Le ‘barbarisme’ à visage humain

Avec sa ‘bravitude’ légendaire et cette once de ‘méprisance’ qui lui va si bien lorsqu’il barbote dans une de ces piscines d’un de ces non-minables à plus de 5000 euros par mois, Jef Copé, en son ump opposante, condamne le « barbarisme » en Afghanistan :

« cet acte de barbarisme sans nom… »

Si ‘cet acte de ‘barbarisme’ n’a pas de nom, c’est précisément, qu’il ne doit pas être le concept idoine et cette locution mal à propos, pas des plus appropriées, rapport à l’usage que fait Jeff de notre langue française.

Rappelons donc que le barbarisme du latin barbarismus (expression vicieuse) est une faute de langage qui consiste, soit à se servir de mots forgés ou altérés, soit de donner aux mots un sens différent de celui qu’ils ont reçu de l’usage.

autrement nommé, solécisme.

« cet acte de barbarisme » est donc l’illustration parfaite de ce qu’est un barbarisme.

Le barbarisme n’ayant donc aucun rapport avec la barbarie, on peut en conclure que Copé non seulement dit des conneries (on le savait déjà) mais en plus en écrit direct à l’AFP sous forme de communiqué.

Il doit y avoir là comme l’acte manqué d’un isme fulgurant faisant pendant plus ou moins consciemment à un islamisme affleurant aussi pratique à dénoncer au Pakistan qu’utile à encaisser au Qatar.

On remarquera au passage que ce sont ces fins illettrés, nourris à l’idiome du village et au souverain poncif de managers comptables, qui exigent des étrangers la maîtrise d’une langue qu’ils maltraitent eux-mêmes.

qui de la femme  burqa ou du sac poubelle explosera en premier…?

Si, comme l’écrit médiocrement Jef, « rien n’est plus odieux et plus lâche qu’un attentat kamikaze » (un homme avec ceinture explosive sous une burqa) on peut se demander pourtant en quoi un tapis de bombes phosphorées où l’exécution d’une silhouette par joystick et drone interposée auraient quelque chose de plus noble et de plus loyal.

83 + 4 soldats morts pour des figues…de barbarie, triste gâchis certes, mais c’est quand même le principe des guerres, que des militaires y meurent la tripaille à l’air ; de ces guerres disproportionnées, du drone contre la pétoire, et qui nous ont donné cette sordide habitude du zéro mort chez nous, sans trop s’effaroucher de l’hécatombe d’en face.

Si comme l’écrit admirablement Camus, ‘mal nommer les choses c’est participer au malheur du monde’ alors ces perversions du langage, ces approximations sémantiques, cette misère littéraire pourraient bien finir par recouvrir de toute vacuité le sens des choses et l’appréhension du réel.

A vider les mots de leur sens, à les dévier, les nier, les contraindre, les châtrer, à appauvrir le langage pour mieux anesthésier la pensée, à corrompre le discours jusqu’à énoncer que :

le travail c’est la liberté

la liberté c’est l’esclavage

la guerre c’est la paix

la droite c’est le peuple

alors devenons nous étrangers à notre propre langue, devenons nous nos propres barbares, terroristes incultes de notre propre et confuse civilisation.

C’est le vocabulaire qu’il nous faut reconquérir d’abord pour botter le cul de l’économique.

Pour que le mot reprenne le pouvoir sur le chiffre enfin.

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

10 commentaires sur « Le ‘barbarisme’ à visage humain »

  1. merci mille fois – et moi tellement content d’avoir pu accoucher d’une note de plus – c’est de plus en plus à l’arrache…

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  2. « Un mot pour tous, tous pour un mot ! » comme le chantait La Rue Kétanou.
    Les mots sont importants, c’est sûr.
    Ils ont un sens, et mieux vaut connaître l’envers et l’endroit si on veut s’en servir, que ce soit pour se défendre, attaquer, faire rire ou pleurer.
    Merci pour ce billet.

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  3. Enfin ! Nous sommes quelques uns à nous intéresser au vocabulaire. Depuis la grande manipulation du 11 sept 2001, où tombèrent trois tours, et non deux, sans savoir pourquoi, toutes les stratégies de communication mensongère sont permises. La sacro-sainte communication est devenue la pire des armes de guerre, au point que tout média est suspecté de mensonge ou d’ignorance avant même qu’il ait relayé les infos de l’AFP dont l’indépendance est relative. Le pire est à venir ! On se demande bien pourquoi les socialistes ont aussi donné un quelconque crédit au « ministère de la culture et de la communication ».
    Les deux termes sont antinomiques et le ministère n’est que celui de la manipulation à défaut d’avoir la présence d’esprit de le nommer le ministère de l’oxymore : celui des communicants culturels.

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  4. bien d’accord – culture et communication n’ont rien à foutre ensemble – et pourquoi pas dans le genre oxymore – « culture communicante ? »

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