Lignes de Crète

 Me voici de retour de mon paradis crétois, de mon coin d’ïle encore un peu sauvage, loin des usines à touristes à débiter du soleil en tranches et chez mes hôtes si hospitaliers et généreux.

La Crète n’est pas tout à fait la Grèce. Quasiment autosuffisante, elle souffre moins de l’austérité que le continent, n’empêche qu’elle croule sous les taxes imposées, même si le cash y est sport national.

Aux dernières élections, les crétois qui ne sont pas du genre à se laisser subordonner, ont voté à 75% pour Syriza quand ce nom-là signifiait encore, rupture, espoir et indépendance. Aujourd’hui, tétanisés, sonnés, écoeurés, se sentant comme en prison, ils n’attendent plus rien que le temps des olives.

Pas d’affiches, pas de meeting, pas de mobilisation, si l’on trouve encore sur les murs des slogans pro-Tsipras, ce sont comme les stigmates de campagnes passées et trépassées d’il y a si longtemps. Six mois.

Ils ne se mobiliseront pas pour ces législatives du 20 septembre, pourquoi d’ailleurs s’engager vu que l’Eurocratie dans son tropisme si démocratique a déjà annoncé son gouvernement de coalition aux ordres.

Quand on leur demande pourquoi si peu de passion autour de ces élections annoncées, d’un rire désabusé ils vous répondent qu’il y a déjà eu bien assez d’élections comme ça dans ce pays.

Quand je dis les crétois, soyons honnêtes et évitons les généralités pénibles, je parle de ceux que j’ai croisé, de ceux que je connais, de ceux avec qui j’ai fait un brin de causette en un mélange foutraque de franglais, et dans ces salons nautiques si particuliers qui consistent à faire la conversation à moitié immergé dans la mer juste avant le coucher du soleil et l’heure du watermelon et du raki.

Ce qui surtout les désespère, c’est de voir partir leurs jeunes diplômés bien formés se vendre en Allemagne ou en Angleterre, ces pays trop heureux de récupérer de la matière grise à pas cher tandis qu’ils privatisent leurs universités et qu’ils exigent des grecs de brader les leurs.

Je ne garantie pas que dans ces mausolées pour touristes germaniques, sortes de bunkers en autarcie, on ne crache pas dans les plats en cuisine comme un dérisoire exutoire, car là on peut généraliser : on n’aime pas beaucoup les allemands par ici et ça ne remonte pas à hier mais aux massacres nazis.

Vu les derniers évènements , ça ne risque sans doute pas de s’arranger.

Et tandis que loin de tout et saturé de toute actualité je cultivais mon insouciance, m’arrivait aux oreilles pourtant la victoire de Corbyn au parti travailliste et déjà le travail de sape des chiens de garde à poils ras reprenant imperturbablement leurs classiques, je regardais un jeune colosse barbu partir d’un rire tonitruant tout en retirant sa combinaison de plongée.

Une flammèche ici s’éteint une autre ailleurs s’allume. Il serait bien étonnant qu’un jour ou l’autre une braise sur une brindille ne finisse pas par tout embraser…

Il faut comme Pénélope croire sans fin au retour d’ Ulysse

tgb

photos D.A

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Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

6 commentaires sur « Lignes de Crète »

  1. « Il serait bien étonnant qu’un jour ou l’autre une braise sur une brindille ne finisse pas par tout embraser… »
    Et tous nos gouvernants tétanisés semblent penser la même chose que toi… Voir le merdier autour des réfugiés où nos oligarques affirme avec force une chose et son contraire à bien peu d’intervalle.

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