Dans le doute, t’abstiens pas…

Pour la énième année consécutive, TF1 rafle 97 des cents meilleures audiences de la machine à décerveler.

Pour la énième année consécutive donc, une majorité de téléspectateurs fait un triomphe à la chaîne qui comme nous l’indiquait fort aimablement  son ancien président, aime à fabriquer du temps de cerveau disponible.

Pour la énième année consécutive donc, le légume végétatif de canal con est ravi, en toute connaissance de cause, de mettre entre ses deux oreilles du fromage blanc en guise de neurone et de penser avec son tube digestif.

Non pas que les autres chaînes aident forcément à la conscientisation, mais au moins n’ont elles pas exprimées publiquement qu’elles prenaient ouvertement leur clientèle pour des jambons.

On leur accordera donc le bénéfice du doute.

Il nous faut bien l’avouer, il est un certain confort à se trépaner dans l’hébètement hypnotique, à s’abrutir dans la déliquescence pixélisée, à neutraliser son ciboulot pour s’éviter toute conscience douloureuse et s’adonner à la crétinisation grégaire.

Ainsi aux problématiques complexes qui suscitent force cogitation migraineuse, il est quand même plus indolore de sortir ses fiches cuisine  estampillées Bouygues et de déblatérer en boucle comme un con :

Le chômage ? la faute aux immigrés !
Le perte du pouvoir d’achat ? la faute aux 35 heures
La crise ? l’état providence
L’insécurité ? la faute aux terroristes de banlieue
Le prochain président ? celui qui fera un bébé à Carla

Indéniablement ça repose.

Comme on le constate aujourd’hui en Hongrie, berceau familial de notre histrion rabougri, qui prend pour six mois la présidence d’une Europe paraît-il exemplaire,

limiter insidieusement le droit d’informer, sous le regard gourmand des autres chefs d’état songeurs, peut se faire aujourd’hui dans l’indifférence générale.

Les masses populaires et consommatrices se foutent bien de savoir ce qu’on bricole dans leur dos, dans la mesure où Jean-Pierre Pernault étrenne une nouvelle cravate en tricot, tissée au fin fond des Cévennes. 

Si 3000 manifestants se sentent quelque peu concernés par la censure journalistique en Hongrie voyant revenir le temps joyeux du rideau de fer, la sécurité de l’emploi, l’éducation, la santé, les services publics et les droits sociaux en moins, on sent la populace infiniment moins motivée à la liberté de penser qu’à la liberté de faire les soldes.

On a les priorités qu’on peut.

Devant une telle apathie au monde, une telle complaisance pour l’avachissement, et ce goût immodéré pour se vautrer dans le mépris auquel on nous invite, on se demande bien alors, pourquoi nous tristes blogueurs, continuons donc à nous masturber le corps calleux, à dénoncer la fabrication du consentement, la servitude volontaire, alors qu’il paraît infiniment plus économique de mettre son crémol aux abonnés absents, sans les affres du questionnement et se laisser aller à la frivolité.

Pourquoi donc nous obstinons nous encore à décrypter, dénoncer, traquer, trier, déjouer, les idées prêtes à penser, les images prémâchées, nous indignons nous encore de toute cette merditude infligée, alors qu’il serait tellement plus simple et rémunérateur de la mettre en veilleuse.

Je ne sais pas pour les autres, mais pour moi la réponse est somme toute basique :

Ce n’est pas que j’ai du goût pour l’éducation populaire, ni que je pense que le moindre de mes billets soit nécessaire ou puisse avoir une quelconque influence sur la moindre parcelle d’humanité, mais je ne sais tout simplement pas faire autrement.

J’ai essayé.

Comme l’écrit fort à propos Bertrand Russell « L’ennui dans ce monde, c’est que les idiots sont sûrs d’eux et les gens sensés pleins de doutes. »

Le scepticisme n’étant pas le meilleur vecteur pour faire carrière, j’ai choisi l’ironie.

Il faut douter de tout.
Je dis ça et encore je n’en suis même pas sûr !

Pas une raison pour s’abstenir, au contraire…

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

36 commentaires sur « Dans le doute, t’abstiens pas… »

  1. Ohé! et nous alors! 😉
    Très bon billet, une fois encore, je suis obligée de l’admettre, malgré mon scepticisme intrinsèque.
    Bon, passons aux choses sérieuses. Tu parles de « masses populaires et consommatrices »: va pour « populaires »; mais « consommatrices », ça commence à baisser, me semble-t-il. Merci qui?
    De plus, la prise de conscience est tout de même là, les manifestations l’attestent (ainsi que le soutien – populaire, justement – dont elles ont bénéficié), et elles étaient bien le fait de ces masses populaires qui, peut-être, par ailleurs, contemplent l’immonde dans la lucarne.
    Et puis, si les plus âgés sont désabusés, voire abattus, je pense que les plus jeunes s’étourdissent pour ne pas penser à l’avenir qui les attend. ce ne sont pas tous des évaporés ou des militants en short et en tongs à arpenter les plages pour montrer la photo (la relique, devrais-je dire)d’un has-been, en demandant aux gens s’ils n’ont pas déjà vu cet individu quelque part.
    Quant aux soldes en Espagne, cela m’a fait penser à ces marathons de danse qui étaient organisés pendant la Grande Dépression et illustrés dans le film « on achève bien les chevaux ». Pathétique.
    A part ça, bonne année. 2011 sera militant ou pas.

