
Quand la vigie de la Santa-Maria dans la nuit du 12 octobre 1492 à 2H15 cria ‘terre’ un grand malheur s’abattit sur le monde :
Christophe Colomb découvrait l’Amérique (les Caraïbes surtout)
Et les Indiens, le génocide.
Pas du gagnant – gagnant, à priori
Mais d’abord Colomb ne découvrait rien du tout.
D’abord parce que ce continent était répertorié, cartographié depuis l’Antiquité (géographie de Ptolémée). Ensuite parce qu’au moyen age, pendant que nous pensions encore que la terre était ronde, les Vikings, les Chinois y étaient passés bien avant nous sans en faire un fromage.
Enfin l’Amérique, et on retrouve bien là l’ethnocentrisme nombriliste de l’homme blanc enfariné, existait bien avant Colomb et c’est surtout les Amérindiens et leur culture millénaire qui découvraient Colomb et ses mousquetons.
Ils les sentirent passer.
Le visage pâle, représentant évidemment le nec plus ultra de la civilisation, cette civilisation supérieure aux autres, chère à Berlusconi (il n’y a qu’à voir ses programmes télés pour s’en convaincre) fit connaître à l’indigène et en formation accélérée, la couverture infectée de vérole et de tuberculose, le scalpe, la famine, le génocide culturel, l’esclavagisme, une lente et minutieuse extermination et plus tard, des notions aussi abstraites et sexy que la croissance, l’indice boursier ou le benchmarking. Enfin et pour preuve évidente de notre culture sophistiquée, l’obésité, l’ouvre boîte électrique et la carte Américan express.
Ils apprirent aussi à l’autochtone ignare et nomade ; la sédentarité, la propriété privée, la ruée vers l’or, l’alcoolisme…
A ce peuple collectif et solidaire ; l’individualisme, la compétitivité, l’égoïsme, la spéculation …
Et des sentiments aussi nobles que la cupidité, la vénalité et l’avidité pour bien surexploiter, surconsommer et sur-gaspiller à en épuiser la planète.
Le toujours plus…
Plus de mayonnaise, plus de frittes, plus de coca, plus de ketch up, plus de super super géant, plus de méga menu XXL. Plus de tout et tout de suite.
Le barbare en resta comme deux ronds de cheeseburger et disparut.
Avant l’homme blanc : huit millions d’indiens et 60 millions de bisons.
Apres : quelques milliers d’indiens et 23 bisons (10 000 aujourd’hui)
Depuis que la voix du chamane et le son du tam-tam se sont tus, mon sentiment profond est que l’humanité s’est trompée de civilisation et a choisi l’autodestruction plutôt que l’harmonie.
Sans idéaliser le mythe du bon sauvage (j’ai lu Lévy Strauss, faut pas croire) ou me laisser aller à l’utopie du paradis perdu et sans culpabilité inutile (pas désespérer ce pauvre Bruckner….) je suis convaincu qu’une forme de douce autarcie, de sage autosuffisance et d’écologie sereine s’est perdue en route. Et je suis en manque.
Mais dans ce monde Hollywoodien si subtilement découpé en deux catégories : les bons et les méchants, raisonnons binaire, raisonnons Cow-boys et Indiens.
En France aujourd’hui les Indiens tiennent les murs des cités, s’appellent Mouloud et fument le calumet de la castagne avant de se faire matraquer par les tonfas des cow-boys qui défendent le haut du pavé.
C’est-à-dire nous.
En Irak, les Indiens arabes servent d’ennemi à un peuple de cow-boys ayant un irrépressible besoin de se prouver qu’ils sont des héros.
En Israël, les juifs, après avoir été les Indiens exterminés des nazis se muent en cow-boys enragés des palestiniens.
On peut avoir été indien et devenir cow-boy, simple affaire de pouvoir et de bombes à fragmentation. On est tous finalement le cow-boy de l’un et l’Indien de l’autre.
Mais les véritables Indiens restent d’Amérique et o miracle, Geronimo est de retour.
Non seulement dans le visage cuivré d’Evo Morales et de son pull made in Bolivie mais d’une manière générale, partout en Amérique du sud au nord comme en Oklahoma par exemple.
Les Seminoles, peuple de guerriers insoumis et jamais vaincu ( ils n’ont jamais signé de traité de paix qui ne leur a d’ailleurs jamais été proposé) sortent de leur réserve.
Ce peuple, réduit à quelques centaines d’individus au début du XXe siècle et aujourd’hui fort de 10 000 âmes est en pleine renaissance.
