De Guignol à Notre-Dame-Des-Landes

Il se trouve que depuis que j’ai l’honneur et la joie de partager la vie d’une petite fille de 30 mois à ce jour (mais ça ne cesse de changer), je fréquente assidument les castelets de Guignol au parc des Buttes Chaumont.

Je dis les, car il y en a deux. L’un couvert pour la saison hivernale, mini théâtre à fauteuils rouges, l’autre découvert, avec bancs en bois rudimentaires pour la belle saison, tous deux prolongeant plus ou moins la tradition populaire.

Si, historiquement Guignol crée par Laurent Mourguet du côté de la Croix-Rousse à Lyon à longtemps été associé à la révolte des canuts, milieu de la soierie dont Mourguet était issu, la marionnette populaire n’a jamais été à proprement politique.

Guignol n’est pas un rebelle ni un révolté encore moins un révolutionnaire, c’est plutôt un petit malin, gouailleur, insouciant, à la fois courageux/poltron et bon vivant, cherchant plus à se la couler douce, entre bonne chère et beaujolais, tout en échappant à l’acariâtre madame guignol, qu’à changer l’ordre des choses.

Ni compétitif, ni ultra productif, s’il n’a pas de discours subversif, ce n’est en tout cas pas un modèle macronard mais bien plutôt le genre aujourd’hui à pointer au chomdu entre deux voyages aux Bahamas.

Bref, un rien.

L’heureux paradoxe fait que c’est la censure imposée par Napoléon 3 qui contraindra les troupes de ce mini théâtre oral à soumettre les textes par écrit et donc à conserver ce patrimoine.

Plutôt satire que politique, n’empêche, on se souvient tous dans les brumes de notre enfance dont on ne guérit jamais, que Guignol ne se gênait pas pour bâtonner le gendarme dans les éclats de rire et nous venger des pandores dans une vieille tradition saine et jubilatoire du « mort aux vaches ».

Mais aujourd’hui, dans le conformisme ambiant et la conformation prégnante, plus de coups de bâton sur la tête du brigadier, plus de Gnafron un peu trop porté sur la bouteille. Si l’on donne encore de la batte, c’est le gendarme qui rosse le vilain, s’il existe encore quelques interactions avec les enfants, c’est pour leur demander où est passé le voleur et dans un politiquement correct ravageur et aseptisé, pour il va de soi ne pas traumatiser nos petits, si le loup a toujours de grandes dents, il ne mange plus la grand-mère.

On a sagement par absorption du modèle dominant, bien dilué l’esprit frondeur, opportunément pactisé avec la maréchaussée, formaté l’imaginaire au projet sociétal ambiant.

Et c’est ainsi que j’en arrive à Notre-Dame-des-Landes, à la fabrication de l’opinion rapport au débarquement de Normandie de nos valeureuses forces de l’ordre, à nos honnêtes médias de référence et aux instituts de sondage, véritables auxiliaires de police préparant le terrain mental à l’intervention aéroportée et à l’élimination militaire définitive de ce petit village dissident retranché résistant encore et toujours à la rentabilité, au profit et aux conflits d’intérêts.

Il semble patent dans ce monde de connivence conscient ou intégré, qu’il est aujourd’hui de bon ton de bien désigner « le méchant » dés l’enfance pour mieux dénoncer « le dangereux marginal terroriste » à l’adulte un tantinet avachi du crémol.

Je ne saurais conseiller à quelqu’un d’un peu désoeuvré et en panne d’activité de bricoler d’urgence un castelet bariolé et de retrouver l’esprit guignol à grands coups de bâton sur les pandores aux ordres des maîtres du monde.

Il y a une place (de théâtre) à prendre (et des coups de matraque aussi).

tgb

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Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

8 commentaires sur « De Guignol à Notre-Dame-Des-Landes »

  1. https://www.bastamag.net/Les-policiers-francais-ont-abattu-18-personnes-en-2017
    « C’est un pays, la France, libéral, on peut être en colère, il faut demander gentiment, c’est tout » (Coluche) et aprés fermer sa gueule, aux bons plaisirs des maîtres. Le peuple, lui, n’est juste bon qu’à rester devant sa TV, à bouffer ou boire sa soupe merdiatique comme un esclave, et laisser les gens intelligents diriger le monde vers un « Avenir radieux. »

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  2. Bolloré comme Xavier Niel: « Quand des journalistes m’emmerdent, je prends une participation dans leur canard et ensuite ils me foutent la paix ».

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  3. A propos de la révolte des canuts de novembre 1831, ce qui a surpris et effrayé le bourgeois, c’est « l’ordre dans le désordre »: pendant une semaine les chefs d’ateliers et les ouvriers ont gouverné la ville de Lyon, y ont fait régner l’ordre…cela tracasse toujours les profiteurs au pouvoir, que le peuple prenne conscience qu’il n’est pas si con pour diriger ses affaires. Ce n’est pas un hasard si la « Maréchaussée » d’aujourd’hui ressemble plus à des robotcops, contre eux il faudra une chose plus convaincante qu’un gourdin.

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  4. « Je n’ai pas fait reculer Edouard Philippe » Nicolas Hulot sur RTL, et qui assure « s’être effacé » et « en aucun cas avoir fait pression » sur la décision du premier ministre.
    La complainte du Hulot:
    « Edouard m’a diiiiiiiiiiit…
    Il m’a dit d’aller siffler là haut sur la colline, de
    l’attendre avec un petit bouquet d’églantines.
    J’ai cueilli les fleurs et j’ai sifflé tant que j’ai pu j’ai attendu attendu il n’est jamais venu…
    zad zad zad …
    zad zad zad … »

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