L’avenir appartient à ceux qui sont jeunes tôt

La question n’est pas de savoir si telle ou telle révolution sera récupérée, corrompue, ou dévoyée vu qu’on sait d’expérience qu’elle le sera fatalement, que c’est dans l’ordre des choses, des menues contingences du réel et du monde tel qu’il va.

Il s’agit d’abord et avant tout de jouir de ce moment exquis où l’on brasse et redistribue les cartes, où l’on se délecte de voir quelques puissants autocrates du club très fermé de l’oligarchie mondiale, dont on mangeait dans la main la veille, se retrouver par terre c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau c’est la faute à Rousseau.

Il s’agit d’abord et avant tout de savourer, ce pur instant d’éternité, cette photo emblématique,

où la peur change de camp, où un peuple s’émancipe à mains nues.

La question n’est pas de savoir si telle ou telle révolution sera confisquée par les barbares barbus, islamo-fascistes et autres talibans. Encore faudrait-il savoir ce qu’est un islamiste, si un barbu ottoman a le même sens de poils qu’un moustachu arabe qui aurait la même pilosité qu’un perse hirsute.

Bref, comme s’il n’y avait pas quelques nuances entre le protestant ouvert et tolérant et l’évangélique régressif et fanatique, entre un chrétien démocrate et un catho intégriste.

Inutile effectivement de s’encombrer de ces subtilités quand on a pour fonds de commerce le choc des civilisations, qu’on pense tellement pileux qu’on voit tout en glabre et que si la presse Tunisienne faisait dans la finesse éditorialiste du « Point » par exemple, on verrait en une « le spectre fasciste ? » avec un dessin du Plantu local croquant une Marine Lepen nazifiée devant un clocher d’église en arrière-plan.

La question n’est pas non plus de savoir si « la France de demain » s’intéresse au monde qui l’entoure et si au-delà de sa semaine à 300 euros, vautrée dans un hôtel low coast de Djerba, la Tunisie ou l’Egypte à une réalité pour elle (ne parlons même pas du Yemen), puisque l’audience des JT a déjà tranchée.

Or la neige à Noël et les bouchons sur les routes des vacances, la France météo de Laurence Pujadas n’est curieuse de rien, ne s’intéresse à rien et surtout pas à ce qui aura directement une incidence sur sa vie quotidienne dans les années qui viennent.

Cette France moisie donc, toute calfeutrée et crispée sur ses vidéos surveillances, ses milices de quartier et son art de la délation se consacre à des projets autrement plus enthousiasmants, tels la réforme de la retraite, le plan de lutte contre l’Alzheimer ou l’inscription de sa gastronomie au patrimoine musée de l’humanité.

Heureuses perspectives.

A la petite boutique des marchands de peur, cette France là dans cette Europe là, d’acheter et de stocker ses peurs : la peur de la neige à Noël, la peur des bouchons sur la route des vacances, la peur de ses voisins pas comme nous, la peur du multirécidiviste de juge rouge et laxiste, la peur du bolchevik Melenchon qui ose traiter de larbin le journaliste de complaisance, la peur du Rom pas assez génocidé, du jeune de banlieue pas assez kärchérisé, du sportif antillais ne beuglant pas assez fort l’hymne national.

Non, le seule question qui vaille, c’est à qui appartient l’avenir ? Quelle société, civilisation ou culture immergée ou émergente incarnera le 21eme siècle ? Un peuple jeune, ayant faim de tout d’ouverture, d’avenir et de liberté enfin ou une population vieillissante, rance et sclérosée qui se ferme à tout, se replie sur son nombril, centre de rien ou de son propre vide ?

L’âge moyen de la France est de 40 ans.

L’âge moyen du Yemen est de 18 ans.

Faut-il faire un dessin (un dessein ) ?

La seule question qui vaille, c’est qui poussera le fauteuil roulant d’une Europe appauvrie, déclinante, à la mémoire défaillante et en état de dépendance physique demain ?

La réponse est dans la question.

Mon conseil du jour : les racistes, xénophobes et nationalistes décadents, incontinents sur leur fauteuil roulant, auront sacrément intérêts à être polis avec les jeunes immigrés qui auront encore l’amabilité de bien vouloir les mouvoir.

tgb

merci à Urbain et à Bachir K. pour les photos tunisiennes

<!– <!==

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

18 commentaires sur « L’avenir appartient à ceux qui sont jeunes tôt »

  1. c’est juste l’illustration qui manquait – ils ont du en faire 50 des unes comme ça – faudrait pas que les pays arabes deviennent démocratiques après le Point l’Express…seraient obligés de faire « les francs maçons  » chaque semaine – ça pourrait être lassant

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  2. La peur et le vide oui ,la peur que l’on crée par le vide que l’on creuse un peu plus chaque jour , par l’absence de sens des questions que l’on nous pose (en prétendant nous gouverner) et auxquelles on s’empresse de repondre en nous imposant des réponses encore plus insensées.

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  3. Ce que la « couverture » du « Point » montre surtout c’est que nous disposons en france de la presse la plus réactionnaire des « pays développés » …
    la plus veule et la plus confite dans le suivisme servile aux ordres du marché et de ses diverses instrumantalisations « d’actualité » , haine raciste et sionisme arabophobique en tête .