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  2. « on achève bien les chevaux » j’y ai pensé aussi –
    le pire ce sont, comme tu le dis, dans une certaine schizophrénie peut être les mêmes qui manifestent et protestent et regardent de la tv réalité misérable – (vu un extrait où un type bouffait son propre vomi pour 500 dollars)
    quand l’argent joue à humilier avant même de s’indigner peut être est il essentiel de rester digne déjà
    je sais que des tas de raisons sociales et culturelles peuvent expliquer tout ça mais y’a des limites
    bonne année à toi – on continue

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  3. Deux minutes de pédantisme par le libraire : la critique, étymologiquement, consiste à « mettre en crise » son objet .
    La lamentation est superflue , elle n’a pas de rapport avec la critique .
    Ta critique est juste , tu n’as donc rien à déplorer.
    Maintenant , ce qui t’affecte c’est que cette critique est à la fois juste et pourtant sans effet tangible .
    C’est tout simplement que la crise mise en évidence n’a aucune forme contradictoire qui puisse s’exercer sur son objet et le transformer.
    Son objet c’est la médiocrité, qui plus est la médiocrité satisfaite .
    Il n’y aucune tension entre le public de TF1 et ce que lui sert TF1, et c’est pas nouveau.
    Si la médiocrité n’était pas médiocre elle ne serait plus la médiocrité .
    Nul scepticisme n’est requis pour admettre ou constater ça.
    Mais justement, pour les mêmes raisons qui rendent inopérante la critique de cet objet ( la médiocrité) , cet objet est lui-même disqualifié comme objet déterminant un devenir quelconque. La médiocrité reste, demeure, ne change pas. Elle est immuable, elle n’est mue par aucun courant contradictoire qui pourrait la faire évoluer ( c’est ce que manifeste empiriquement le rapport entre TF1 et son public).
    Le monde , le réel en devenir, passe autour d’elle , sans elle, sans qu’elle ait aucun « effet » sur ce devenir.
    Le réel est ce qui est occulté par les « écrans » de TF1 ( et des autres , il n’y a en réalité aucune différence « réelle » entre TF1 et le reste) .
    C’est le réel qui se meut, s’émeut se transforme et transforme ceux qui y sont, et les autres aussi (qui se contentent de « subir » ).
    Ce qui te chagrine c’est que les médiocres soient majoritaires, mais c’est la nature même de la médiocrité d’être représentée par le plus grand nombre .

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  4. ‘Si la médiocrité n’était pas médiocre elle ne serait plus la médiocrité’ . C’est clair comme il est clair, par définition qu’elle est partagée par le plus grand nombre – la spécificité de TF1 c’est d’annoncer la couleur – mon boulot est de faire de vous des crétins » il n’y a donc plus pour le telespectateur l’excuse de l’ignorance – j’accepte d’être crétinisé et le revendique – dans cet encouragement à l’anti intellectualisme tellement à la mode ces temps ci.
    http://blog.thephase3.fr/2010/10/les-dix-strategies-de-manipulation-de.html
    pt 8 : encourager le public à se complaire dans la médiocrité

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  5. Il ne s’agit pas d’une « manipulation », dès lors que tu le dis toi-même : « la couleur est annoncée » .
    Le point « critique » n’est pas l’incitation à la complaisance faites aux médiocres. Il ne s’agit que de « marché ». C’est à dire l’application du primat de la « liberté » ( je suis libre par ce que j’ai le choix , notamment entre TF1 et les autres daubes ) . Un primat qui s’exerce au détriment du principe d’égalité .
    Le point critique c’est que la médiocrité , qui se distingue, par nature de la totalité, identifie elle-même comme distinct d’elle ce qu’elle juge comme « supérieur » et « meilleur », donc ce qui précisément n’est pas médiocre .
    La critique opérante n’est donc pas le constat de la médiocrité, qui est tautologique , mais celle qui porte sur la contradiction intrinsèque à ce type de « liberté » de « choix » : entre « mon choix en vaut un autre » et « pourtant je reconnais qu’il y a mieux » .
    C’est l’existence même de l’art , sa reconnaissance ne serait-ce comme possibilité , qui disqualifie le « choix de la médiocrité » comme un posture dévalorisante .
    Voilà pourquoi la critique de la médiocrité impose la médiation de ce qui n’est pas elle .
    L’art, en tant que l’exceptionnel , le « minoritaire » supérieur, « l’au dessus de la moyenne » est la critique, la seule critique « en actes » et efficace de la médiocrité .

