Cette connerie disruptive

Disruptif… ! En voilà un mot qu’il est bio !

Innovation disruptive, technologie disruptive, président disruptif…ça disrupte grave dans nos chaumières, ces temps ci.

Etre disruptif c’est tendre à la rupture, changer de logiciel ou de modus operandi. Mais pas seulement.

On ne dira pas à sa femme de disrupter avec son amant, en revanche on pourrait très bien lui conseiller de disrupter question culinaire (désolé pour le côté sexiste de la chose) et d’abandonner le beauf mironton un peu trop Paulette au profit des raviolis sphériques au thé versus cuisine moléculaire.

Si être boulanger c’est vulgairement perpétuer la tradition du batard, si être néo boulanger c’est déjà participer à l’innovation du crouton, être vraiment disruptif question pétrin c’est devenir uber boulanger et entrer en grandes pompes dans la start up nation du quignon décongelé.

Oui, dans le concept de disruptivité il est une notion de rupture avec les anciens modèles, encore, faut-il en créer de nouveaux.

Certes, cesser de rembourser des montures Chanel à tous les bigleux assistés ou décourager les chômeurs de partir bouffer les aides colossales de l’état providence aux Bahamas c’est rompre, mais proposer de ne plus rien rembourser du tout à celles et ceux même pas foutu(e)s de devenir milliardaires est nettement plus disruptif.

Si, dire que demain l’université devra diffuser de l’intelligence dans un monde dispersé par le numérique c’est original (et encore), mieux vaut l’exprimer dans un langage approprié : « L’université va devoir faire des clusters d’intelligence dans un monde diffracté par le numérique » (Macron – Berlin) pour être tout à fait disruptif.

Car être disruptif c’est non seulement être pionnier dans son domaine, en finir avec les schémas anciens, mais venir surtout là où personne ne vous attend et créer un phénomène de masse.

Manque de bol, tout comme Montebourg qui ne dit pas que des conneries – « Prétendre que l’ubérisation de l’économie sera disruptif et produira de la croissance, est une connerie libérale » (Arnaud Monbetourg – in En campagne – 2016) – je le sais je le sens, je suis pas assez disruptif comme mec.

Je soupçonne même la notion de disruptivité d’être une vaste plaisanterie visant à tout changer pour ne rien changer dans le concept néo-giscardien ébouriffant du changement dans la continuité ;

«On peut y faire du coworking et y installer des start-up.» S Bern à propos du patrimoine à l’abandon..

Bref, faire du neuf avec du vieux.

Exemple : En Marche.

Débaucher de l’opportuniste à droite, faire de l’ouverture avec du carriériste de « gauche », créer un mouvement pseudo transversal dans une hiérarchie férocement pyramidale et prôner de la bonne vieille politique néolibérale réchauffée, continuation, accélération, amplification du thatchérisme d’il y a 40 ans ; inaugurer tout sourire la énième saison caritative restos du coeur et promouvoir la charité de la dame patronnesse au détriment de la solidarité citoyenne me paraît très modestement disruptif.

– Vous voulez la misère secourue, moi, je la veux supprimée. Victor Hugo

Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. (Jaures).

Quand la politique sent le vieux on nous la sert moderne.

Déjà quand j’étais môme et qu’on nous serinait du jeune et moderne ça faisait furieusement ringard.

tgb

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Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

18 commentaires sur « Cette connerie disruptive »

  1. Tu écris : « Je soupçonne même la notion de disruptivité d’être une vaste plaisanterie visant à tout changer pour ne rien changer dans le concept néo-giscardien ébouriffant du changement dans la continuité »
    Oui, c’est vrai j’ai aussi de gros soupçons sur cette pensée de « rupture radicale complexe sociétale dans la continuité structurelle des Marchés ». Pas assez transcendant ? Allez savoir. D’ailleurs pour être disruptif, et ébouriffant à mon tour, je proposerai prochainement en imprimante 3D un nouveau modèle international de Ken et Barbie sur le gabarit du couple présentiel français actuel. ça va faire un carton, Mieux que les boules de Noël. Vous avez les boules ? Ce ne seraient pas des tumeurs dues au glyphosate, par hasard ?

