Les enfants d’EOLE

Les enfants d’EOLE dont ma môme, pataugent dans la boue.

Dans ces villages métissés du 18ème arrondissement, La Chapelle, Pajol, Goutte d’or, Marx Dormoy, loin des polémiques instrumentalisées, nos titis, nos gavroches s’offrent une plage ensoleillée loin de la mer et ça fait presque pareil,

moins l’iode.

Oui, si notre quartier n’est pas le plus beau port de plaisance du pays, s’il trimballe ses problèmes empilés et mis sous le tapis, ce n’est pas non plus un enfer peuplé de barbares ensauvagés ni une zone de non droit interdit à qui qui ce soit, sauf peut-être aux cons qui savent tout de loin et viennent ici une fois tous les cinq ans comme en safari électoral avec tour opérator.

Sans doute certains nouveaux habitants, dans ce syndrome de gentrification avancée, se retrouvent-ils gênés soudain aux entournures à se confronter à des lieux restés populaires et mélangés, un peu bruyant, un peu cracra, pas franchement dans les clous mais terriblement vivants et solidaires.

Ce n’est pas tant de la police qu’il nous faut ici (si ce n’est de proximité) que des médiateurs civiques, des travailleurs sociaux, des animateurs de rue, autant de postes que l’on s’empresse surtout de supprimer au nom de l’austérité.

Pas très compétitif tout ça.

Pour en revenir à la visite de Melenchon dans nos quartiers et à cette consternante mini polémique

Nassira El Moaddem (directrice du Bondy Blog) – Des jeunes qui visiblement sont contents de vous voir et vous les humiliez publiquement @JLMelenchon Mépris dégoulinant.

mon témoignage :

Oui il se trouve que j’y étais, elle pas.

Il faut vraiment avoir un prisme très particulier pour voir en cette scène quelque mépris que ce soit ou de l’humiliation et ce commentaire désolant en dit plus long sur une grille de lecture obsessionnelle et biaisée que sur la capacité à lire lucidement une situation.

Perso à deux mètres de l’affaire, dans la liesse populaire et l’excitation des gamins devant LA caméra –

de cette camera plus ou moins permanente et totalitaire qui attend l’incident ou le déclenche, faut bien nourrir la bête et vient mettre de toute façon sa propre interaction dans le contexte et son champ particulier de vision, celui entre autre de l’émission « Quotidien « de TF1, cet infotainment, mélange de vrai et de faux, de spectacle et de réel scénarisé qui te pointe un zoom sur ta gueule et t’ordonne d’être naturel en fabriquant du spontané –

je n’y ai vu en temps réel rien d’autre qu’une petite leçon de chose paternelle et bon enfant avec juste ce qu’il faut d’autorité bienveillante.

Les mômes d’ailleurs recevant parfaitement le message en s’apaisant.

Oui, respecter l’autre et particulièrement l’enfant ou l’ado ce n’est pas forcément aller dans son sens mais aussi lui parler en adulte, le considérer et parler à son intelligence. Non Mélenchon ne traite pas ces gamins de « barbares » mais les alerte sur le fait que leur conduite servira à les discriminer encore dans l’utilisation des images avec le recul de celui à qui on ne la fait plus devant des mômes encore bien innocents face au zoom toxique de Latélé.

Oui, recadrer des enfants attachants enthousiastes et chiants aussi c’est s’intéresser à eux et précisément le contraire du mépris. Les aimer c’est leur parler quand certains se seraient contentés de venir pour la photo. (et y’en a).

Mais quand la haine se substitue à l’intelligence et fait renoncer à toute analyse sereine alors, dans cet anti-mélenchonisme pavlovien dont les effets semblent permanents chez certains et qui en devient pathétique, on doit lire dans tout comportement du Gourou forcément, les traces de l’autoritarisme masqué qui surgit au débotté face au réel et que la caméra capterait subtilement à cet instant précis, à fabriquer toujours la même image du personnage hors contrôle.

Lassitude de cette hystérie collective au moindre poil de cul qui dépasse et de cette traque implacable jusqu’à forcer la faute, jusqu’à l’abjection et l’écoeurement si besoin, quitte même à déterrer du cadavre pour mieux frapper sous la ceinture encore.

