Marcher assis/dormir debout

Comme le dit Camus, si mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde, alors y’a du tsunami dans l’air et de l’apocalypse dans les tuyaux, parce que question lexicologique c’est un beau merdier.

Je sais bien que nous vivons des temps confus mais quand même.

Si François Fion le néoconservateur à la cravate de notaire rebelle est le candidat de l’antisystème, si la candidature de Valls, vulgaire chef de rayon du conformisme libéral « est une révolte » et si le jeune postulant Macron tout exalté de sa première branlette électorale, a la Révolution ( patronale et bancaire ) en marche, on peut tout aussi bien nommer notre prochaine insurrection « stabilité monétaire » foutre le feu aux banques pour « rassurer les marchés » et basculer dans la subversion « libre et non faussée ».

Parce qu’à ce point de bordel linguistique et de triangulation foutraque, y’a plus de raison d’appeler un chat un chat et un premier d’la classe trentenaire qui fait peur à l’avenir, un jeune.

D’ailleurs, « Le mot d’état d’urgence étant anxiogène : il faut inventer un état de haute sécurité qui rassure » @vpecresse #BourdinDirect.

– Etat de lévitation molletonnée – je propose.

Il va falloir très vite intégrer si on veut un peu suivre, qu’être le cul sur une chaise c’est être en marche, que libérer la France par le travail n’est pas seulement un sinistre slogan nazi mais un cri de ralliement de l’avant garde HEC, qu’il faut outrer pour ne rien changer, hurler moderne pour ne rien dire, briser les tabous pour mieux péter à table et que Jean-Marine Lepen fait dans le social.

Bref, réciter le catéchisme officiel pour être original.

L’anticonformisme de pacotille sentant la conformation à plein nez, la pensée intestinale étant tendance, mieux vaut lire entre les lignes et choisir de vrais pivots du système capitaliste, Poutou, Arthaud..pour avoir une chance encore d’être autrement insolent.

Le système étant antisystème, forcément l’antisystème devient système et vice versa. faut suivre !

A force de ne pas défendre nos valeurs, de s’excuser du moindre pet idéologique de travers et d’intérioriser notre défaite historique, voilà qu’on nous confisque les mots, liberté, réforme, républicain, laïcité…et qu’on se retrouve conservateurs, archaïques, assistés, rétrogrades, tout juste bon à picoler son RSA et à polluer la planète avec sa vieille bagnole pourrie.

Fumier de pauvre.

Car oui, être de cette fange réactionnaire doit faire des vacances, tout est simple dans ce monde d’arrogance aux trois idées moisies. Si le monde va mal c’est la faute au pauvre qui vole à rien foutre le pognon des milliardaires qui s’épuisent dans les mines à dividendes – «La vie d’un entrepreneur (étant) plus dure que celle d’un salarié» Oui la faute à ces rentiers du smic qui font rien qu’à coûter cher du conquis de l’acquis social qui pue des pieds.

Donc ok, on a perdu la bataille culturelle et sémantique et donc la bataille politique. Mais peut-être, si nous n’avons plus les mots, pouvons nous encore faire les choses.

Je ne sais pas moi arracher des chemises ! Mais à quel prix !

Si la marque « révolution assise » appartient désormais à la marionnette bancaire, rien ne nous empêche, de le tirer de sa chaise à porteurs, de lui botter le train et d’appeler ça, – va te faire mettre chez Medef – ou – va te faire cuire le cul chez Rothschild avec Bendit.

C’est trivial mais allégorique.

Sérieusement, peut on faire vraiment les choses sans les nommer et penser le monde sans le conceptualiser ?

Notre langue est riche, nuancée, subtile, à nous les insoumis, un mot qui nous appartient encore, de renouveler les concepts, de les dépoussiérer et de construire l’avenir par le vocabulaire.

Si l’expression – lutte des classes – (qui n’a jamais été autant de circonstances) ne passe plus, rebaptisons là en la musclant encore.

Car sinon, « Le jour où les mots n’auront plus de sens, nous aurons gagné » (Goebbels)

Je crois surtout qu’à ce jeu-là, le jour où les mots n’auront plus de sens, tout le monde aura perdu.

tgb

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Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

11 commentaires sur « Marcher assis/dormir debout »

  1. Somptueuse évocation de la langue ! Vaugelas avec nous ! Malherbe aux créneaux ! Baudin en barricade !
    Beulin vola nos terres
    C’est la faute à Santerre
    Et combla nos ruisseaux
    C’est la faute à Pinault
    Macron nous mit en terre
    C’est la faute à Kouchner
    C’est c’que disait Borloo
    C’est la faute au Guaino….

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  2. Et je marche
    Je marche dans Broadway
    Qui serpente comme un sentier de guerre
    Dessous chaque pavé, il y a une hache de guerre
    Qui attend
    Et quelquefois je sens un arc dans mes mains
    Et je vise le haut d’un building
    Monsieur Rockefeller, ma flèche !

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  3. La révolution en marche. À plus de 300 000 boules la réunion parisienne selon les informations. Souhaitons-lui, pour ce prix-là, que le Macron soit étanche aux balles et que son service de sécurité assure mieux qu’au Bataclan Charlie Hebdo de Nice.

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  4. Je me souviens d’une conversation avec quelqu’un sur le Net, pour qui « les mots n’avaient pas d’importance », tout en tentant d’imposer les siens, biaisés, vagues, susceptibles de dire le contraire de ce dont on parlait (je n’ai plus le contexte exact en tête) : si ce n’était pas de la tentative de manipulation….

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  5. mieux vaut ne pas réagir à chaud – je me suis fait avoir 2 ou 3 fois dont l’histoire du mec ligoté à un poteau – maintenant je retiens ma main avant de suréagir – il y a des infos qui nous arrangent et de toute façon on a toujours une lecture biaisée – cela dit dans l’ensemble j’ai quand même pas dit trop ou véhiculé trop de conneries même assez peu sur mes 885 notes et mes milliers de tweets – bcp moins que France2 ou le monde au final hi hi

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