Mort d’un trait d’union

Est il écrit quelque part, que de ce territoire maudit, nous n’aurons, égrenées inlassablement au fil des jours, que de mauvaises nouvelles ?

Que la moindre espérance devra être, immédiatement exécutée ?

Que la moindre parcelle d’intelligence définitivement abrutie ?

Que le moindre projet d’humanité nécessairement ruiné ?

Que nous n’aurons pour toute brève, brute et brutale que du rapport Goldstone renié, que de l’épuration ethnique méthodique, que de la pensée beauf et branleuse du côté du manche…

Juliano Mer-Khamis, israelo-palestinien, comme son nom l’indique était un trait d’union.

Né de mère juive, Arna Mer et de père palestinien, Saliba Khamis, tous deux communistes, du temps encore où la pensée définissait les hommes, au delà de la couleur de peau où de la prétendue appartenance à telle ou telle pseudo religion, Juliano Mer-Khamis avait l’audace, quasi indécente dans cet espace d’anéantissement, d’oeuvrer encore à rapprocher les communautés à travers l’art et le théâtre.

Un soupçon de sensibilité dans l’enfer du camp des réfugiés de Jenine.

Une tentative d’Intifada créative dans un univers voué à la destruction

Etait-ce bien raisonnable ?

Obstinément, il avait perpétué, construisant, reconstruisant cet unique lieu d’expression vivante : « le théâtre des pierres » devenu « freedom théâtre », fondé par sa mère, au cœur même des combats les plus sanglants, de toutes les violences, de toutes les répressions, donnant pour seule arme, la parole à des enfants pulvérisés par la guerre.

Ce combat toujours recommencé, on peut le découvrir dans le magnifique documentaire « les enfants d’Arna » qu’il avait réalisé rendant hommage à l’oeuvre maternelle.

Juliano Mer-Khamis vient d’être assassiné ce lundi 4 avril dans ce même camp de Jénine par un groupe d’hommes armés.

D’où que viennent les balles, cet assassinat minable et lâche est l’acte le plus misérable, le plus désespérant et le plus nihiliste qui soit.

A peu prés aussi glorieux et héroïque que de tirer dans le dos d’un homme désarmé, d’arracher le sac d’une vieille dame ou d’attaquer un cinéma.

C’est s’acharner à tuer le moindre trait d’union et le moindre symbole tentant de s’affranchir absolument du manichéisme primaire et du néant.

Juliano Mer-Khamis est mort. Il est encore un nom.

Pour ne pas se résigner au calcul des abrutis que ce nom soit le début de quelque chose.

D’abord continuer ensuite commencer.

Avons nous d’autre choix ?

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

7 commentaires sur « Mort d’un trait d’union »

  1. « Est il écrit quelque part, que de ce territoire maudit, nous n’aurons, égrenées inlassablement au fil des jours, que de mauvaises nouvelles ?
    Que la moindre espérance devra être, immédiatement exécutée ?
    Que la moindre parcelle d’intelligence définitivement abrutie ?
    Que le moindre projet d’humanité nécessairement ruiné ?
    Que nous n’aurons pour toute brève, brute et brutale (…) que de la pensée beauf et branleuse du côté du manche… »
    Bordel… Si il est un conflit qui cristallise parmi les pires maux de notre monde, c’est celui-là.
    Où l’on voit, à travers quelque tentative que ce soit* de défendre la politique de l’Etat d’Israël, toute l’hypocrisie et la malhonnêteté intellectuelle dont peuvent faire preuve puissants et moins puissants… le manque d’amour fraternel et la haine qui sommeille en l’humain…
    Quelqu’un, à défaut de quelques-uns, pour leur clou-ellebecq ?
    Suis dégoûté.
    * pas sûr de ma grammaire sur ce coup là…

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  2. Evidemment, c’est moins drôle, mais loin d’être « chiant », au contraire.
    Chaque fois que j’apprends l’assassinat ou le meurtre d’une personne qui oeuvrait pour une meilleure humanité, je me sens à l’intérieur de moi coupable de ne pas pouvoir agir sur ce monde où la violence et la cupidité règnent en maitres.

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  3. C’est en te lisant que j’apprends la mort de Juliano.
    Je suis très triste.
    J’avais été bouleversée par le doc « Les enfants d’Arna » J’avais écrit un texte, fait des recherches pour en savoir plus.
    Arna, dont la devise était « Il n’y a pas de liberté sans instruction. Il n’y a pas de paix sans liberté. » elle avait reçu le Prix Nobel alternatif pour la paix.
    Et maintenant Juliano a été assassiné, un trait d’union, c’est très juste.

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  4. J’avais vu également le documentaire et j’avais été chamboulé – je suis très ému également par sa mort – il est maintenant question de donner le nom de Juliano au bateau français de la flottille pour Gaza – ça ne le ramènera pas mais ça prolongera un peu son travail.

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