Penser dans la surface de réparation

Sans doute connaissez vous ce test géométrique consistant à relier par quatre segments les 9 points du schéma sans lever le crayon.

Et si vous ne le connaissez pas vous pouvez toujours vous y astreindre

Inutile de vous dire, qu’à ce jeu là, Jean Marie Colombani et Jean-Claude Casanova, les deux salonards corses, de la pensée ronde dans le périmètre carré, ont zéro chance.

Il faut les entendre ronronner leur bréviaire libéral aux angles doctement émoussés pour se faire une idée de la pensée officielle et tiède sur son lit de conformisme suffisant, avec ces sentences définitives et doucereuses qui n’appellent aucune contestation, tant, engoncés dans le fauteuil club de leur notabilité satisfaite et privilégiée, ils savent.

40 ans qu’ils pensent dans la brise de leur carrière pontifiante, dans le suivisme mou et centré, à balancer une chose et son contraire dans le sens du vent dominant. 40 ans à fossoyer du journal de révérence, à balladurer entre soi et entre deux laits fraise, à reprendre de la compote mondialisée passée au mixer. 40 ans à se planter contre l’histoire, sans plus s’émouvoir et sans jamais, surtout, sortir du champ sémantique réglementaire.

40 ans d’analyse faussement tempérée, plus odieuse dans le fond, plus modérée sur la forme. Une pure merveille de la pensée empaillée et du taxidermisme intellectuel entre deux bouillottes.

Oh ce juste moment de vide et de componction, que ni les cendres islandaises ni les marées noires pétrolières ni les Europes fracassées sur les récifs du dépeçage AAA et de la spéculation rentière ne sauraient atteindre.

Oh ce juste monde arrondi, où l’on pense chez soi, avec les mêmes neurones qu’on économise avec la prudence du pré-retraité et la même fadeur normée, dans l’outrecuidance obséquieuse et policée de la conscience prospère.

Oh ces Voix mièvres et mielleuses, porte paroles assurés de tout un monde fermé, à se fréquenter soi-même, dans les dîners en ville et les pince-fesses bien en cours entre deux invités Alain Minc ou Eric le Boucher à penser pareil.

On les imagine sans peine dans le confort intellectuel de leur boudoir calfeutré, s’adonner entre compères, je t’invite tu m’invites, à l’échange courtois et mesuré de leur conversation badine et sans appel à déclarer leur flamme à Tina et à lécher le manche, les pieds dans la cuvette salée sans même de clapotis à soigner leurs chevilles enflées.

C’est curieusement à l’heure du café que l’auditeur les accompagne à prendre un thé soporifique avec sucrettes. 

Il faut les entendre entre gens raisonnables, pérorer de la rigueur et du sacrifice pour pauvres dans le cadre du nouvel ordre mondial, à s’écouter parler chez l’autre, à pinailler du détail, histoire de polémiquer dans les clous et à célébrer du consensus spongieux avec délectation, tout en les imaginant téter du cigare chez l’un et de la bouffarde chez l’autre en se resservant pour digérer, un cognac de trente ans d’âge à un SMIC ou deux, devant un bon feu de cheminée.

La pensée digestive entre deux édredons. Un pur moment de roupillon aseptisé fait d’inconvenance et de subtile vulgarité, à réclamer des efforts
aux gueux, tandis qu’on plie consciencieusement son parachute doré.

Et surtout qu’aucune idée ne dépasse, dans le juste périmètre admis tandis que leur monde s’écroule et qu’on les retrouvera pourtant lalalère, dans 10 ans encore, à penser solennel entre deux oreillers, toujours à séquestrer les pensées autrement pour mieux les recycler.

Emblématiques représentants jusqu’à la caricature de cette pensée molle et morte, laborieusement élaborée, qui exhale son parfum de cadavre faisandé, à tel point qu’on se surprend enfin à éteindre la radio avec la délicatesse de celui qu’aurait peur de déranger.

Car la solution peut-être, pourrait bien se révéler externe au cadre de référence et exiger de sortir du périmètre.

Colombani et Casanova, les corses clonés, élevés curieusement à la limonade, n’en ont depuis longtemps plus les facultés mentales. Gardiens appointés de l’orthodoxie en place, un excès d’imagination ou d’audace nous les tuerait.

