« Au four, les évadés de Moulins »

Suicide d’un détenu à la prison de Lyon hier.
Suicide d’un détenu à Bois d’Arcy cette nuit.
un suicide par jour dans les prisons de France.

Non seulement les 365 suicidés annuel, ne suffiront pas à vider les geôles de ses 62000 prisonniers, mais les places (elles) libérées seront tout aussi rapidement ré-occupées.

Tant il est avéré que plus on crée de lieux de détention, mieux on les remplit.

Si une société se juge à l’état de son régime carcéral, alors la société française est en phase terminale.

Cette prison française surpeuplée, poubelle aujourd’hui de tout ce que compte le pays de marginaux, de fous, de déviants, de criminels, de cas sociaux, d’accusés d’Outreau, de salauds, d’escros et de VIP,  est devenu le shaker malsain où se mélangent, le primo délinquant et le multi-récidiviste.

et l’innocent.

Cette prison française dégradée, dégradante, dénoncée chaque année par le Conseil de l’Europe, cette école du crime, cage à fauves, usine à « détritus » sans même de recyclage, lieu de tous les « résidus » sans rédemption possible, de tous les « rebuts » sociaux, de tous les échecs sociétaux sans réinsertion sociétale, montre à l’extrême, que même nos déchets ménagers sont aujourd’hui mieux (re)traités.

Car non seulement, par choix idéologique et économique on ferme les écoles pour ouvrir des prisons, mais encore, on ferme les hôpitaux psychiatriques pour ouvrir des pourrissoirs bons marchés.

Et vu comment l’état aujourd’hui, à travers sa police – explosion de gardes à vue, de bavures, d’objectifs quantitatifs – traite sa population à l’extérieur, on imagine bien, qu’il ne prend pas de gants à l’intérieur.

Et vu encore, sa pingrerie pour trois sous à la justice sociale, on se doute évidemment que la justice tout court et son coréllaire prison est tout sauf une priorité nationale et que par opportunisme, en ces temps de marchandisation galopante, la privatisation du système pénitentiaire avec ses effets pervers dans sa logique mercantile est plus que jamais une tentation menaçante.

Si, à l’heure de Mesrine, super héros de nos écrans, il se s’agit pas (forcement) de faire du voyou un mec sympa, il n’est pas non plus question de substituer à une justice républicaine, une justice victimaire, autrement dit une vengeance.

Bien sûr que si l’on massacre mon gosse je n’aurai que l’idée ivre et folle de faire la peau de l’autre, de l’oeil pour oeil, du dent pour dent, mais heureusement encore que la justice vient pallier à mon vertige de douleur et de sang, car sinon, pourquoi ne pas revenir au lynchage direct et à la pendaison à l’arbre.

Car le fait d’une civilisation est de précisément répondre à la sauvagerie par la raison, à la violence par le jugement.

Le détenu,  quoiqu’il ait commis reste un homme. Il est des actes monstrueux, il n’est pas de monstre. Le détenu est notre part d’ombre, notre transgression fantasmée, notre miroir en tant que nous sommes nous même et la plaie et le couteau, potentiellement victime, potentiellement bourreau ; le résultat hasardeux d’un parcours, d’un contexte, d’un dérapage, d’un engrenage, d’un sale concours de circonstances (affaire Cantat par exemple)

Il n’ est pas de génération spontanée, encore moins de génétique programmé : on ne naît pas plus assassin qu’honnête citoyen.

Et que ces braves gens qui, parce qu’ils n’ont rien à se reprocher (et je me demande bien comment ils font et ce que vaut le fond de leur conscience) considèrent qu’il faut toujours plus de cameras vidéo, toujours plus de flics, toujours plus de sécurité, toujours plus de délation, sachent bien qu’une seule lettre anonyme malveillante peut les embarquer dans un cauchemar de 48 heures pour rien.

Car « ceux qui sont prêts à abandonner un peu de leurs libertés fondamentales en échange d’un peu de sécurité illusoire ne méritent ni les unes ni l’autre » Benjamin Franklin.

S’il est bien une chose, qui m’a toujours fait gerber, c’est le gus lambda revendiquant sa normalité établie et se définissant arbitrairement avec bonne conscience comme la norme définitive et satisfaite.

Tout ça pour en venir à la lettre de Christophe Khider à sa mère ( l’un des deux évadés de la prison de Moulin – blessé et repris par la police) à la qualité cinglante, féroce et clinique de son récit.