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  2. Aller dans la rue p’ter au vent, comme les cap-horniers crachent au vent en traversant ce lieu mythique et venteux, pas sûr que ce soit plus efficace que la recherche d’une vraie innovation. En revanche, c’est plus facile à mettre en œuvre.
    Dis-rupteur, corps-rupteur, glouglou-rupteur, char-rupteur, morue-pteur, Blair-rupteur, blabla-rupteur, sourd-rupteur, sûr-rupteur aussi, même combat sans but ni raison. Fermons l’inter-rupteur. La vie est AILLEURS. Poil au beurre (bof).

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  3. Tu cites une phrase de Victor Hugo. On la comprend mieux en lisant un texte d’Oscar Wilde (L’âme humaine sous le régime socialiste-1891): « …il est bien plus facile de sympathiser avec ce qui souffre, que de sympathiser avec ce qui pense. Par suite, avec des intentions admirables, mais mal dirigées, on se met très sérieusement, très sentimentalement à la besogne de remédier aux maux dont on est témoin. Mais vos remèdes ne sauraient guérir la maladie, ils ne peuvent que la prolonger, on peut même dire que vos remèdes font partie intégrante de la maladie.Par exemple, on prétend résoudre le problème de la pauvreté, en donnant aux pauvres de quoi vivre, ou bien, d’après une école très avancée, en amusant les pauvres. Mais par-là, on ne résout point la difficulté ; on l’aggrave, le but véritable consiste à s’efforcer de reconstruire la société sur une base telle que la pauvreté soit impossible. Et les vertus altruistes ont vraiment empêché la réalisation de ce plan. »
    Dans ce texte l’auteur ne critique pas seulement le concept de charité mais aussi les mesures sociales prises sous le système capitaliste et souvent défendues par la gauche. Comme le remarque Bernard Friot dans un article du Diplo de novembre, la gauche s’empêtre dans des « luttes défensives perdues d’avance » au lieu de projeter un système social-travail-propriété cohérent, et surtout émancipateur (le sens que donne O. Wilde à son « individualisme ») pour capter l’adhésion du plus grand nombre.
    « L’individu est la chance de la collectivité, comme la collectivité est la chance de l’individu » Alain Jouffroy dans son livre essentiel: « De l’individualisme révolutionnaire » (1975-1997).

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  4. « …il est bien plus facile de sympathiser avec ce qui souffre, que de sympathiser avec ce qui pense. Par suite, avec des intentions admirables, mais mal dirigées, on se met très sérieusement, très sentimentalement à la besogne de remédier aux maux dont on est témoin. Mais vos remèdes ne sauraient guérir la maladie, ils ne peuvent que la prolonger, on peut même dire que vos remèdes font partie intégrante de la maladie.
    Par exemple, on prétend résoudre le problème de la pauvreté, en donnant aux pauvres de quoi vivre, ou bien, d’après une école très avancée, en amusant les pauvres.
    Mais par là, on ne résout point la difficulté ; on l’aggrave, le but véritable consiste à s’efforcer de reconstruire la société sur une base telle que la pauvreté soit impossible. Et les vertus altruistes ont vraiment empêché la réalisation de ce plan.
    (…)Le socialisme, le communisme, — appelez comme vous voudrez le fait de convertir toute propriété privée en propriété publique, de substituer la coopération à la concurrence, — rétablira la société dans son état naturel d’organisme absolument sain, il assurera le bien-être matériel de chaque membre de la société. En fait, il donnera à la vie sa vraie base, le milieu qui lui convient. Mais pour que la vie atteigne son mode le plus élevé de perfection, il faut quelque chose de plus.
    Ce qu’il faut, c’est l’individualisme. »
    Le disruptif Oscar Wilde dans « L’âme humaine sous le régime socialiste »

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  5. Robert, l’important est exactement l’inverse, celui qu’ont matérialisé les responsables le plus souvent communistes de 1945. Il faut que de chacun selon ses moyens, soit octroyé à chacun ses besoins (uniquement ses besoins !) ce dont il a véritablement besoin. C’est exactement aux antipodes de ce qui est diffusé, imposé, écrabouillé par les médias dominants. L’individualisme est LA pire des choses. Chacun n’est qu’un élément mineur d’un grand TOUT.

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  6. Babel, le libéralisme classique (médias dominants) encourage l’égoïsme, la vanité, l’envie, ce que Rousseau nommait « l’amour propre ». Ne pas confondre avec l’individualisme (confusion spécialité des baratineurs médiatiques) ou « l’amour de soi » de Rousseau, caractérise l’être humain libre de toutes pressions collectives, qui assure sa préservation « selon ses besoins » sans éprouver justement le besoin de dominer, de posséder. C’est le sens du « vivre » dans le texte de Wilde.