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  4. En France, c’est (un peu) pareil: si la jeunesse ne s’émancipe pas des discours mensongers et sectaires de cette oligarchie arrogante, elle finira sclérosée, comme tous ceux qui répètent bêtement ce que vomit cette caste dominante et se complaisent à dire que les jeunes s’intéressent à rien.

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  5. rien de mieux que des stages accumulés à 500 euros (dans le meilleur des cas) pour aider à l’émancipation
    « indignez vous » disait un jeune vieux monsieur de 93 ans

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  6. Les « jeunes » , la « jeunesse » ça n’es pas une catégorie dans laquelle on peut penser utilement la politique et l’histoire.
    La domination et l’injustice s’exercent sur les jeunes … et sur les moins jeunes de même. Les quinquagénaires ne sont pas moins « exclus » que les jeunes diplomés ( ou pas ) .
    Là comme ailleurs les injustices et les différences passent par les catégories économiques et sociales qui s’appliquent dans les rapports sociaux, pas dans celles du marketing ou du discours fantasmatique de la médiacratie.
    Ce qui exerce une pression sur le couvercle de la marmite ce sont les conflits produits par les contradictions qu’engendre la domination de quelques uns sur le plus grand nombre, à tous les niveaux du corps social.
    Ces conflits sont idéologiques ( ils sont même au coeur du sens que marx donne au mot idéologie ) et non pas générationnels.
    Ce qui est en crise aujourd’hui c’est le démocratisme capitaliste dans sa forme actuelle :
    L’oligarchie ploutocratique chez nous , tentant de s’exporter via des dictatures non moins ploutocratiques ailleurs pour maintenir les conditions optimales du profit.
    Ce qui est en crise c’est ce que chomsky appelle le « consentement », ce qui dénote un stade possiblement révolutionnaire du conflit.
    Ce qui est « nouveau » c’est que le niveau de tension est tel qu’il n’a pas fallu « d’avant garde » pour conduire le soulèvement populaire, et que le sentiment d’oppression et d’injustice est tel , sur une telle masse populaire qu’il s’entretient sans « parti » ni « leader » , et qu’il pourrait bien les engendrer « spontanément » .
    Une possibilité que beaucoup jusqu’ici rejetaient comme improbable par ce que précisément « sans précédent ».
    Nouvelle preuve que l’histoire ne se répète jamais, et que ce sont les contradictions même du capitalisme, sa nécessité ontologique de se développer et se répandre et de développer de même l’oppression , l’injustice et la domination, qui contiennent en germe les raisons et conditions de sa fin .

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  7. Aux deux, évidemment.
    « L’avenir dure longtemps » et ne se « partage » pas .
    Inscrit dans le devenir ( dont « l’avenir » n’est qu’une réduction) le fait « ontologique » que les jeunes deviennent nécessairement vieux … mais pas nécessairement « vieux cons » , que les pauvres ne deviennent pas (du tout) nécessairement riches , que les « genres » n’ont qu’une fonction de diversion et de détournement des fondements de la domination à combattre, ils (les « genres » ) traversent la domination, l’injustice et la domination qui les instrumentalisent au gré des intérêts du marché .
    Il faut cesser de « penser le politique » dans ces catégories , totalement aliénées à une idéologie qui est celle-là même sur laquelle s’appuie la domination.
    Une idéologie qui promeut la « séparation », à tous les niveaux .

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  8. @urbain – s’agit pas de compartimenter évidemment – je ne cherche pas à non plus à opposer les générations je parle démographie, natalité, et je constate simplement qu’il est des sociétés jeunes et des sociétés âgées. Et que par définition les jeunes finiront vieux après leurs parents.
    @tralala – Mireille Mathieu ou Amel MATHLOUTHI choisis ton chant camarade !

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  9. ça n’est pas par ce que la pyramide des ages en tunisie est similaire à celle qu’elle fut, notamment en France au lendemain des deux guerres mondiales et autres « baby boom » , que les contradictions ont évolué comme on sait en tunisie. C’est par ce qu’une masse suffisante ( de jeunes et de moins jeunes) s’est trouvé acculée à la protestation révoltée comme mode de « résolution » de cette contradiction.
    Le fait que les dominés soient majoritairement des jeunes , du fait démographique, constitue un des aspects spécifiques de la contradiction , comme le fait que les jeunes diplomés ne trouvent pas de travail, etc.
    Ces spécificités sont également fortement connotées sur le mode « une société qui ne promet aucun « avenir » à ses jeunes est condamnée » , et cette connotation a une importance indéniable au plan idéologique car elle contribue à approfondir la « contradiction principale » dans le champ idéologique précisément, en disqualifiant la superstructure qui l’impose.
    Mais encore une fois, toutes ces déterminations( et d’autres du même ordre ) relèvent des « conditions objectives » , contingentes et circonstancielles de la contradiction, elles n’en donnent ni le sens ni aucun motif à en tirer une quelconque exemplarité , finalité voire utilité.

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  10. @urbain – « elle contribue à approfondir la « contradiction principale » AH quand même !!!
    @yelrah -le jeune qui jeûne ça dédouble la rage en effet (viens donc jeûner à la maison…)

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