Merci François

Pour être original, je vais faire comme tout le monde et m’enthousiasmer pour le petit bijou, filou et poilant de François Ruffin : Merci Patron. Pas vous redire ce que d’autres ont déjà dit brillamment, mais insister sur le fait que contrairement aux comédies industrielles des professionnels à gags, c’est le film le plus fendard que j’ai vu depuis longtemps.

Et ce plaisir de se marrer avec une salle tout en vagues gondolantes. Rire ensemble.

Décidément, il n’est rien de mieux, face aux thèses laborieusement démonstratives et autres prises de tête militantes, que la légèreté pour attaquer les sujets graves.

Sachant que le ridicule ne tue plus, sinon il y aurait des monceaux de cadavres de cuistres à tous les étages, il y a bien peu de chances que cette charge impertinente, cette pochade dévastatrice nuise considérablement à la 13eme fortune mondiale et en finisse avec l’oligarchie triomphante. Mais au moins ce film nous venge-t-il et nous soulage des puissants. Le genre chamboule tout, pan dans ta gueule. Et c’est déjà beaucoup.

Surtout voir combien ces maîtres du monde sont entourés d’amateurs approximatifs, de baltringues bonhommes, de bavards suffisants, terrorisés par « les minorités à peine agissantes ». Et ce film de nous rappeler qu’il n‘est pas de grand homme pour son valet de chambre. Qu’on a bien tort de les craindre.

Un exemple de maïeutique réjouissante et O combien pédagogue. La démonstration que le petit qui peut peu, peut faire trembler le grand qui veut tout. Voir le renard se jouer des loups, avec un peu de bol et le sens du traquenard, les voir s’emberlificoter tout seuls est un plaisir de fin voyeur.

Surtout dire mon admiration pour Ruffin, qui tout seul ou presque a réussi à monter le fanzine Fakir, à le maintenir à flot, le propager et à produire ce film avec les moyens du bord. Quel foutu agitateur ! Et de repenser à Cavanna qui disait de Choron. – Ce type, s’il n’avait pas fait dans le canard anar serait devenu milliardaire…- C’est bien tout le paradoxe de l’entrepreneur mettant ses talents au service des autres et s’attaquant au faiseur d’empire tout pour ma gueule.

Merci Patron tombe à pile. Dans cette effervescence qui pétitionne à bientôt 1 million, qui #VautMieuxQueCa, qui chahute agricole, qui s’exaspère, à Notre-Dame-des-Landes ici , contre le gaz de schiste là, qui colère sourde et déborde les syndicats et s’enrage des partis… Ce film cristallise cette ébullition pré-printanière et cartonne au box-office. Pas de hasard.

Parce qu’à la fin, c’est nous qu’on va gagner

Va savoir…

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

8 commentaires sur « Merci François »

  1. «  »voir combien ces maîtres du monde sont entourés d’amateurs approximatifs, de baltringues bonhommes, de bavards suffisants, terrorisés par « les minorités à peine agissantes ». C’est vrai, grâce aux éclaireurs On peut encore rêver…mais gare à l’atterrissage. Il faudrait songer à s’organiser un peu, non ?

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  2. L’organisation, elle se fait. Mais elle se fait à partir du « bas », de ce qui compte, les simples citoyens. C’est sans doute plus brouillon en apparence, mais c’est plus solide parce que c’est porté par des indignations convergentes. Un peu comme la constitution des troupes de la guerre de Vendée, où des paroissiens allaient réveiller « not’maître » pour le mettre à leur tête. L’organisation, il n’y en avait pas au début, dans la Makhnovtchina, et qu’il a fallu s’organiser entre anarchistes paysans, pour repousser les armées Blanches. Sauf que, épuisés par leur succès, ils n’ont pu résister ensuite aux hordes bolcheviques de Trotski.

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  3. et de Gaulle disait aux patrons venus lui réclamer des réformes – je ne vous ai pas beaucoup vu quand j’étais à Londres

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  4. De Gaulle disaient de belles paroles, mais la réalité était tout autre… Par exemple le groupe Schneider dont les usines fabriquaient des locomotives pour les allemands ont été bombardées puis financé par l’Etat français dès 1945 avec une aide de 1.4 milliards de francs. D’autre part l’ambassadeur américain Jefferson Caffery avait menacé la France de ne pas recevoir un dollar du plan Marshall si des communistes restaient au gouvernement. Le 5 mai 1947 le Président du Conseil, le socialiste Ramadier les expulse…deux jours plus tard les américains lui ouvre une ligne de crédit de 250.000 dollars…S’ensuivit un grève générale qui fit au moins 4 morts et plus de 2000 arrestations. La CGT fut noyauté par la création de FO.
    Les patrons reprirent des couleurs…

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