Ceci n’est pas un banc

Xavier Bonnefont, maire UMP d’Angoulême a un foutu talent. C’est Marcel Duchamp revisité, Magritte réincarné, l’homme politique étriqué reconverti en génie de l’absurde.

Oui, une société productiviste qui invente le banc sur lequel il est interdit de s’asseoir ne peut que mériter le respect. Marque lucide d’une civilisation à son apogée ; matérialisation de l’intelligence humaine, dans toute sa quintessence.

Déjà en termes économiques c’est prodigieux. Non seulement on produit des bancs, mais ensuite on produit du grillage pour annuler le banc. Faire et défaire étant toujours faire, ça ne peut que mériter le respect.

Dans ce registre visionnaire et d’envergure on pourrait facilement décliner le concept et imaginer d’interdire la route aux véhicules, le train aux voyageurs et concevoir un téléphone qui n’appelle personne comme exposer un plug anal géant qu’on ne peut se carrer dans l’oignon.

Le boulot sans salaire mais avec expulsion existant déjà.

Car il est évident que dans l’histoire du banc, le problème central EST le SDF. Pas la société, ce monde sans pitié qui en fabrique par paquets de mille, pas la cause du désastre social mais bien sa conséquence directe : le pauvre.

Faites disparaître le pauvre et vous aurez éradiqué la misère. CQFD.

Car toute personne rationnelle et logique vous le dira : si vous voulez supprimer un problème il suffit d’en faire disparaître les conséquences, d’où l’invention de l’homo politicus, cet animal pragmatique de l’hyper compétitif libre et non faussé.

Oui s’attaquer aux symptômes paraît autrement plus urgent que de s’attaquer à la maladie.

oeuvre de Jeppe Hein

Inventer un banc sur lequel on ne peut s’asseoir c’est comme inventer un monde dans lequel on ne peut ni vivre ni survivre mais où l’on rassure les marchés : le capitalisme.

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

15 commentaires sur « Ceci n’est pas un banc »

  1. pour expérimenter des saloperies ils ont toujours beaucoup d’imagination en revanche pour inventer une société meilleure ils n’ont jamais un neurone en poche

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  2. « Non, les braves gens n’aiment pas que… » (Brassens) « Les sabots frappent à la porte des gens à souliers » (Chateaubriand). Quand la misère devient trop expressive et bruyante, c’est: « Silence aux pauvres! A la niche, une bonne fois, les gens de rien ».(Guillemin)

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  3. SDF, à quoi sert cet acronyme? à exprimer ou à masquer la réalité? Derrière ces 3 lettres l’homme disparaît, il est nié .Un non homme qui ne peut s’asseoir sur un non banc dans un monde non humain quoi de plus normal?
    Il n’y a là qu’un petit pas de plus vers l’inhumanité.
    On précarise, on marginalise, on clochardise, là prochaine étape ? On éradique ?

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  4. C’est juste et en utilisant l’acronyme je me suis fait cette réflexion et puis la paresse l’habitude on intègre le vocabulaire de la machine sans plus faire attention et en se rendant complice de la déshumanisation et en même temps comment nommer ? Pauvre ? Miséreux ? Clochard ?

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  5. Quand on veut justifier d’un traitement ou d’un sort inhumain appliqué à l’ Homme, on commence part lui enlever sa qualité d’être humain, ce procédé est aussi vieux que l’humanité.
    Cette réflexion ne s’appliquait pas spécialement à toi tgb, mais à nous tous .
    je te lis depuis des années et je pense en savoir assez pour ne pas douter un instant de ton humanité.

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  6. Cela me rappelle une chanson de fin d’année de par chez moi, une chanson venue du fond des âges, quand pour la nouvelle année les mendiants allaient de porte en porte quémander « la part à Dieu ».
    Rassasiés, ils pouvaient alors fêter, comme au temps des druides « Au gui l’an nu » (l’an nouveau) ce qui a donné le nom de la formation.
    Bien trop de nos compatriotes, aujourd’hui, en sont au même état de dénuement, mille ans plus tard. N’est-ce pas un non-sens ? (je pense au tonitruant mariage de Parker à Vaux le Vicomte par exemple)

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  7. Pour certains maires, ou autres « élus », c’est autour d’eux, à moins de 5 centimètres, qu’il faudrait poser un grillage : cela leur serait d’ailleurs fort commode pour s’asseoir, et satisfaire certaines obligations essentielles.

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