Le plug qui cache la forêt

La liberté d’expression d’un artiste doit être totale. C’est pour moi un postulat de départ indiscutable et non négociable. Ensuite, dans le bazar de productions plus ou moins artistiques, que le talent reconnaisse les siens.

De Dieudonné à MacCarthy en passant par Serrano, pas de compromis possible. Aucun état, aucune police, surtout pas un ministre de l’intérieur, pas plus qu’un groupe de pression quelconque ou quelque communautarisme sectaire, , ou là, n’a à juger en mon nom de ce qui est bien ou mal, beau ou pas, admissible ou proscrit.

Il n’y a de danger que de ligne officielle, de comité central du bon goût, que de ministère « de la promotion de la vertu et de la prohibition du vice », que de commission esthétique de la morale et des bonnes mœurs, bref que d’arbitraire.

Car si on sait à peu prés où commence la censure, on ne sait jamais où elle finit et assister aujourd’hui à l’écoeurant retour sur les réseaux sociaux des mots « art dégénéré » avec pour référence le sophiste Zemmour, on a le Savonarole qu’on peut, fait froid dans le dos.

L’art étant l’évidente sentinelle des assauts obscurantistes et liberticides, il s’agit absolument de ne rien céder à la tartuferie ambiante, au fanatisme rampant, aveuglé par ses sinistres certitudes.

Car, il est de notre responsabilité raisonnable d’apprendre à penser contre soi, et si ce n’est d’aimer ce qui nous dérange, du moins d’apprécier et de laisser agir ce qui nous tenaille, plutôt que de nous réfugier dans un confort complaisant qui sent le renfermé.

L’art n’a pas à nous conforter ni à nous dorloter.

Que le plug anal de Paul MacCarthy fasse s’émouvoir les trous du cul, quoi de plus normal après tout. Il est même assez rassurant d’une certaine manière, que l’œuvre d’art à la provocation de salle de garde, fasse encore réagir, tant on a fini par s’indifférer de tout.

Que la création interpelle et fasse débat, tant mieux, c’est en partie son boulot.

En revanche que l’on tolère l’intolérance, le vandalisme bourrin jusqu’à se dégonfler du sapin gonflable et offrir une victoire symbolique aux pitres intégristes est problématique. Je ne sais quel crétin régressif a tenté de s’asseoir sur le « sapin » de la place Vendôme, mais je me doute que quelque part le supplice du pal le travaille, dans quelque refoulement frustre.

Mais d’autres questions se posent à propos de cette œuvre, hélas saccagée, de MacCarthy, et déjà la privatisation d’un espace public par une galerie internationale, Hauser and Wirth, jouissant en termes marketing d’un énorme coup de comm.

En ce sens le scandale pour eux est déjà plus que rentable, les vandales leur ayant rendu un immense service commercial.

On peut se demander si la place Vendôme (blindée de caméras vidéos cela dit en passant – bijoutiers – ministère de la justice…) comme le château de Versailles doit servir de support à la commercialisation d’un artiste et à la spéculation sur une œuvre en faisant exploser sa côte au profit de ses riches collectionneurs.

La Fiac, entreprise privée, grand marché de l’art ou grande foire du pognon ?

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Si l’année dernière François Pinault, à lire les aimables critiques, donna à voir sa collection privée à la Conciergerie, on pourrait tout aussi bien renverser la proposition et se demander si ce ne serait pas plutôt la Conciergerie, lieu public, qui mit à disposition son espace à la collection privée du milliardaire, offrant un sacré coup de projecteur.

Simple question d’angle.

Autre question que pose cette affaire MacCarthy, la promotion d’un art transgressif toujours récupérable et ne bousculant au final que les mœurs et dieu sait si on en a vu d’autres, mais surtout pas l’ordre mondial consumériste, ne se ferait il pas au détriment d’un art subversif remettant fondamentalement en cause le marché, comme en politique les quelques avancées sociétales ne seraient là que pour masquer ou compenser les régressions sociales ?

Bref, pour le dire trivialement et que les dames m’excusent, il serait plus facile aujourd’hui et rémunérateur de montrer son cul que d’avoir des couilles.

L’un n’empêchant pas l’autre cela dit.

tgb

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Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

26 commentaires sur « Le plug qui cache la forêt »

  1. Bien dit, Thierry.
    J’ai trouvé ce truc vert en caoutchouc particulièrement hideux mais il n’y avait pas de quoi fouetter un chat !
    En réalité les réacs, légèrement obscurantistes sur les bords, cherchent le moindre prétexte pour montrer une puissance qu’ils n’ont pas mais une mobilisation haineuse compensatrice.
    Et puis merci de m’avoir fait penser aux spéculateurs de l’art que j’avais complètement oublié !
    .

