Kanellos : portrait du rebelle en chien

Ce chien s’appelle Kanellos. Il accompagne toutes les manifestations du peuple grec en colère. Il en est l’icône, le totem. Ne porte pas de muselière.

Que ce chien soit unique ou multiplié – on sait le nombre de chiens errants à Athènes – il est le symbole de l’outrage fait aux Hellènes et de leur juste révolte.

En un sens, il est la réincarnation des cyniques. Ces philosophes de la Grèce antique, s’appliquant à vivre et à mourir comme des chiens. Préférant l’ironie à la carrière, l’autarcie à l’opportunisme, la transgression au conformisme, la frugalité à l’empiffrement.

Diogène dans son tonneau se foutait royalement de respecter les règles sociales, les conventions, les interdits. Il crachait sur les honneurs, la frime, le fric et les simulacres. Il ne lui serait jamais venue l’idée médiocre de travailler plus pour gagner plus.

Diogène n’était pas compétitif.

Il était plutôt du genre à s’essuyer la main, après avoir serré la pogne d’un pitre vaniteux.

Diogène faisait le malin.

Citoyen du monde, sans emprise, sans rien, il n’avait ni à perdre ni à gagner et n’avait donc peur de rien. S’il s’autorisait parfois à s’astiquer en public, ce n’était pas seulement par provocation, par esprit de subversion, ou pour briser les codes mais bien plutôt pour jouir de la liberté d’être grossier avec les vulgaires.

Se branler oui pendant que les scabreux, eux ont le nez dans leur bourse.
Mendier oui, pendant que les cupides se tuent à entasser.

Car si montrer son cul est grossier, dénoncer les privilèges des pauvres quand on est milliardaire ou un de ses valets EST vulgaire.
Car si aboyer sur un tas de fumier est grossier, faire endosser ses dettes privées par des déficits publics EST indécent.
Car si pisser en public est grossier, imposer la rigueur à des gens qui n’ont rien quand on a déjà tout EST obscène.

Et je rêve, d’un impôt sur cette vulgarité là
Et de foutre en l’air enfin, leur bouclier fécal.

Diogène ne possédait rien, mais jouissait du luxe immense, d’envoyer se faire foutre les puissants. Ni compromis, ni compromissions, ni petits arrangements avec le marché. Diogène n’était pas socialiste ou socio démocrate. Il était cynique.

Non pas de ce cynisme qui, par glissement sémantique et déviation de sens est devenu l’apanage de ces prédateurs maîtres de tout et bons à rien mais de ce cynisme impeccable initié par Antisthène, qui compris d’évidence que l’accumulation avide était vide de sens.

« Barre toi de mon soleil » pourrait dire aujourd’hui Diogène au spéculateur vautré dans sa limousine et qui lui fait de l’ombre, comme dégage de mon territoire pourrait grogner Kanellos, aux flics grecs bientôt amputés de 20% de leur salaire.

A la vanité vaine Diogène répondait par l’orgueil désinvolte.
Au pouvoir factice Diogène opposait son mépris nonchalant
A la fatuité bien ordonnée pour et par soi même Diogène répliquait par son modeste désordre :

la glande
jusqu’à l’ataraxie.

Cette contestation cynique et souveraine ne consiste pas seulement à dénoncer par le mépris ricanant la posture et l’imposture des profiteurs bouffés par leurs profits, ni à leur mordiller les mollets avant de, miraculeusement un jour, chopper la jugulaire, cette contestation d’un cynisme tranquille vise à leur souligner au feutre gras :

qu’ils vivent et crèveront comme des cons.

que ce sont eux les mendiants.

tgb

Le titre de la note est un détournement astucieux de « Cynismes Portrait Du Philosophe En Chien » de Michel Onfray

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

25 commentaires sur « Kanellos : portrait du rebelle en chien »

  1. Original…
    Mais les chiens aboient, les profiteurs passent.
    Contestation humoristique ou lutte ?
    Cynisme ou violence ?
    Internet ne sert il pas à alimenter la conscience des lecteurs jusqu’à provoquer un pétage de plombs salutaire ?
    En ces temps de crise, je n’ai jamais lu de ma vie autant de charges contre le système.

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  2. Bonjour
    je cherchais le site qui parlait de la gratuité des transports. J’en ai assez de payer cher pour ^tre transporter comme du bétail. je lis, de fil en aiguille l’article écrit par tgb; Il me fait réfléchir. la gratuité pose pb en effet, je suis tout à fait d’accord, la fraude en douce individualiste, je ne m’y reconnais pas.
    Alors…et ben je sais plus quoi faire sinon aller faire un tour un mercredi soir, pour voir.

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  3. Diogène errait dans les rues d’Athène muni d’une lanterne allumé, en plein jour, à la recherche « d’un homme honnête sur la terre ».
    D’ailleurs, il le cherche toujours…

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  4. @cui cui – alimenter la conscience des lecteurs ? bien optimiste -vu qu’on se lit entre nous je ne suis pas certain que ça fasse avancer le schmilblick – au moins se sent on moins seul c’est déjà ça
    @vi – exemple troublant de conscientisation
    @Nadia K – il risque de chercher longtemps d’autant que EDF augmente ses tarifs – vive la privatisation