Et l’on pense à Jean Genet, et l’on pense à Charlie Bauer, et l’on pense à José Giovanni, à ces condamnés taulards et à l’exemplarité signifiante de leur rédemption littéraire.

Et tout ça pour en venir à ce florilège de commentaires crétins tirés du figaro.FR à propos de l’affaire et en réaction à l’article intitulé

Les deux évadés de Moulins «sont probablement loin»

(laissés dans leur jus fautes d’orthographes comprises….)

—-
nono016001
et ca pavane

16/02/2009 à 15:36

Tuer, voler et vous passerez a la tele, c’est honteux
il faut virer le journaliste qui a eu le culot de faire
venir la mere d’un evade
Pauvre France

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Lilian003
Et la peine de mort est supprimée

16/02/2009 à 13:57

Ce type qui a tué un otage, méritait la mort. maintenant, il est en cavale. Et sa mère est contente, pauvre femme;
Programme obligatoire, tous les lundis, exécution de 5 condamnés à perpétuité, et cela videra les prisons.

——
arthus002
n’en déplaise …

16/02/2009 à 11:03

bonjour,humanistes de toutes espèces vous pouvez hurler ;chez moi à la campagne si ces individus venaient à agresser qui que ce soit dans mon entourage :ils seraient abattus comme des sangliers !

—–
Donnelly
Les 2 évadés présumés dangereux

15/02/2009 à 21:28

L’un des deux bandits a déjà tué.
L’un des grands arguments contre la peine de mort est d’éviter une erreur judiciaire.
Supposons que ces évadés prennent des otages et en tuent. Comment apggpeleront ce « regrettable » accident nos belles conscience de Gauche ?

Je constate une fois de plus que nous ne sommes plus en sécurité et j’estime urgent de rétablir la peine capital
e qui n’est certes pas la solution à tout mais aurait au moins le mérite de rétablir une certaine dissuasion et de nous éviter le scandale de cette évasion.

Si je suis évidemment soulagé de n’avoir pas croisé dans leur cavale les deux fugitifs n’ayant plus rien à perdre, et pas trop regardant du revolver quand même, je vous garantie aussi que je suis ravi de ne pas boire un verre avec Nono ou Donnely ou arthus, tout suintant de bestialité, de haine primaire, de bêtise crasse et de frustration aîgre par tous les trous de leur tricot de peau.

Plus animal qu’ humaniste quand même !

Et, on est en droit de se demander au final, qui du voyou ou du brave citoyen lecteur du Figaro est le plus civilisé des deux.

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

10 commentaires sur « « Au four, les évadés de Moulins » »

  1. Beau texte. Les solutions et les moyens existent mais le remplissage est là pour contenter « ces français » dont les réactions débiles et haineuses sont au niveau du choix de leur présidence.

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  2. Entendu deux personnes récemment parler (sans rire) des prisons françaises 4****!
    Pour ta dernière phrase, l’expression ironique « brave citoyen lecteur du Figaro », appelle peut-être un commentaire: brave? citoyen? lecteur? il est permis d’en douter.

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  3. Très beau texte, et en plus je retrouve Agathe dans les commentaires (salut ma belle)
    C’est la lecture de « Fracture d’une vie » de Charlie Bauer qui m’a ouvert les yeux il y a …20 ans (?) – je parle de la première édition je n’ai pas encore lu la deuxième – sur les conditions, indignes, d’incarcération dans les prisons françaises.
    Les dénoncer est un devoir humain.

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  4. @ françoise – en effet…
    @ agathe – ne te le fais pas dire…
    @ chrstine – c’était induit….
    @ agathe – chacun ses valeurs… on s’en contentera….
    @ PS – « guillotine sèche » beau raccourci si j’ose dire..
    @ céleste – merci – ben oui le monde des blogs est tout petit
    et merci à tous pour vos liens.

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  5. « Et, on est en droit de se demander au final, qui du voyou ou du brave citoyen lecteur du Figaro est le plus civilisé des deux. »
    Eheh… je crois que tu as déjà la réponse… En tout cas, moi oui. (Et même, quand j’ai besoin de faire le plein de hargne, je vais faire un tour dans les commentaires du figaro : ça requinquerait n’importe quel militant un brin fatigué…)

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