Îles flottantes

 « Ils se construiront des ghettos sociaux, sécuritaires, climatiques. » François Ruffin

En ce jour d’ouverture des restaurants du coeur, il n’y a heureusement pas que de mauvaises nouvelles dans l’actualité.

Cette info par exemple dont on pourrait se réjouir : La création d’îles artificielles pour riches. Financé notamment par Peter Thiel à hauteur d’1,7 million de dollars (ce qui est somme toute négligeable) le milliardaire cofondateur de Paypal et soutien affiché de Donald Trump, l’institut Seasteading compte inaugurer une première île flottante d’ici trois ans dans l’océan Pacifique du côté de Tahiti mais quand même pas trop loin de la terre ferme on ne sait jamais.

Un Tsunami, un ouragan ou une montée des eaux est si vite arrivé.

Cette création d’une fédération d’îles artificielles qui serait reconnue comme un état à part entière, sorte de « pays start up » et dont j’ai comme une vague idée du président qui pourrait opportunément y officier, donnerait au monde sa 198eme nation en 2020.

Ingratitude de ses concepteurs, leur motivation première serait de libérer l’humanité des politiciens en réécrivant les règles de gouvernance. On pensait la chose faite depuis que les banquiers, milliardaires, et autres hommes d’affaires occupaient les plus hautes fonctions mais parmi certains puristes de la chose défiscalisée visiblement trop de contraintes encore.

Perso je n’y vois que des avantages. D’une part, c’est pas dans le paradis des milliardaires qu’on risque de reprendre les essais nucléaires et engendrer des bébés méduses. C’est toujours ça de gagné pour les peuples indigènes.

D’autre part en ces microcosmes endogames, la consanguinité, c’est bien connu, ne peut que bonifier la nouvelle race des Robinson Crusoe grand luxe. Imaginer Mr Arnault vivre en vase clos avec Mr Pinault me fait saliver d’avance rapport à la dégénérescence oligarchique.

On sait comment l’utopie communautaire des soixante-huitards fut couronnée de succès. Voir la classe dominante recycler l’affaire et le mythe platonicien de la cité idéale ne peut que susciter toute notre admiration en attendant la dystopie.

Les projets pharaoniques des émirats ayant bu le bouillon,

c’est avec grande impatience que nous attendons le passage de relais. D’autant que dans leur préoccupation écologique, ils pourraient à moindre coût installer directement leurs bulle paradisiaque sur ces îlots de plastique,

sixième continent à la dérive.

Prenant enfin conscience de leur forte capacité de nuisance, quelle noble et belle idée altruiste n’empêche, pour les riches, que de se ghettoïser, de s’ostraciser, de se retirer du monde, facilitant d’avance le recensement et le parcage définitif dans un éden concentrationnaire, sorte de gate community ou de Sun City pour multimilliardaires désoeuvrés et neurasthéniques.

Nul doute qu’après avoir rapporté triomphalement l’ultime trophée à tête d’éléphant, ils pourront s’entretuer les uns les autres à coups de magnum de champagne millésimé.

Bref, dans un de ces rares moments de lucidité, la mise en quarantaine volontaire de ces fossoyeurs de l’humanité me parait définitivement comme la marque éminente de leur contribution à l’avenir de la planète.

Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.

tgb

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Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

11 commentaires sur « Îles flottantes »

  1. Il n’y a que les trés riches pour se payer une utopie à la con. Mais pour certains comme Elon Musk, une île c’est encore trop prés des bouseux! Lui veut coloniser Mars…l’idiot, alors qu’il a à portée de main Jupiter!?

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  2. Milliardaire à la conquête de Mars…On a guère évolué depuis Cecil Rhodes (chantre de l’impérialisme) qui écrivait en 1902: « L’expansion, tout est là »… »ces étoiles »… »ces vastes mondes qui demeurent toujours hors d’atteinte. Si je le pouvais, j’annexerais les planètes »…même si en contre partie on noie la moitié de l’humanité dans un océan de misère.

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  3. Je n’ai que le mérite d’avoir étudié les oeuvres de penseurs qui se sont attelés à la compréhension de ce qui nous arrive. Esclavagisme, colonialisme, fascisme, nazisme, demain cela portera un autre nom adapté à l’époque qui vient. Contrairement à ce que l’on nous martèle souvent il ne s’agit pas d’accidents ou d’aberrations historiques, il y a une généalogie civilisationnelle que l’on capte en lisant Annah Arendt, Levi Strauss, Fernand Braudel, Karl Polanyi, Jean-Pierre Faye et quelques autres. Dernièrement en version courte le bouquin « Violence nazie, généalogie européenne » de l’historien Enzo Traverso fait la synthèse des modes de pensées qui ont conduit l’humain « civilisé » au pire et visiblement aujourd’hui encore on n’en tire pas les conséquences. On suit toujours les mêmes politiques sous d’autres vocables.

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  4. L’île du Diable est l’une des trois îles du Salut, baptisées ainsi par Jean-Baptiste Thibault de Chanvalon (ou Chanvallon) en 1763, en Guyane, lorsqu’il y installe des colons survivants des épidémies qui sévissent sur la côte de Kourou. L’île du Diable aurait été baptisée ainsi par les Indiens galibis, qui ont fait de cet îlot rocheux dépourvu de végétation la résidence de l’Iroucan, c’est-à-dire de l’esprit du mal.
    Rattachée administrativement à la commune de Cayenne, cette petite île rocheuse, longue de 1 200 mètres et large de 400, aujourd’hui recouverte de palmiers, a servi de bagne pour les prisonniers politiques de France et les détenus de droit commun.
    en voilà une belle idée pour cette riche engeance

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  5. Curieusement, TGB, on ne parle plus guère de l’autre bagne de Guyane : celui de Saint Laurent du Maroni.
    Mon grand-père a fait dans la foulée son service militaire (à l’époque, trois ans) et la guerre de 14-18. Ils étaient quatre inséparables copains dans son unité (le 10e Chasseurs), et l’un d’eux après la guerre a épousé la fille du directeur de ce bagne. J’ai même encore une photo de ce couple (elle était créole).
    Coïncidence, j’ai un copain qui, il y a quelques années, a été enseignant dans un village de brousse de Guyane : à part l’hélicoptère, qui revient cher, le seul moyen de communication était la piste à peine esquissée qui serpentait le long du fleuve Maroni. Pour aboutir à Saint Laurent et l’embouchure, il fallait deux jours s’il ne pleuvait pas, quatre jours s’il pleuvait. A pied, bien sûr. Les vélos ne passaient pas. S’évader du bagne ne devait pas être facile.

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  6. merci pour le témoignage – j’imagine que ce site n’était pas du au hasard et que la nature féroce était le meilleur des gardiens. Les milliardaires se proposant de construire leur propre bagne tout confort et grand luxe seront eux aussi gardés par le meilleur des matons : leur haine des pauvres

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