Zoé sort du zoo

Elle s’appelait Zoé Aveilla.
Elle avait 23 ans.
Elle était ardéchoise et vivait dans un camion.
Elle fréquentait vaguement ce qu’on appelle pour lui donner un nom, la « mouvance anarcho-autonome, et avait participé à quelques manifestations.

Dans la nuit du 30 avril, à Cognin, banlieue de Chambery, avec son copain, Mickaël Dupanloup, jeune marginal suisse, elle bricolait dans une usine désaffectée, une bombe artisanale.

Ce qu’ils comptaient en faire ?
On n’en sait rien et on s’en fout.
Pas grand chose, la preuve :
La bombinette leur péta à la gueule.

Il fut gravement brûlé.
Elle y laissa la vie.

Mourir à 20 ans
Plutôt qu’à trente
Quand on voit le destin du triste Romain Goupil, pourquoi pas ?

Mourir pour des idées d’accord mais de mort lente lui répondrait Brassens dans sa bonhomie lucide.

Ni héroïne, ni anonyme, Zoé n’est évidemment pas Nathalie Menigon qui n‘était évidemment pas Louise Michel. Si elle est un peu plus qu’un fait divers, elle est un peu moins qu’un symbole. Tout au plus un syndrome.

Le syndrome d’une désespérance face à pas d’avenir, pas d’utopie, pas de perspectives, face à une machine froide, sans amour, sans pitié, instrumentalisant par l’émotionnel le moindre fait divers et désignant à la foule des victimes expiatoires affublées du terme anesthésiant « terroriste »  comme en fait les frais dans une manipulation étatique arbitraire, Julien Coupat. (libérable aujourd’hui ?)

Une machine jouant à la fois le rôle de majorité et d’opposition, faisant les questions et les réponses et n’acceptant aucune alternative hors la radicalisation qui l’autorise à justifier l’incessant grignotage des libertés.

Combien d’apprentis bricolos boum boum jouant à la guerre romantique au fond de leur garage contre ce soft totalitarisme insaisissable et rampant ?

A l’heure où la connerie démago installe ses portiques à l’école et ses miradors sur le net flattant la médiocrité de la France d’en dessous la ceinture qui applaudit à la fabrication de sa propre aliénation, il est au moins toujours mieux, comme Zoé de « gâcher sa jeunesse plutôt que de ne rien en faire ».

Si, sous les pavés la plage, sous la plage à nouveau les pavés…

Face à cette impossible impasse où trouver la mer ?

En attendant la résolution de cette question vitale et peut-être insoluble ce qui n’empêche heureusement pas d’y réfléchir (sinon quoi faire ?) les anarchistes grecs viennent de perpétrer deux attentats contre des commissariats et dédiés à ZOE.

Drôle de légion d’honneur et drôle de dédicace certes , mais finalement bien plus honorable que de finir ministre de l’immigration et de l’identité nationale.

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

14 commentaires sur « Zoé sort du zoo »

  1. « J’avais vingt ans, je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie » écrivait Paul Nizan au tout début d’Aden Arabie en 1931.
    Phrase lucidement prémonitoire.
    2009 = 1931 ?
    Ton billet incite tristement à le penser, à l’heure de la garde vue de gamins de 69 ans, de la suspicion à l’égard de la jeunesse qu’anime et entretient à loisir celui-dont-on-ne-peut citer-le-nom (A la question « diriez-vous des jeunes, au travers de leurs comportements, de leurs actions dans la société, que vous en avez une image plutôt positive, très positive, très négative ou plutôt négative ? », 51% des personnes interrogées ont répondu « très négative » (4%) ou « plutôt négative » (47%). – Sondage Audirep – 13 mai 2009).

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  2. Les gamins n’ont pas encore de passé et ils n’ont même pas de present possible ne serait ce que pour penser « no future », foutu jeunesse que nous leur avons donné .

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  3. c’est juste yelrah quand on peut balancer du « no future » c’est qu’il y en a au moins un sur lequel cracher

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  4. « Si elle est un peu plus qu’un fait divers, elle est un peu moins qu’un symbole. Tout au plus un syndrome. »
    Très bien vu. Faut avouer que – même avec les « commémorations » grecques de la mort de Zoé – c’est très con comme mort. Pas au sens péjoratif, hein. Juste, mourir aussi bêtement, ça fout le bourdon.

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  5. Excellent. Vu comme ça on se met a réfléchir, a essayer de voir ce qui se passe derrière le miroir. Merci Zoé.

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  6. Salut. J’ai pas l’impression qu’on se connait,
    peut-être tu connaissais Zoé
    peut-être pas peu importe
    au gré de mes quelques recherches pour voir ce qui s’était dit de cette affaire sur le net (pas grand chose à part de la merde vengeresse ou inexacte dans les mass medias), je suis tombé sur ton blog.
    merci pour cet hommage, j’ai eu peur en voyant que t’étais hébergé par 20 minutes, en fait t’as pondu à peu près le seul texte décent à propos de son décès.
    Je pense que ça lui aurait trop rien dit de devenir un symbole, alors un syndrome, c’est moche pour elle, mais je vois ce que tu veux dire,
    sa mort c’est le bête accident, et bien sûr que c’est à cause de ce monde pourri, et peut-être que c’est la sortie qui lui convenait le mieux, quelque chose…d’explosif, à son image, bref…
    Si vous la cherchez son fantôme hantera encore longtemps les poubelles du vieux monde, son rire aussi, et ses ongles noircis.
    merci encore.

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  7. l’ayant personnellement connu je peux dire qu’elle à toujours incarné la liberté et le respect de l’homme quelque soit son origine.

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