Moritz Erhardt, mort pour la banque !

Il fut un temps où les jeunes gens mourraient d’amour, tombaient sur les barricades, dans le maquis, les armes à la main. Ils se sacrifiaient à un être, une cause, un idéal, à quelque chose de plus grand qu’eux, donnaient un sens à leur mort, offrant leur jeunesse à une forme d’absolu sublime et tragique.

La liberté ou la mort, ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place… Et tout ce genre de choses…

C’est toujours du gâchis que de mourir à 20 ans, mais du moins certaines morts ont plus de panache que certaines autres qui, manifestement, ne ressemblent à rien.

Si ce n’est à un symptôme de notre retour en barbarie.

Moritz Erhardt 21 ans est donc mort comme un con.

Ce stagiaire de la banque d’investissement Merrill Lynch, propriété de Bank of America s’est épuisé à la tâche, après 72 heures de travail non-stop, s’écroulant sous sa douche dans sa propre flaque, après trois nuits sans sommeil.

Cet exemple performant de servitude volontaire, cet esclave consentant de l’idéologie dominante libre et non faussée, cet aspirant zélé à l’oligarchie mortifère, à l’enrichissement individuel et au fric pas cher, affirmait sur un blog être « hautement compétitif et ambitieux ».

Compétitif sans doute, mais pour ce qui est de l’ambition, il risque de revoir définitivement ses objectifs à la baisse.

Mourir pour une banque serait-il donc le nouvel idéal de la jeunesse mondialisée accro aux bonus potentiels et aux chants des sirènes spéculatives ? Le plan de carrière serait-il devenu l’ultime valeur d’une génération courant après le mirage du picaillon sans frontières ? L’absurde compétitivité, cette nouvelle version de l’asservissement motivé et du larbinisme à crédit, serait-elle donc le fruste Saint Graal de notre néo-médiocrité ?

Si comme nous le dit justement Courteline, « mieux vaut gâcher sa jeunesse (comme s’adonner à ces quelques frivolités du genre aimer, vivre et faire des conneries…) que de n’en rien faire du tout », le jeune formaté Mortiz aura donc eu 20 ans pour walou, pour la perspective minable de posséder une Rolex avant 50 ans et de ne même pas avoir l’opportunité d’y lire l’heure de sa mort avancée.

Juste mort pour illustrer le syndrome d’une société en plein déni de civilisation

Travailler plus pour mourir plus et rouler des pelles à un distributeur de billets

Moritz Erhardt « était apprécié de ses pairs et un stagiaire très motivé dans notre entreprise, avec un avenir prometteur… » nous déclare sans rire le porte parole négrier de Merrill Lynch.

Nul doute que, vu les circonstances, l’avenir prometteur du jeune Moritz va consister à se reposer très longtemps sur ses lauriers corporate.

Ci-git Moritz Erhardt, mort pour la banque !

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

6 commentaires sur « Moritz Erhardt, mort pour la banque ! »

  1. Ce gars me fait penser à un de mes collègues. Un jeune diplômé qui depuis son embauche faisait des journées de 12 heures minimum de travail sans que personne ne le lui demande d’ailleurs, juste par ambition et se faire « bien voir » comme on dit pour décrocher une promo. Il y a un an il a fait un sévère burn out avec complications coté cérébral, coma, soins intensifs, etc… Le pauvre en revenant au bureau fin juillet on lui apprend qu’il fait parti de la « charette » du dernier licenciement en cours!!!

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  2. j’ai toujours aimé cette forme de reconnaissance. Ils ne prennent même plus la peine de décorer leurs bons petits soldats. Ils les exécutent. Ni blessés ni prisonniers ça coûte et ça rapporte pas.

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  3. J’aime bien tes billets, mais là je trouve que tu généralises un peu vite en prenant un cas particulier pour un phénomène de génération.
    Personnellement, je (qui ne suis plus très jeune) connais beaucoup de jeunes qui n’entrent pas du tout dans ce schéma et qui n’ont pas peur de débroussailler la marginalité à grands coups d’utopies !
    J’en reste coi, à leur âge, bien que me revendiquant non-conformiste, je n’aurais jamais osé aller construire des cabanes à NDDL (pour ne prendre qu’un exemple…)

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  4. Ok tu as raison, faut pas généraliser, cela dit, j’ai des étudiants et ils ont plus le profil de ce pauvre Moritz que celui d’aller faire des cabanes à NDDL

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