J’écris tout cela dans ma tête au jardin d’EOLE, en somnolant d’un oeil, en surveillant ma môme de l’autre, et dans les cris joyeux des enfants qui s’éclaboussent, j’entends presque les vagues des fois…

tgb

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photos 1 et 2 tgb

photo 3 – Stéphane Burlot

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

12 commentaires sur « Les enfants d’EOLE »

  1. J’ai tenté de cacher le nom de famille de ce Monsieur quelques temps, le temps d’une lecture avant la ruée des affreux de service. J’ai partagé sur ma page FB aussi, avec plaisir.

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  2. Une vidéo de Méluche chez Mireille Dumas de 2016.
    Une merveille.
    Mélenchon – Qui est l’homme derrière le politique ?

    Merci « l’affreux » pour vos si belles colères.

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  3. Il y existe depuis longtemps ce dénigrement du « petit » peuple qui fait peur. On ne le fusille plus sauf idéologiquement avec des articles comme celui de Moix dans Marianne: https://unsansculotte.wordpress.com/2017/05/22/pauvre-de-moix-vive-nous-autres/
    Et puis cette notion, sous jacente, dans tous les discours, que dans nos sociétés reste seulement 2 possibilités: le libéralisme économique ou le fascisme. Bien avant le « Tina » exprimé par Tatcher, l’économiste Karl Polanyi a expliqué comment »…à la racine [de ce] dilemme se trouve la signification de la liberté elle-même. L’économie libérale a imprimé une fausse direction à nos idéaux. » Dans « La grande transformation » Polanyi donne une historicité convaincante à l’établissement de ce piège où sont enfermées nos sociétés finalement si peu démocratiques.
    On peut penser ce que l’on veut de Mélenchon mais son programme était le seul qui proposait faire sauter ce verrou et il a reçu 7 millions de voix. On comprend pourquoi ce gars est devenu une cible et que certains préfèrent « la Révolution en marche » de Macron…qui ne changera rien, excepté la condition des plus faibles.

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  4. Brillantes assertions libres et non faussées Robert Spire. Chacune mériterait plaidoirie au Parlement. Merci.

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  5. J’aime bien le terme de démocratie totalitaire inventé par je ne sais plus qui. Il me semble que cet oxymore définie justement le régime politique sous lequel nous vivons. Ce qu’il nous faut c’est nous ressaisir du vocabulaire qui nous a été volé et regagner la bataille du langage. Ê n’est pas gagné.

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  6. je plussoie – reconquérir le vocabulaire c’est reconquérir les valeurs la culture les idées et pour l’instant c’est plutôt le camp d’en face qui nous pique jusqu’au terme de « révolution » On va quand même pas leur prendre « compétitivité » juste pour les faire chier

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  7. Le neurobiologiste Henri Laborit citait Fernand Gregh «Il n’est pas de méchants, il n’est que des souffrants» et concluait grâce à ses recherches: «Il n’y a donc pas d’instinct de PROPRIETE, il n’y a donc pas non plus d’instinct de DOMINANCE, il y a simplement l’apprentissage, par le système nerveux d’un individu, de la nécessité pour lui de conserver à sa disposition un objet ou un être qui est aussi désiré, envié par un autre être. Et il sait, par apprentissage, que dans cette compétition, s’il veut garder l’objet ou l’être à sa disposition, il devra DOMINER.»
    «La plupart des mots, aujourd’hui, sont salis par l’usage mensonger qu’en font les médias, les politiciens. Pas par les gens, je crois : c’est le pouvoir qui salit les mots. Les gens, de plus en plus, en réaction, disent “merde”. Et dans ce contexte, “merde”, c’est un mot très propre.» (John Berger, romancier anglais)
    En son temps Jarry, le révolté, lançait son fameux « Merdre » aux pouvoirs, Merdre à la compétition sociale soutenue par la « consommation ostentatoire » de la bourgeoisie (Veblen)
    « Reconquérir le vocabulaire » demande une prise de conscience, loin d’être acquise par le plus grand nombre: « Je suis effrayé par les automatismes qu’il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d’un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance exceptionnelle pour s’évader de cette prison, s’il y parvient jamais ». (Eloge de la Fuite, Laborit)

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