
Eté 99, on roule entre les ânes et les camions à tombeau ouvert, juste après Lixus, les jardins d’Hespérides.
Larache, le long de la corniche qui surplombe la mer. Quelques vieux restes cradingues de station balnéaire et coloniale ; la vieille mosquée historique qui s’écroule, la médina qui s’effondre.
ça pue : une odeur de pourriture et de décomposition. La zone, les premiers faubourgs de merde, la rue poussiéreuse et défoncée ; les sacs de plastiques noirs qui volent comme d’inquiétants corbeaux. Tout est sale, sauf la mer immense, immaculée de loin.
Et toujours la misère, cette saleté crasse, dans la pesanteur du soleil le long de la route principale, ce chemin de terre cahoteux. Enfin, entre une ordinaire prison blanchie à la chaux et un amoncellement d’ordures où grésillent des grappes de mouches grasses : le mur délabré et austère du cimetière chrétien.
Quelques pas, à chercher une issue, une fissure, une brèche, mais pas de porte, pas de grille rouillée qui grince, l’entrée se fait forcément du côté de la corniche, en contournant le vieux mur à travers le tas d’immondices, au bord de la falaise. C’est le prix à payer.
Là, des centaines de tombes oubliées, éventrées qui s’affaissent dans un terrain vague et accidenté. Le précipice n’est plus loin, une à une au fur et à mesure des années, les tombes sont avalées par l’érosion. La prochaine risque bien d’être la sienne.
Sa tombe est immanquable, à l’écart, face à l’océan, en biais, en direction de l’ouest : la Palestine ?

Sa tombe est minuscule, de la taille d’un petit homme, comme un lit d’enfant, propre et blanche ; pas de croix. Elle tranche avec les autres tombes grises et défraîchies. Sur la pierre de craie, simple et sobre, son nom, dates de naissance et de mort. Ce qui, au bout du compte, nous résume.
Personne n’a l’air d’être passé par ici depuis longtemps. Mais peut être que si. On reste un instant, suspendu entre la mer, le ciel et le dépôt d’ordures, entre la prison, derrière et l’infini devant.
Le vent souffle, le soleil cogne, l’ordure schlingue avec parfois une bouffée d’océan et d’herbes sauvages. On laisse une trace discrète sur la tombe, presque rien, un dessin avec le doigt, une clope, et on s’en va. On traverse à nouveau le monceau d’ordures en apnée, on se laisse à nouveau happer par les essaims de mouches qui tourbillonnent et font comme un rideau infecte au tombeau discret.
On retrouve la voiture garée n’importe où et n’importe comment. On cherche le gamin mâchuré qui en avait la garde. Pas là mais forcément pas loin. Comme toujours au Maroc, toujours une paire d’yeux quelque part, qui dix secondes après prend forme et coûte un Dirham.
Tout coûte toujours un Dirham au Maroc.
On démarre et on s’arrache de là en se disant qu’il est bien ici, presque chez lui, entre la saloperie et la grâce, à Larache, tout prés de Tanger, Jean Genet.
tgb
Je suis né à Paris le 19 décembre 1910. Pupille de l’assistance publique, il me fut impossible de connaître autre chose de mon état civil. Quand j’eus vingt et un ans j’obtins un acte de naissance. Ma mère s’appelait Gabrielle Genet. Mon père reste inconnu.
J’étais venu au monde au 22 de la rue d’Assas. Je saurai donc quelques renseignements sur mon origine, me dis-je, et je me rendis rue d’Assas. Le 22 était occupé par la Maternité. On refusa de me renseigner.
Né en décembre 1910, Jean Genet aurait cette année cent ans.
Au delà de la langue si belle par son exactitude, de l’émotion tendue de la quête fébrile des mots brutaux et rudes qui nous cernent de dérison sordide et comme au-delà de tout espoir, le rêve s’insinue de retrouver un jour ces Genets ardents si loin de nos auteurs pisse-copie d’aujourd’hui
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ah mais les affres d’auteurs germanopratins se demandant avec une angoisse toute existentielle s’ils vont manger chinois ou japonais c’est quand même très passionnant
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Superbe hommage. Bravo, tgb.
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:-))
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Ouaip le genre dont les pièces faisaient sauter les FAF ( le pen , Longuet et Madelin en tête ) sur la scène de l’Odéon pour « protester » .
Un truc qu’on est pas près de revoir de sitôt ( vu la programmation de l’Odéon et l’état des FAFs ) .
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1966 …
http://www.ina.fr/fictions-et-animations/theatre/video/CPF07010488/derriere-les-paravents.fr.html
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On peut certes toujours retourner à l’Odeon rendre hommage à Genet mais ça s’est effectivement bien assagi
http://www.suite101.fr/content/novembre-2010–cycle-jean-genet-au-thetre-de-lodeon-a15809
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« Le 25 novembre, Olivier Py prendra la direction d’une lecture de Elle. »
J’espère qu’il sautera les pages de pubs …
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surtout pas c’est ce que préfère Olivier Py, non seulement il les lira mais il les interprétera travesti
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