En l’occurrence…

Je ne cesse de m’étonner du nombre de tracts, de fascicules politiques, d’affiches, de discours critiques dénonçant la politique, la personnalité, le comportement de Naboléon et multipliant les photos de lui, ses portraits, caricatures, et citant son nom à tout va.

Une dénonciation incessante faisant de l’obstacle devenu obsessionnel, le conditionnement idéal pour aller droit dedans avec la certitude de ne pouvoir y échapper.

De ces publications que nous percevons d’un œil à peine, que nous parcourrons en travers et dont au final, il ne reste qu’une impression fugace, nous ne retenons qu’une empreinte visuelle, une persistance rétinienne : lui, son nom, sa gueule qui, comme un énième stimuli, renforce encore sa trace et sa prégnance, son effet hypnotique.

Le moins que l’on puisse dire c’est que c’est mal joué.

En 2007 le linguiste Jean Véronis nous l’avait démontré, plus le nom est répété, plus le nombre d’occurrences est élevé, plus il finit par imprimer les consciences, voire les inconsciences jusqu’aux témoignages des psychiatres révélant que 2 patients sur 3 évoquaient en séance, l’agité du bocal jusqu’à saturation.

Constat qu’on peut facilement résumer par cette formule célèbre : « parlez moi de moi, en bien en mal mais parlez de moi » et le sujet central devient inévitable.

Si, faire un bouquin pour dézinguer tel personnage en mettant son portrait en couverture paraît assez cohérent d’un point de vue commercial ou thématique, en revanche pour ce qui est de la pertinence de l’impact c’est nettement plus discutable.

On ne fait pas passer son discours en martelant, même en le dénigrant, le discours de l’autre, comme on n’évacue pas la bobine de l’autre, même en la diabolisant. Parce qu’au final ce qui reste quand on a tout oublié, c’est ce qui s’est ancré passivement, voire paresseusement dans le cortex, le rappel de ce que l’on sait déjà, de ce qui est déjà stocké et facilement identifiable.

On sait par exemple que le logo de Mac Do est la marque la plus repérée par les enfants du monde, avant même qu’ils ne sachent lire. Qu’ils aiment ou n’aiment pas, consomment ou pas, ne change rien à leur degré de reconnaissance et donc d’endoctrinement.

N’importe quel publicitaire vous le dira, plus le message est matraqué, plus l’image est martelée plus c’est celui ou celle qui surgira au moment clé et qui fera la motivation d‘achat.

Je ne parle pas ici évidemment de ceux qui savent absolument ce qu’ils veulent ou ne veulent absolument pas, je parle évidemment des indécis, des distraits, des pas concernés, des peu mobilisés, dont le bras se tendra comme par réflexe vers le produit A.

Plus le produit envahit l’espace public plus il occupe l’espace mental ; mieux il occupe l’écran, plus il s’imprègne dans les coins et recoins du cerveau même à son corps défendant.

Bref la règle numéro un de la communication est, qu’on ne représente ni ne nomme l’adversaire.

Reste à trouver de quoi est-il le nom précisément pour parler de lui sans le nommer, pour le démonter sans le montrer.

C’est pourquoi par exemple, il me paraît parfaitement contre-productif, même au 36éme degré, de citer la poissonnière de twitter à foison, ou le renégat du PS passé ministre es saloperies, pour mieux, même en les éreintant, les surexposer.

Quel intérêt, si ce n’est au final une complaisance malsaine, que de faire exister deux ectoplasmes qui n’ont pas d’autre vocation que de retourner à leur néant ?

Dans la mesure de ma toute vigilance, je m’efforce sans y parvenir toujours, tant j’en fus comme tout le monde obnubilé (en en abusant parfois par facilité) de ne pas citer mon ennemi, de le désigner autrement et de ne pas trop le représenter, même à son désavantage.

Ce qui nécessite souvent quelques acrobaties.

De la désintox

Pour revenir sur le discours de François Hollande, dimanche au Bourget, sans en aborder le contenu dont je me méfie méchamment, je tiens à souligner qu’en nombre d’occurrences utilisées, elles se déclinent ainsi :

‘je’ : 229 – ‘France’ : 56 – ‘égalité’ : 38 – ‘justice’ : 21 – ‘Nicolas S.’ : 0.

L’équipe de comm du PS semble avoir enfin compris qu’il était temps de sortir de la « narkose obsessionnelle » et que le mieux pour éviter l’obstacle était de l’oublier.

Et quand Claire Chazal, demande à François Hollande, pourquoi il n’a pas cité une seule fois le pré-retraité de la présidence dans son discours, il répond facétieux qu’il ne s’intéresse pas au passé, on ne peut que convenir d’une chose :

C’est bien joué !

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

7 commentaires sur « En l’occurrence… »

  1. Salut ami
    Trop parler d’eux c’est comme trop regarder et trop s’énerver sur les émissions politiques de merde où séviront encore trop longtemps les Copé, Morano et autres baltringues de droite ou « gauche ».
    Je préfère ne pas !
    Arf !
    Bartelby Zgur_

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  2. Ah ! Comme je suis d’accord avec toi !
    Faire de l’anti sarkozisme c’est presque faire de la propagande pour l’actuel résident de l’Élysée, tant l’obsession finit par ressembler à de la passion.
    Je me rappelle l’époque, où jeune politique, il pourchassait toutes les caméras qu’il croisait : il avait tout compris !
    Son succès c’est l’imprégnation qu’il déclenche chez nous.
    Comme le poussin qui nait est imprégné par l’odeur du premier être vivant qu’il rencontre.
    C’est pourquoi, Hollande, à ma grande surprise, s’est montré très subtil, en le suggérant sans le nommer…
    Très beau billet.

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  3. @zgur – c’est même apparemment une règle intangible – plus les invités télé se plantent disent des conneries sont réfutés par l’histoire plus ils hantent les plateaux – A part la camarde pour Marseille ou Delpech rien ne les fait taire.
    @cui cui – c’est vrai que faire de l’anti zarko c’est encore oeuvrer pour lui, puisque c’est le mettre au centre du jeu. Oui c’est bien la première fois que Hollande me surprend même si je ne crois pas un mot de son discours.

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  4. bah mochica c’est pas parce qu’on ne va pas mettre un centime d’euro dans la fente d’hollande qu’on peut pas estimer la chose à sa juste valeur quand par hasard il ne fait pas de conneries
    sinon pour les medocs c’est bon à savoir et surtout évite mon cousin pharmacien qu’est une tanche de première

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  5. le mec qui est encore au pouvoir ne va pas tarder à nous sortir sa photo de famille au grand complet , ce sera son dernier argument si les sondages ne remontent pas lundi matin prochain
    Sinon, je suis harcelée jusque dans mes boites à mails par Coppé !! un vrai hacker celui là

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  6. oui si la semaine suivant sa petite harangue discrète et intimiste sur toutes les télés de France ça ne décolle pas le mec encore au pouvoir pourra aller faire du fric ailleurs.
    Copé on a pas fini d’en bouffer celui là – encore plus con plus méchant plus ambitieux que l’autre parce que quand c’est fini ça recommence….

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