Croissance verte à forte durabilité


Un octogénaire plantait.
« Passe encor de bâtir ; mais planter à cet âge ! »
Disaient trois jouvenceaux, enfants du voisinage ;

Le Vieillard et les trois jeunes Hommes – Lafontaine

Je viens enfin de comprendre cette détestation des arbres.

Planter un arbre, c’est admettre qu’on n’en jouira pas avant longtemps.
Moins que d’un barbecue électrique auto nettoyant.
Moins que d’un parasol en son salon de jardin universellement Grosfillex.
Et moins que d’un air con-ditionné à développement modérément durable, mais autrement plus climatisé que l’ombrage d’un arbuste qui, p… de b… de m…, prend décidément tout son temps, ce qui dans ce monde très pressé à exploiter d’urgence, ne donne pas un super retour sur investissement.

Planter un arbre oui, c’est accepter de se projeter dans les trente prochaines années, alors qu’on est tout juste bon à se projeter vers la star Ac du soir.

En cette société où le profit hédoniste se doit d’être immédiat, investir dans un arbre dont l’ombre et l’oxygène ne profiteront qu’à ses petits merdeux de descendants qui lorgnent déjà sur l’héritage, n’est d’aucun intérêt.

Tout à son court-termisme jouisseur, l’individu consommateur voit bien le bénéfice qu’il  a, à tronçonner en cinq minutes du chêne centenaire. Le Schumacher du caddy à Carouf, tout à son circuit de la marchandisation heureuse, peut se goberger à faire venir à prix d’or et par cargo spécial, pour épater son con de beau frère lors du prochain cocktail dînatoire au bord de la piscine, un olivier andalou qui se demande bien ce qu’il fout en ces brumes mormandes.

La municipalité qui privatise plus vite que son ombre et qui se fout de l’intérêt général comme de son premier service public, peut éradiquer les platanes un peu hauts à élaguer et qui ont une certaine tendance à heurter des primes à la casse, pour les remplacer par des palmiers exotiques  empotés, façon mobilier urbain, entre deux projets immobiliers à rétro commissions.

Mais pour ce qui est du long terme, pas très porteur électoralement, en tout cas moins que les paniers-repas de noël, avec bulletin de vote au fond du pâté pour vieux, tu peux te rhabiller. 

Le capitalisme tout pour ma gueule qui n’a jamais eu qu’une seule idée fixe « ça durera bien autant que moi » est prêt en revanche à investir dans le vocabulaire, histoire de toujours fourguer sa came à peine repackagée.

Que la croissance infinie dans ce monde sarkozistement fini, ait du plomb dans l’aile, il suffit d’y accoler le mot « vert » pour ripoliner l’affaire.

Que l’exploitation du monde par le spéculateur pue fort de la gueule, il suffit de rajouter du dentifrice  « durable » pour que l’haleine soit commercialement mentholée.

Plus ça pollue, plus ça pub durable et plus vite s’achète l’absolution.

Plus ç’est cupide, plus ça privatise les bénéfices et nationalise les déficits, et plus ça pseudo-moralise pour pas démoraliser l’opinion.

Ne nous faisons aucune illusion, avant que d’aller saloper le reste de l’univers, le dernier Bill Gates, s’offrira le dernier arbre, le dernier baril de pétrole, et la dernière lichette d’eau, tout en faisant des chèques médiatiques pour les derniers enfants de Haïti qui finiront dans le dernier musée.

Et comme le dirait notre bonzaï président Petit : « l’homme n’est pas une marchandise comme les autres. »

Les petits hommes verts à faible durabilité si.

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

21 commentaires sur « Croissance verte à forte durabilité »

  1. Aaa mais ouiii, c’était fait exprès en fait!
    Mais nul besoin de points de suspension pour me faire rebondir sur tes mots.
    J’ai donné l’impression de ricaner sur le texte mais non!
    Je me suis mal métaexprimée.

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  2. Où sont nos années diabolo-menthe à 100 % E321 E221 E115 …? Durant lesquelles tout le monde se branlait du chimique à côté des habitations, de fumer dans la bagnole avec les gosses, d’hormoner à donf les petits veaux à la noiraude,de sniffer de l’amiante, ha les belles années où on s’en foutait puisqu’on allait pas en crever dans l’immédiat.

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  3. ben oui d’autant que je me dois de concéder que j’ai un faible pour la junk food plus c’est calibré fluo et mou et plus j’aime – la bouffe tagada c’est quand même autre chose qu’un poireau bio

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  4. En Papouasie , le peuple Korawai fait pousser un palmier qui 20 ans aprés donne de la farine , à chaque fois qu’ils coupent un arbre planté par leurs ancêtres, ils en replantent un autre pour leurs descendants
    Zazie fait pleurer le chef du clan et nous avec

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  5. Du métalangage ? Pas besoin, j’ai compris à la première lecture ce que tu voulais dire en parlant de ces arbres et de la société de consommation : entre l’hêtre et l’avoir, tu as choisi, résolu à ne pas tout sacrifier au bouleau et à te débarrasser de tes chênes.
    (J’ai honte, je vais me cacher dans le premier bosquet venu…)

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  6. C truffé de vrai mais il faut bien commencer quelque part. Lorsque tu coupes l’arbre de tes ancêtre plantes-en un à la place pour tes descendants un point c’est tout ! Quelle meilleure sagesse à suivre pour l’esprit humain encore imparfait ;o)

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  7. ah oui oui mais planter pour dans 30 ans c’est moins jouissif qu’un super barbock tout de suite qui fait pas de feuilles à ramasser

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