Renaissance, grâce à la manne des 400 casinos disséminés dans 28 états d’Amérique.
Manne plus efficace que toutes les aides sociales et l’assistanat infantilisant.
Efficace car gérée collectivement et redistribuée à la communauté dans des projets sanitaires et éducatifs.
Les Seminoles donc, viennent de racheter la chaîne des ‘Hard Rock Café’ ; 124 établissements de par le monde et pour une fois voilà une OPA qui remplit de joie mon tipi parisien.
Je vous rappelle quand même pour plomber l’ambiance (faudrait pas exagérer) que le prisonnier politique Léonard Peltier, militant du American Indian Movement, accusé du meurtre de deux agents du FBI, clame son innocence dans les geôles Yankee depuis 1977.
Un pow wow en son nom….
tgb
Petit plus : un texte à la fois poétique et prophétique du chef indien Seattle à conseiller d’urgence à Nicolas.
Hulot pas l’autre…
Nous sommes peut-être Frères
Paroles du chef Seattle :
Le Grand Chef Blanc, à Washington, nous salue avec de l’amitié et de la bonne volonté. Ceci est gentil de sa part, car nous savons qu’il n’a pas besoin de la nôtre d’amitié.
Il nous fait savoir qu’il veut acheter notre terre et nous laisser une réserve pour y vivre sans encombre.
Cette offre paraît juste et même généreuse, car l’Homme Rouge n’a plus de droits à faire valoir face à l’Homme blanc qui peut venir avec ses fusils.
Mais, comment pouvez vous acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre ? L’idée nous paraît étrange.
Si nous ne possédons pas la fraîcheur de l’air et le miroitement de l’eau, comment pouvez-vous les acheter ?
Chaque parcelle de cette terre est sacrée pour mon peuple.
Chaque aiguille de pin luisante, chaque rive sableuse, chaque lambeau de brume dans les bois sombres, chaque clairière et chaque bourdonnement d’insecte est sacré dans le souvenir et l’expérience de mon peuple.
La sève qui coule dans les arbres transporte les souvenirs de l’Homme Rouge.
Les morts des Hommes Blancs oublient le pays de leur naissance lorsqu’ils s’en vont se promener parmi les étoiles. Nos morts n’oublient jamais cette terre magnifique, car elle est la mère de l’Homme Rouge. Nous sommes une partie de la terre, et elle fait partie de nous.
Les fleurs parfumées sont nos soeurs ; le cerf, le cheval, le grand aigle, sont nos frères. Les crêtes rocheuses, les sucs dans les prés, la chaleur du poney, et l’homme : tous appartiennent à la même famille.
Aussi, lorsque le Grand Chef à Washington envoie dire qu’il veut acheter notre terre, demande-t-il beaucoup de nous.
Le Grand Chef envoie dire qu’il nous réservera un endroit de façon à ce que nous puissions vivre confortablement entre nous. Il sera notre père et nous serons ses enfants. Nous considèrerons, donc, votre offre d’acheter notre terre, mais ce ne sera pas facile.
Car cette terre nous est sacrée.
L’eau scintillante qui coule dans les ruisseaux et les rivières n’est pas seulement de l’eau mais le sang de nos ancêtres.
Si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler qu’elle est sacrée, et vous devez apprendre à vos enfants qu’elle est sacrée et que chaque reflet spectral dans l’eau claire des lacs parle d’évènements et de souvenirs dans la vie de mon peuple. Le murmure de l’eau est la voix du père de mon père. Les rivières sont nos soeurs : elles étanchent notre soif, portent nos canoës et nourissent nos enfants.
Si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler, et enseigner à vos enfants, que les rivières sont nos soeurs, et les vôtres, et vous devrez alors montrer pour les rivières la tendresse que vous montreriez pour une soeur.
Nous savons que l’Homme Blanc ne comprend pas nos moeurs.
Pour lui, une parcelle de terre ressemble à la suivante car c’est un étranger qui arrive dans la nuit et prend à la terre ce dont il a besoin. La terre n’est pas sa soeur, mais son ennemie, et, lorsqu’il l’a conquise, épuisée, il va plus loin. Il abandonne même la tombe de ses aïeux, et cela ne le tracasse pas. La tombe de ses aïeux, et le patrimoine de ses enfants tombent dans l’oubli.
Il traite sa mère, la terre, et son frère, le ciel, comme des choses à acheter, piller, vendre, comme les moutons ou les perles brillantes.
Son appétit dévorera la terre et ne laissera derrière lui qu’un désert.
Nos moeurs sont différentes des vôtres.
