien le même que le mien) l’itinéraire pour se rendre au « Sâcrwé Keur ».

Cette saloperie de meringue ensanglantée, érigée sur les cendres des communards dont les touristes n’entendront jamais parler, pas plus que nous d’ailleurs.

Pourquoi à l’heure du numérique, arborent-ils encore en bandoulière d’énormes appareils photos avec objectifs pour prendre des clichés qu’on retrouve en mieux sur toutes les cartes postales ?

Pourquoi consommant du pire, made in n’importe où, du souvenir délocalisé couleur faussement locale, avalant de l’infect mondialisé pas cher à un prix exorbitant, bouffant dans les églises, s’agglutinant dans les musées, s’agrégeant grégaire sur la place du Tertre où des serveurs chinois déguisés en Poulbot leur font cracher de la monnaie, ne bifurquent-ils pas à la première voie de délestage, afin de se ‘perdre’ peinard, de se fondre dans le décor, histoire de pas trop dépayser parmi les autochtones ?

Les touristes, cette étrange population interlope au statut indéfini, de passage, en transit, qui n’a pas plus de nationalité que d’internationalité, tout juste figurants de notre histoire comme nous de leur film vidéo.

Le touriste, ce consommateur d’ailleurs, cet estivant de nulle part, ni citoyen du monde, ni habitant de quelque part, tout juste bon à doper en l’uniformisant l’économie locale.

Le tourisme : consumérisme standard d’un pays industrialisant faute de mieux et par facilité, son passé, son soleil, sans forcément d’avenir.

« Le tourisme consiste à envoyer des gens qui seraient mieux chez eux chez des gens qui seraient mieux sans eux »

et qui se croisent sans se connaître ni même se rencontrer.

tgb

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Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

4 commentaires sur « Les touristes »

  1.  » Plan à la main » ,  » air égaré » : ça me ressemble assez bien quand je viens à la capitale . Et en plus comme je suis une fille, je ne comprends rien aux plans.

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