Conservons les donc dans leur jus pour témoignage :
Leur formol hebdomadaire :  « la rumeur du monde » samedi 13H45  merci France culture pour cet exemple édifiant de pensée sous vide.

tgb

Siné Hebdo est mort et le plan B pareil, en revanche Fakir est toujours vivant et toujours faché avec presque tout le monde – Mai/Juin paru

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

25 commentaires sur « Penser dans la surface de réparation »

  1. BiBi aime beaucoup ta petite devinette.
    C’est que la Pensée doit sortir du cadre pour penser le cadre.
    BiBi repense à ce que répondait Gilles Deleuze lorsqu’on lui demandait  » c’est quoi être de gauche »? Il disait à peu près cette chose :un type de droite pense d’abord à lui puis il pense à sa ville, à son coin de campagne puis à la France, puis eventuellement à l’Europe puis au Monde. Le type de gauche commence par penser le Monde puis à l’Europe, puis à la France, puis à l’espace social autour de lui puis enfin à lui.
    BiBi a pensé à ça lorsque tu as écrit :  » Inutile de vous dire, qu’à ce jeu là, Jean Marie Colombani et Jean-Claude Casanova, les deux salonards corses, de la pensée ronde dans le périmètre carré, ont zéro chance ».

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  2. Ecrit par : Pensez BiBi | 01.05.2010
    Sans doute pour ça que « les types de gauche » ( à la deleuze ) en sont là où ils en sont aujourd’hui …
    Une définition plus claire et disctincte ( et autrement plus consistante) :
    http://www.dailymotion.com/video/xky9u_bourdieu-royal-de-droite
    et en prime la présentation d’une saine lecture :
    http://www.dailymotion.com/widget/jukebox?list=%2Fplaylist%2Fx14aqv_urbain_glandier_les-intellectuels-vs-la-gauche&skin=default

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  3. merci pour la matière mais tout ça d’un coup à rattraper ça fait très veille de rentrée de classes

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  4. Superbe texte, merci, qui évoque tout à fait ce qui vient à mon esprit – endormi, quand les deux C bavardent tranquillement, dans leur boudoir gentiment libéral.
    Il faut y ajouter leurs amis qui passent les voir et prennent, eux-aussi, un peu de madeleine à tremper délicatement dans leur antique thé anglo-saxon juste à point.
    Mais, rassurez-moi: vous leur donnez 10 ans encore à jouer les vieux profs dans le boudoir… J’avais pourtant cru, à entendre leur voix « chevrotante », qu’ils avaient quand même depuis un moment dépassé la date de péremption. Me suis-je trompé?

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  5. oui la date de péremption est dépassée mais il n’empêche qu’ils nous infligeront leur inanité jusque dans les ou leurs décombres je le crains cela dit encore frais ils étaient déjà moisis

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  6. Ecrit par : tgb | 02.05.2010
    L’intervention de bourdieu ne dure qu’une dizaine de minutes.
    La présentation (suivie de débat autour) du bouquin de christopherson dure une heure trente, mais je conseille vivement aux « moins de 55 ans » de l’écouter , attentivement, à défaut de lire son bouquin.
    90 minutes pour comprendre ce qui s’est réellement passé et comment « on en est arrivé là » , ça me semble une assez bonne utilisation de son temps….
    et ça vous permettra peut-être de sortir de la « panne théorique » totale en comprenant qui vous a raconté des conneries et qui continue de le faire.

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  7. Pourquoi le ? ( après « c’est fait » ) …
    et « professeur » surement pas,
    au mieux apprenti  » informateur* honnête  » de ce qui n’est pas « im-médiat » et cependant multi-médiatisé , bref proposant une autre vision des « médias » et de leurs « médiateurs » .
    * au sens « classique » d’informer qui est de donner une forme (au jugement )

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  8. D’ailleurs la seule raison pour laquelle, tel Tournesol (seule « professeur » que je revendique , même si je me vois plutôt comme le capitaine Haddock) ,
    je persiste à aller « faire le zouave » à chaque fois que l’occasion m’en est donnée, tout à l’heure par exemple ( enregistré il y a un mois mais diffusé aujourd’hui ) :
    http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/tire_langue/fiche.php?diffusion_id=82688&pg=avenir
    ( comme ça tu connaitras même ma « véritable » identité …)

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  9. savant et brillant mon cher dominique-urbain – ça donne envie…
    marrant de te retrouver dans une émission que j’écoute à peu prés chaque dimanche juste avant les papous…

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  10. tgb, dans la vraie vie en 3D, tu as un rapport avec les tehniques de communication?
    il me semblait que tu avais dit un truc dans le genre et l’apparition du test m’y fait penser.
    Bravo, sinon, j’aime bien quand tu es fâché et que les mots sont si bien organisés que ça me parle/contamine.