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  2. ni une chatte d’ailleurs mon cui cui
    mais oui derrière l’oeuvre il y a une opération commerciale privée facilité par le public et je ne suis pas certain que ce soit donnant donnant
    et remet toi au boulot mon oiseau un mois à douter c’est la juste dose pas plus
    tu manques

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  3. Faire un trou dans une baudruche géante érigée en doigt d’honneur au milieu du centre symbolique du luxe parisien aurait pu faire partie d’un happening artistique et politique en hommage à Marcel Duchamp….mais bon. L’argent de l’Art, ça va ça vient, toujours dans les mêmes poches. Donc ce sabotage de plug-in anal (comme le fric), c’est du sérieux !

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  4. Je suis peut-être bouché à l’émeri, mais je trouve que ce machin hideux et grotesque n’a absolument rien d’artistique. Gonfler un ballon, tu parles d’un « artiste » ! N’importe quelle andouille en fait autant, il suffit d’un culot d’acier ! Et de subventions publiques… Que de grands malades y voient quelque chose de sexuel laisse pantois. L’art dit « moderne » n’est qu’une fumisterie de snobinards friqués. Ça, une œuvre d’art ?! À ce compte-là, BHL est un philosophe écrivain ! Du pur foutage de gueule.

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  5. @rushes.infos il y a tant d’accumulation de capitaux qu’il faut bien l’investir quelque part jusqu’à ces van Gogh servant à blanchir l’argent sale – il y a longtemps que la création a échappée aux artistes
    @Auxi – le culot d’acier peut être une forme de démarche artistique – je me méfie toujours du c’est fastoche j’en fais autant – en tout cas nous sommes d’accord BHL est une outre gonflé à l’hélium qui en plus ne vole pas haut

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  6. Je me suis mal exprimé. Plutôt que « culot d’acier », j’aurais dû dire : outrecuidance. Mais je persiste, l’auteur est à la sculpture ce que BHL est à la littérature, et gonfler un ballon fabriqué en usine pour faire de l’épate-bourgeois, c’est de la subversion en peau de lapin. Poser le machin au centre symbolique du luxe parisien n’a pu se faire sans autorisation officielle, tout comme les colonnes de Buren, ces autres horreurs de l' »art » bobo-branchouille. Approuvé par Hidalgo / Delanoë, c’est assez dire le degré de « subversion » de l’affaire ! Mais voilà : coincé entre le marteau du cuistre et l’enclume des réactionnaires coincés, on se trouve réduit à défendre « ça » au nom de la liberté d’expression ! Triste époque… Ça a coûté combien, cette daube, quand on ne peut plus marcher dans Paris sans enjamber des gens qui couchent et meurent sur le trottoir ? S’il y a une obscénité dans l’affaire, elle est bien là !

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  7. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’effectivement c’est laid. Cependant, comme c’est un quartier parisien où je risque peu de mettre les pieds, qu’importe pour moi ce non-sens gonflé, s’il ne vient pas outrager directement mon sens de l’art ? « L’Art Officiel » est aussi antinomique que la légèreté du rhinocéros ou la chaleur caressante d’un iceberg.
    Pendant que se gaspillent ainsi les deniers volés par les richoux, la faim progresse. Les Grands Décideurs s’en trouvent très bien.

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  8. moi je ne trouve pas ça spécialement laid et cet aspect des choses est tellement subjectif que ça ne peut pas être un critère – si l’on fait de l’art avec le goût et critères esthétiques des gens par sondage (et ça été fait) on se retrouve vite avec un coucher de soleil sur fond de mer et est bien avancé – sinon a priori ça ne coute rien non plus à la municipalité puisque c’est la galerie qui produit – mais c’est vrai que c’est une forme d’art officiel loin du salon des refusés – ça choque pour choquer mais ça ne dérange rien – pas une raison cela dit pour laisser passer les commentaires sur l’art dégénéré et les réflexions du genre Picasso un gamin en ferait autant – J’attends qu’un môme peigne Guernica