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  5. Ecrit par : tgb | 13.05.2010
    Je suis peut-être trop optimiste mais je crois à la puissance d’Internet. Non pas comme un vecteur individualiste bien dérisoire, je l’admets, mais comme un diffuseur et un mélangeur d’idées qui finissent petit à petit par s’imposer dans les esprits.
    Je suis toujours étonné, alors que je vis dans un environnement socialement moyen ou modeste, de l’influence de ce média et de la répercussion des opinions diffusées sur la perception du monde.
    Je dis ça, je dis rien, hein ? Mais je te trouve bien trop pessimiste…

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  6. je ne demande qu’à te croire et je ne nie pas l’influence des blogs je la pense juste relativement dérisoire fasse aux médias de masse y compris le web genre vidéos buzz et sites pipoles
    9000 personnes à un apéro géant 200 à une manif pour soutenir la grèce – on voit où se porte l’intérêt des foules
    cela dit ça ne m’empêche pas de rempiler à l’écriture tous les matins

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  7. Ecrit par : tgb | 13.05.2010
    Ouais mais ce que tu oublies, tgb, c’est que les 9000 personnes de l’apéro géant vont parler de la Grèce !
    Et je suis bien certain que les forces de l’ordre se méfient davantage des foules avinées scandalisées par l’injustice que des 200 manifestants pour soutenir la Grèce.
    Organisons une manifestation-apéro (idée de billet) pour voir le résultat ! J’imagine le regard d’effroi de nos politiques…
    Quant aux médias de masse, je ne t’apprends pas, vu ton job, à quel point ils sont discrédités aux yeux du peuple !

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  8. apéro manif oui au début ça va aprés…c’est manif-beuverie
    j’entends trop de gens autour de moi de proches d’élèves me réciter les anneries de C dans l’air de Barbier et compagnie comme décérébrés – des arguments toujours tellement simplissimes et bas qu’ils se retiennent facilement – aprés faut reactiver leur intelligence et ils se remettent à penser mais en attendant…

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  9. Ecrit par : tgb | 13.05.2010
    Je comprends ton inquiétude.
    La propagande est pleinement reçue dans certaines couches de la société. Les jeunes cadres notamment.
    Alors que dans les classes plus modestes, les idées libérales passent plus mal : davantage de méfiance.
    Il est vrai que la conscience politique d’une certaine CSP + d »une classe d’âge située entre 25 et 40 ans est presque nulle : ces gens sont techniquement compétents mais quasiment incultes, incapables de discernement et d’esprit critique : ils ne lisent jamais.
    Mais je suis un optimiste invétéré…

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  10. les 25 40 c’est clair une acculturation totale et pour toutes références culturelles pubs et tv réalité – même constat mais c’est peut être aussi le syndrome du vieux prof –
    je ne demande qu’à être agréablement surpris

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  11. ce sinistre ministre mérite largement ce bigbrotheraward pour l’ensemble de son oeuvre consistant à traiter le sans papier comme un chien

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  12. même pas sûr qu’il portait un caleçon, le tonneau en revanche c’est bien possible ou on lui ferait payer au moins une taxe d’habitation revalorisée car il faut reconnaître qu(habiter un tonneau par les temps qui courent est un vrai privilège

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  13. Ecrit par : tgb | 13.05.2010
    Attention mon cher tgb, contrairement à une opinion commune (mais fausse) , le a de acculturation n’est pas privatif, mais indique une appropriation ( d’un élément culturel étranger par une autre culture ).
    Ce dont tu parles c’est la déculturation .
    Mais, en réalité,tout ça n’a rien à voir avec la culture si on la comprend au sens propre de « se cultiver » , la construction de soi .

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  14. L’ennui avec le cynisme, et y compris le cynisme philosophique antique, si cher aux anarchistes ( pour d’évidents motifs) c’est qu’il s’agit plus d’une posture morale que d’une pensée construite, capable de rendre le monde intelligible et socialement vivable.
    C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a toujours (si facilement ) été récupéré, et son projet d’autonomie totale ( du sujet ) perverti en rejet non pas seulement des conventions sociales mais de toute forme de sociabilité .
    La critique de l’idéalisme platonicien était parfaitement opportune, juste et fondée, mais , comme toute pensée critique purement morale, elle sombre très vite, encore aujourd’hui, dans le relativisme absolu et sa conséquence inéluctable : l’égoïsme solipsiste et finalement le conformisme « décomplexé « .

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  15. Naturellement ( j’avais oublié de conclure) c’est la raison pour laquelle je considère comme une analogie métaphorique abusive, celle qui renverrai la révolte actuelle des athéniens à la tradition cynique .
    Ils ont un passé très fourni de tyrannies et de révoltes induites, mais je crois pourtant que c’est dans le discours de Périclès ( son contexte et ses suites) , essentiellement POLITIQUE ( et non moral ) qu’on peut trouver les clefs les lectures les plus facilement actualisables ( et généralisables) de la CRISIS actuelle .

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  16. Ecrit par : urbain | 15.05.2010
    Ben urbain, où c’est qu’t’as vu une analogie métaphorique abusive qui renverrait la révolte actuelle des athéniens à la tradition cynique ?
    Pour moi, en l’espèce, l’analogie métaphorique rapprochait plutôt le ch’tit pèpère à quatre pattes des philosophes grecs antiques de l’école cyniques (de Diogène en particulier, figure de proue idéale de toute révolte populaire car résistant, coriace, incorruptible et impitoyable ah ! ah ! aaaaaaahhh !) Bon allez, il est temps que j’aille me coucher !!! Embrassez Kanellos de ma part !

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  17. Encore une fois tgb un remarquable écrit éclairant les failles de notre civilisation aveuglée par son arrogance d’ado ! merci

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