La vue de vos villes fait mal aux yeux de l’Homme Rouge. Mais peut-être est-ce parce que l’Homme Rouge est un sauvage et ne comprends pas.
Il n’y a pas d’endroit paisible dans les villes de l’Homme Blanc. Nul endroit pour entendre les feuilles se dérouler au printemps, ou le froissement des ailes d’un insecte.
Mais peut-être est-ce parce que je suis un sauvage et ne comprends pas ?
Le vacarme semble seulement insulter les oreilles. Et quel intérêt y a-t’il a vivre si l’homme ne peut entendre le cri solitaire de l’engoulevent ou les palabres des grenouilles autour d’un étang la nuit ?
Je suis un Homme Rouge et ne comprends pas.
L’Indien préfère le son doux du vent s’élançant comme une flèche à la surface d’un étang, et l’odeur du vent lui-même, lavé par la pluie de midi, ou parfumé par le pin pignon.
L’air est précieux à l’Homme Rouge, car toutes choses partagent le même souffle : la bête, l’arbre, l’homme, tous partagent le même souffle.
L’Homme Blanc ne semble pas remarquer l’air qu’il respire :
comme s’il mettait plusieurs jours à expirer, il est insensible à la puanteur. Mais si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler que l’air nous est précieux, qu’il partage son esprit avec tout ce qu’il fait vivre.
Le vent qui a donné à notre grand-père son premier souffle a aussi reçu son dernier soupir. Et si nous vous vendons notre terre, vous devrez la garder à part et la tenir pour sacrée, comme un endroit où même l’Homme Blanc peut aller goûter le vent adouci par les fleurs des prés.
Nous considèrerons donc votre offre d’acheter notre terre. Mais si nous décidions de l’accepter, j’y mettrais une condition : l’Homme Blanc devra traiter les animaux de cette terre comme ses frères.
Je suis un sauvage et ne connais pas d’autre façon de vivre.
J’ai vu un millier de bisons pourrissant sur la prairie, abandonnés par l’Homme Blanc qui les avait abattus d’un train qui passait. Je suis un sauvage et ne comprends pas comment le cheval de fer fumant peut être plus important que le bison que nous tuons, nous, uniquement pour subsister.
Qu’est ce que l’homme sans les bêtes ?
Si toutes les bêtes disparaissaient, l’homme mourrait d’une grande solitude de l’esprit. Car ce qui arrive aux bêtes, arrive bientôt à l’homme.
Toutes les choses se tiennent.
Vous devez apprendre à vos enfants que le sol qu’ils foulent est fait des cendres de nos aïeux. Pour qu’ils respectent la terre, dites à vos enfants qu’elle est enrichie par les vies de notre race.
Enseignez à vos enfants ce que nous avons toujours enseigné aux nôtres : que la terre est notre mère. Et que tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre. Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes.
Nous savons au moins ceci : l’homme appartient à la terre.
Cela nous le savons.
Toutes les choses se tiennent comme le sang qui unit une même famille.
Toutes les choses se tiennent et tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre.
Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à lui-même.
Même l’Homme Blanc, dont le Dieu se promène et parle avec lui comme deux amis ensemble, ne peut être dispensé de la destinée commune.
Après tout, nous sommes peut-être frères. Nous verrons bien.
Il y a une chose que nous savons et que l’Homme Blanc découvrira peut-être un jour : c’est que notre Dieu est le même Dieu. Il se peut que vous pensiez maintenant le posséder comme vous voulez posséder notre terre : mais vous ne pouvez pas. Il est le Dieu de l’Homme, et sa pitié est égale pour l’Homme Rouge et le Blanc.
Cette terre lui est précieuse, et nuire à la terre c’est accabler de mépris son créateur.
Les Blancs aussi disparaîtront. Peut-être plus tôt que toutes les autres tribus. Contaminez votre lit, et vous suffoquerez une nuit dans vos propres détritus. Mais en mourrant vous brillerez avec éclat, ardents de la force de Dieu qui vous a amenés jusqu’à cette terre et qui, pour quelque dessein particulier, vous a fait dominer cette terre et l’Homme Rouge.
Cette destinée est mystère pour nous, car nous ne comprenons pas.
Quand les bisons seront tous massacrés, les chevaux sauvages
domptés, les coins secrets de la forêt chargés de l’odeur de beaucoup d’hommes et la vue des collines en pleines fleurs ternies par des fils qui parlent.
Alors où seront les fourrés ?
Disparus.
Où sera l’aigle ?
Disparu.
Et cette disparition marquera la fin de la vie et le début de la survivance.