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  9. Picasso, pour peindre, à dû s’astreindre à de longs et fastidieux exercices techniques ; il a dû cent fois sur le métier remettre son ouvrage, recommencer, re-recommencer, et ainsi de suite, avant de parvenir à son chef-d’œuvre Guernica.
    Jouer du piano exige de faire des gammes, encore, et encore, et encore, jusqu’à parvenir au but. Ce qui ne sera jamais à la portée d’un môme (ou alors, c’est Mozart !).
    Je ne me prétends pas artiste, je pratique la guitare en amateur, à mon humble niveau, pour mon plaisir et celui de ceux qui veulent bien m’écouter. Pour jouer une suite d’accords difficiles, ou un arpège délicat et compliqué, il me faut travailler, répéter des heures durant les mêmes doigtés sur le manche. Il n’y a pas de secret : pour pratiquer un art, il faut travailler, travailler, travailler… Il faut acquérir de la technique pas à pas, jour après jour, mois après mois, années après années. Sans même parler d’être soliste, faire partie d’un orchestre symphonique exige au minimum quinze ans de travail quotidien, entre six et huit heures par jour, six jours sur sept, au minimum.
    Combien de temps l’escroc au machin vert à-t-il mis pour ériger sa bouse ? Deux, trois jours ? S’est-il exercé au marteau et au burin, sur de la pierre bien dure, des années durant ? Non, évidemment. Bref, c’est de l’art Mac Do. Du fast art comme il y a du fast food. C’est cela qui me fait dire que ce truc n’a rien d’artistique et que son auteur est un fumiste.

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  10. Duchamp ? A mon avis, il devrait avoir droit tout au plus à une note en bas de page, pour indiquer ce qu’il faut éviter de faire en art. L’art se conçoit dans la douleur, ou cela devient de l’industrie.

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  11. Donc claude Monet petit père peinard des familles on le vire aussi ? P’tain t’as quand même une représentation tres romantique soit 19ème siècle de l’artiste . J’adore l ´l’oeuvre ´ de Zola portrait inspiré de son pote Cezanne mais quand même…
    Je précise juste que pour Duchamp j’ai fait mon mémoire d’esthétique sur lui donc alors une note en bas de page ca me chagrine quelque peu c’est juste une révolution dans l’art mais bon…

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  12. Ah mon pauvre….
    Au moins quand mon fils a fait son mémoire de maîtrise, c’était sur les rapports entre la BD franco-belge et LA manga (celle qu’on ne trouve qu’en grand format) : à mon avis il y avait plus à dire.

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  13. Je voudrais pas dire mais il me semble bien que la bd franco belge doit beaucoup pour ne pas dire tout au dadaisme et au surréalisme…
    Bon pour conclure l’affaire j’apprends que hollandreou soutient macCarthy la j’avoue que c’est du lourd et qu’on aime ou pas aucune artiste ne mérite ça (a part bhl bien sur )

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  14. @ Auxi
    hélas il s’agit bien d’art même si son auteur est un cochon, à en juger par les éructations de son oeuvre aussi scatologique que merdique et méchamment délirante. sans compter la fascination que semblent exercer les bouchons de c. sur ce dingo.
    qu’un certain olivier berruyer dénonce ici avec méthode, ainsi que ses laudateurs, et non sans brio : http://www.les-crises.fr/godemiche-vendome/
    @ tgb
    respect quand même pour l' »artiste ». mettre en scène de façon aussi provocante l’un des symboles culminants de l’art de vivre occidental aussi libéral qu’amoral relève on va dire du grand courage militant 🙂 l’idéal d’accomplissement de l’humanité, Mr Mccarthy a raison de se moquer, ça ne devrait pas être le réconfort d’un bouchon dans le fondement 😉

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  15. bon exemple – quand on commence à mettre le doigt dans l’engrenage tout le monde peut demander l’interdiction de quelque chose

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  16. Ben je partage l’avis de « Là-bas si j’y suis » c’est de l’art comptant pour rien et le reportage de ‘3 réac a la FIAC’ est éclairant.
    J’en profite pour signaler que l’émission « Là-bas si j’y suis » a été éradiquée de France inter mais que l’aventure continue sur le net et qu’on pourra écouter Daniel Mermet et son équipe à partir de janvier pour 60 euros par an.
    Avec Fakir, le monde diplomatique et rue-affre de TGB, ce sont mes rares sources d’information et de bonheur en même temps. Foncée vous abonner, ce sera votre meilleur dépense de l’année 2015 :
    http://www.la-bas.org

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  17. on peut ajouter « politis » à la liste et on a fait à peu près le tour – oui je me réjouis de lâcher enfin France culture et son bourrage de crâne matinal et d’attaquer la journée à partir de janvier sur la-bas – Une sacrée bonne idée que ce 7-9 offrant ainsi une alternative à la doxa – ils risquent très vite de regretter d’avoir viré Mermet du service public – Mais ils sont si cons !!!

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