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  7. C’est bien pourquoi je suis profondément anti-libéral, Robert. Seulement égalitaire, ce qui va à l’encontre des politiques actuelles.
    Vivre, c’est vivre ensemble, sinon cela n’a pas de sens.

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  8. On ne dira jamais assez ce que l’humanitaire peut faire de mal à la justice sociale. Le développement de tous ces machins sans frontière restos du cœur.compris a suivi en parallèle le retrait des états dans leur devoir de justice. Comme dit l’autre la charité soulage mais ne guérit pas. L’humanitaire est devenue une activité professionnelle avec formation universitaire. Elle est parfois un moyen d’ingérence, un détournement de fonds publics, un moyen confortable pour les pouvoirs de maquiller leur cynisme. On pourrait affirmer que là où l’humanitaire progresse les états reculent.

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  9. absolument d accord avec ça – l’humanitaire est une vraie saloperie qui donne une bonne conscience au néo colonialisme – le caritatif ça part d’une révolte et d’une colère – abbé pierre coluche – et ça finit en urgence qui dure s’institutionnalise et privatise l’injustice

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  10. la disruption du langage est une invention des « pères » fondateurs du libéralisme économique dés le début du 18e siècle de Mandeville, Adam Smith… »L’esprit du capitalisme » moderne est ancien et Dany-Robert Dufour nous le rappelle dans son article « Les prospérités du vice » dans le Diplo de décembre.
    Quoi de plus disruptif que le fameux « Les vices font la vertu publique » de Mandeville, admiré de Voltaire mais trés critiqué par Rousseau. Lire le travail d’Yves Vargas: « Rouseau avorteur du capitalisme » où il est clair : »Rousseau passe pour être un « moraliste » peu sensible aux questions économiques, et englué dans un passéisme campagnard, aveugle aux promesses de la société industrielle naissante. Cette réputation est largement fautive. En vérité, Rousseau a mené un combat total contre cette nouvelle société qu’il a parfaitement identifiée à partir de sa lecture de Mandeville, le premier philosophe du capitalisme ; un combat sur tous les terrains : anthropologie, philosophie, économie et politique. Il a compris que la finance allait enfanter un monde injuste et tyrannique, un monde qu’il a voulu empêcher de naître. »

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  11. L’idée fondamentale de cette novlangue (à l’image de celle conçue par Georges Orwell dans 1984) en train d’être mise en place est (D’après WIKIPEDIA)de supprimer toutes les nuances de la langue telle que nous la connaissions jusqu’à présent, afin de ne conserver que des dichotomies qui renforcent l’influence de l’État, car le discours manichéen permet d’éliminer toute réflexion sur la complexité d’un problème : si tu n’es pas pour, tu es contre, il n’y a pas de milieu. Ce type de raisonnement binaire permet de favoriser les raisonnements à l’affect, et ainsi d’éliminer tout débat, toute discussion, et donc toute potentielle critique de l’État.
    Un rythme élevé de syllabes est aussi visé, avec l’espoir que la vitesse des mots empêche la réflexion.
    De plus, si la langue possède le mot « bon », il est inutile qu’elle ait aussi le mot « mauvais », car cela suppose l’existence de nuances entre ces deux termes. Le concept « mauvais » est donc détruit pour être remplacé par le « non bon », fabriqué en ajoutant un préfixe marquant la négation (cela donnera « inbon »). En langue anglaise, cela donne : « good », « ungood » et « plusgood » et même « doubleplusgood ».
    La grammaire est aussi très simplifiée ; ainsi le pluriel est toujours marqué par un s (on dit « des chevals » et « des genous ») ; les verbes se conjuguent tous de la même manière.
    et bien entendu tous les néologismes et mots techniques complexes pouvant décaler le concept du processus de pensée seront les bienvenus.
    maintenant de là à condamner la littérature pour effet subversif sur le mode pensée il n’y a que quelques petits pas dont le premier à été franchi par le terme « inclusif »
    tu m’diras que je vois trop d’films et que ça va pas aider à mai disruptivité mais tant pis, j’aime bien que ma boulangère m’annonce clairement le prix de la baguette au lieu de me dire « ça vous fait moins d’un Euro »

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