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  11. dans la vie en 3 D j’ai un rapport assez alimentaire avec la com oui c’est mon boulot que j’ai sinon j’aime bien te parlercontaminer
    à conjuguer à tous les temps sur tous les modes

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  12. et je retiens « informer = donner une forme
    Ecrit par : tgb | 02.05.2010
    C’est le sens « classique » ( de mes maîtres cartésiens notamment ) facilement clarifié par des exemples d’expressions courantes « de l’époque », telles que « informer son jugement » ( au moyen d’informations pertinentes et éclairantes ) , et construit « sémantiquement » sur l’origine grecque « eidos » qui désigne la « forme » avant même « l’idée » .
    Pour nos « modernes » actuels, et par l’effet du retournement du sens , auquel nous avons assisté ces 40 dernières années , information se comprend désormais comme « action de rendre informe » et devrait donc s’écrire informe-ation .
    Raison pour laquelle je ne manque jamais de rappeler le « sens classique ».

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  13. Et dans la rumeur de leur monde, ils n’ont pas entendu que c’était le temps des émeutes ?
    Voir http://berthoalain.wordpress.com/
    J’en avais parlé là http://zgur.20minutes-blogs.fr/archive/2009/11/14/le-temps-des-emeutes.html en novembre :
    «  »Une des raisons de l’exaspération, c’est que les préoccupations populaires ne sont pas mises à l’agenda politique officiel. »
    Normal puisque comme tu le montres, les politiques et leurs complices raisonnent entre eux, pour eux. C’est aussi flagrant dans les discussions sur les retraites, la crise financière, etc. etc.
    La grande émeute est pour bientôt ?
    Qu’on en soit sûr, la répression est prête à frapper.
    Et ça va faire mal.
    Arf !
    Zgur

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  14. Merde alors, TGB, tu fous la honte sur mes compatriotes ! Colombani, Casanova…
    Pourquoi pas Pasqua ou Paolini de TF1, pendant que tu y es ?
    Je te mets sur une pré-liste d’opposants à surveiller.
    Je ne te cache pas que les Colombani et Casanova sont quasiment inconnus par les insulaires.
    Un tempérament si mou, une telle absence de passion et de vraies convictions sont des défauts peu courants chez nous. Le facteur du village devait être normand avant leur naissance…
    Prière de m’excuser pour cette blague de mauvais goût…
    Enfin tout ça pour te dire que ton excellent texte, je l’avais déjà dans ma tête en moins bien rédigé !
    Je déteste « Slate » et tous ces conformistes médiocres qui composent son ossature.

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  15. oui ce sont de drôles de corses en effet dépigmentés dépimentés assez inodores incolores sans saveur et ils en sont d’autant plus dangereux – cela dit pour l’avoir lui dans l’enquête sur le monde Colombani a toujours pris soin de ménager les autonomistes – sans doute a t’il une villa là bas.
    Slate est en effet bien à leur image d’ailleurs on dirait qu’il ne s’y passe jamais rien comme un blog témoin sans âme

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  16.  » Colombani a toujours pris soin de ménager les autonomistes – sans doute a t’il une villa là bas ? »
    Je confirme ! Il se dit assez sympathisant des thèses autonomistes tout en laissant planer un doute. Cette attitude définit parfaitement le personnage : chacun sait que le peu de convictions décisives qu’il montre va à l’encontre de sa soit-disant empathie envers ce qui ressemble à des sympathies nationalistes !
    En fait il est mort de trouille quand il se rend chez lui et, de ce fait, adopte la posture de l’omerta bienveillante.
    Vraiment un autonomiste insincère en peau de lapin !
    Tout son caractère est résumée en cette attitude du tireur accroupi, les yeux bandés…
    D’autant qu’il est originaire du côté de chez moi à Aléria, de même que Nonce Paolini de TF1 est issu du même canton que moi.
    Et là bas, berceau du nationalisme corse pur et dur, on ne plaisante ni avec la doctrine ni avec les impôts révolutionnaires ;-)))

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  17. bref c’est le représentant du canal Ballamou
    Ecrit par : tgb | 03.05.2010
    Le canal Ballamou historique, of course !
    🙂

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  18. Cher Urbain,
    BiBi n’est pas une groupie de Deleuze ( il y a à boire et à manger chez ce précieux philosophe) mais faut reconnaitre que merde son Abécédaire ( par exemple) nous aide bien à réfléchir et à penser.
    Sur Bourdieu, BiBi ne va pas se répéter. Cromwellbar a fait un excellent article et BiBi est dans ses com.
    http://cromwellbar.blogspot.com/

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