Lire entre les lignes

Claude Bébéar, entre deux chasses de grands fauves en Afrique, a pris le temps de se fendre d’une petite interview au journal de révérence, le Monde, pour nous prodiguer sa fine et sage analyse libérale, rapport à l’art de la réforme sous anesthésie et l’urgence de la retraite par capitalisation.

Rien de très original jusque-là.

Qu’entre deux amabilités de circonstance et trois doses homéopathiques d’humanisme à la sauce patronnesse, le retraité le plus influent de France, particulièrement bien placé pour ergoter sur les difficultés sociales ( bénéficiant d’une retraite de 438000€, plus 360000 €  de jetons de présence, plus 1 M€ de plus-value de stock-options) et qui est, en toute modestie, le parrain du capitalisme français, le boss des boss, faisant passer dame Parisot pour une sous directrice de superette, nous balance de la doxa capitaliste n’a rien de particulièrement bouleversant.

Pourtant, au-delà  de sa prose d’une rare vacuité, il n’est pas inutile de lire le discours entre les lignes et les messages sous-jacents qui ne s’adressent pas forcément au vulgum pecus que nous sommes.

Rappelons tout d’abord qui est Claude Bébéar.

Ancien grand patron du groupe Axa et toujours président du groupe de surveillance de l’assurance number one en Europe, Bébéar est le fondateur du think tank, « l’institut Montaigne » (rapport à l’Avenue j’espère et pas à l’écrivain, pauvre Michel) et le centre d’un de ces cercles d’influence, soudé par un esprit de caste, où l’on s’échange postes d’administrateur et jetons de présence.

Un de ces pôles oligarchiques qui fait jouir-en-Josiane, l’étudiant HEC.

Cette mouvance de patrons libéraux où l’on retrouve le noyau dur du Cac 40  Henri Lachmann, Jean-René Fourtou, Serge Kampf, Michel Pébereau, Thierry Breton, Daniel Bernard, Gérard Mestrallet, Martin Bouygues, Pierre Dauzier…se réunit à l’occase pour disserter entre deux petits fours, sur l’état providence fort dispendieux cher ami sauf quand il nous renfloue des banques, les nouveaux pauvres et les anciens riches, ces manants, ou comment éviter le plafonnement de nos revenus de grands patrons injustement assujettis .  

Bref, quand Bébéar, dont on baise la bague pour se faire adouber au collège libéral des cardinaux, l’ouvre, le petit personnel politicard, la met en veilleuse, le doigt sur la couture du bermuda.

Et que dit explicitement ce bon vieux Claude, entre deux banalités économiques, sorties directes du catéchisme ordinaire : je résume – il dit que si le fond du rabougri qui nous sert du président est bon, la forme laisse à désirer et que vu que le style c’est l’homme, il ferait bien d’être moins agressif avec l’ensemble de la populace.

Et maintenant penchons nous sur l’implicite et traduisons le message du boss à son larb1 élyséen à la moitié de son CDI  :

« Ecoute mec, on n’est pas du même monde d’accord, on n’a pas élevé les cochons ensemble en Hongrie certes, mais sois bien persuadé que ça ne nous gène pas plus que ça que tu sois un vulgaire parvenu, inculte et cupide du moment que tu sers nos intérêts et fais le job. Sauf qu’il faudrait voir à te calmer, parce que la chienlit c’est pas trop notre truc et qu’on a un type bien élevé, un peu queutard certes mais avec tact et doigté du côté du FMI qui pourrait bien faire l’affaire. Donc t’arrêtes de foutre ta zone ou tu dégages. »

C’est une interprétation assez brut de forge, j’en conviens mais qui me semble contextuellement judicieuse.

Suite à ce conseil d’ami qu’on pourrait tout aussi bien lire comme une injonction hierarchique, nous verrons donc et pour la énième fois, le petit hargneux nous déclarer qu’il a changé, pris de la hauteur, de la distance et tout ça, qu’il écoute et tient compte, que quand il y a une grève il la remarque, qu’il est le président de TOUS les français qu’il aime et comprend mais que le devoir avant tout…jusqu’à ce que sa sale nature belliqueuse…


étudiée ici en laboratoire par un collège d’éminents psychiatres

…reprenne le dessus et cherche à nouveau la bagarre, parce que ça lui est intrinsèque :

Il n’aime personne d’autre que lui.

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

5 commentaires sur « Lire entre les lignes »

  1. « Il n’aime personne d’autre que lui. »
    Et réciproquement …
    D’où la suspicion des douaniers grecs ( pourtant bien connus pour leur nonchalance ) à l’encontre de colis cadeaux destinés nommément à notre bouffon international : qui peut bien envoyer des colis à ce petit crétin ridicule et détesté ? se sont judicieusement demandé les gabelous du coin. D’autant plus en éveil qu’ils ont lu Virgile (les douaniers grecs lisent spontanément le latin , du moment qu’il s’agit de leur héros nationaux ) : « timeo danaos et dona ferentes » ( méfie toi des grecs même et surtout quand ils font des cadeaux )

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  2. Le plus souvent élu par grosso modo un Français sur deux, le nouvel élu se dépêche de déclarer « Je serai le président de tous les Français. » En général ça ne veut pas dire que ce nouvel élu va prendre en compte les problèmes et souhaits de tous les Français, cela veut simplement dire qu’à partir de son premier discours ce sont uniformément tous les Français qui vont désormais devoir faire ce qu’il dit.

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  3.  » brut de forge !  »
    Excellent !
    On pourrait reprendre ce terme à notre profit contre tous les fantômes de
    l’ IUMM , reconvertis – après avoir saigné des générations de prolétaires – dans le hold-up des finances publiques.
    Soyons aujourd’hui, demain et après :  » brut de forge  » !
    Merci –
    PS : Quand la révolution citoyenne prendra démocratiquement le pouvoir en France aussi simplement que l’aile du papillon frôle la fleur, on filera à babar un billet d’avion de la compagnie « Ryan air » – celle qui fait des économie de Kérozène – juste ce qu’il faut mais pas plus – pour alléger ses carlingues et faire des économies au détriment des voyageurs et de leur sécurité.
    Qu ‘il s’en aille lui aussi !
    Qui a dit que nous étions contre l’efficacité ? Après les jetons de présence, les jetons tout court !

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  4. @urbain – c’est bien trop d’honneur en effet qu’une bombinette avec du bolduc autour pour ce triste bouffon
    @olivier bonnet – proverbe shadock : « c’est à force de rater qu’on finit par réussir!! »
    @phil – le président de tous les français n’impose en effet pas d’être le français de tous les pésidents
    @H2 – à propos de Ryan Air il me revient le crash d’un président polonais qui avait bien débarrassé le plancher

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Commentaires fermés

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