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  6. Dites donc, je vous trouve bien méprisants tous les deux. Ce ne sont pas les manipulés qu’il faut mépriser, mais les manipulateurs, ce ne sont pas les incultes qu’il faut blâmer, mais ceux qui organisent le décervelage, et la propagande.
    Qui, même dans votre cercle d’intellectuels, voyez-vous qui soit parfaitement conscient de ce qui se passe véritablement en France et dans le monde? Qui peut dire qu’il n’est pas manipulé à son niveau?
    Il n’y a qu’à voir comment tout le monde se jette sur la moindre histoire de foulard ou de burqa pour exiger une loi, pour demander l’expulsion immédiate de tous les « musulmans » (comprendre: arabes) de France et parmi ces gens-là, il y en a plein qui ne se penseraient pas « médiocres » – d’ailleurs, les « médiocres », ce sont toujours les autres.
    Ils arrivent même à expliquer l’inexplicable.
    Et si, au contraire, le gouvernement et les médias préconisaient la tolérance et donnaient une image positive des Arabes, des Roms et autres stigmatisés, tout le monde justifierait cela encore par la « laïcité » (ce qui serait juste, d’ailleurs, cette fois-ci) et le droit à la différence.
    Quant à critiquer ceux qui se mettent devant TF1, ils font d’abord, peut-être la part des choses (que ceux qui rentrent chez eux le soir après une journée de travail pour prendre un traité de philosophie pour se « détendre » leur jettent la première pierre), mais ensuite, TOUS les médias manipulent d’une façon ou d’une autre.
    Arte comme les autres, qui a proposé un reportage complètement bidon sur les jeunes des quartiers, par ex. Mais combien parmi ceux qui l’ont vu savent que c’était complètement bidonné? Quand on veut voir ce qui va dans notre sens, on ne se pose pas de questions.
    Quant à la manipulation … en voici un exemple éclatant: http://www.legrandsoir.info/A-propos-des-dix-strategies-de-manipulation-de-masses-attribue-a-Noam-Chomsky.html
    A bon entendeur …
    Et sans rancune 😀

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  7. @meriem – les miens sont encore un peu sous l’édredon
    @urbain – l’art certes et surement sauf que c’est dans la société la plus cultivée du moment (Berlin – Weimar…) qu’est née la plus horrible des idéologies – tout cela est un peu accablant
    @emcee – pas de mépris non crois pas mais pas de complaisance non plus – qui est à mon avis une forme de mépris – si le goût pour la facilité ou la vulgarité s’explique sociologiquement fort bien on a (à mon avis ) toujours le choix
    il n’était même pas question ici de manipulation des masses (on abrutit 80% de la population on manipule les 20% influents) mais bien de consentement (puisqu’ils sont avertis) à la médiocrité –
    quant à Daniel Leconte Val Fourest et toute cette bande de joyeux salopards là effectivement on se trouve dans l’intox

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  8. je dis pas le contraire – les choses ne sont pas justes
    n’empêche un doigt sur la zapette on peut être curieux ou pas et se laisser aller à la facilité ou pas
    j’ai connu de par mon boulot des prolos, du cambouis incrusté sous les ongles qui étaient de véritables aristocrates, au langage châtié, un mec notamment qui élevait seul ses gosses et les emmenait une fois par an à l’opéra
    la connerie n’est pas seulement une fatalité ou une programmation sociale – ce serait renoncer alors au libre arbitre

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  9. tgb, pour être précise: je ne dis pas que le fait de n’avoir pas un carrefour bien net devant soi n’est pas juste; je dis que considérer que chacun a un carrefour bien net devant soi n’est pas juste; j’aurais dû écrire: « correct » au lieu de « juste ».
    Après, pas de raccourcis: il n’y a pas soit la fatalité (trop pauvres, trop mal instruits, etc.) soit le libre arbitre (le carrefour), c’est plus complexe que ça.
    J’aime bien la complexité quand il s’agit d’expliquer les comportements humains.
    On ne va pas abandonner la complexité ici, chez toi, quand même!

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  10. ben mince je suis pas manichéen quand je dis que si évidemment il existe un déterminisme social et culturel je pense que l’individu garde un libre arbitre et qu’en cela je reconnais la part de responsabilité de chacun. Nier la capacité à l’autonomie et à l’émancipation de l’autre c’est le nier lui – j’espère bien que dans mes conneries mes choix à la con mes galères j’ai ma propre part de responsabilité.
    sinon pour le carrefour j’avais bien compris et le fait que parfois les choix soient embrouillés masqués que l’on n’a pas les données tout ça machin je suis d’accord…je dis juste que c’est pas une raison pour être passif et subir, en ce sens et ça va déclencher aussi sec le libraire , je suis Nietzcheen.

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  11. Bon, c’est devenu bien compliqué pour moi, tout ça.
    Simplement, je ne pense pas que nous ne soyons arrivés à un carrefour, mais dans une impasse. Si nous avions le choix, nous ne serions pas à nous demander que faire sans avoir aucune solution rationnelle à proposer.
    Une fois qu’on a constaté que chacun est plus ou moins responsable de la situation, y a-t-il seulement un semblant de réponse?
    Et que veut dire, dans ce cas, « ne pas être passif et subir »? Quelles actions concrètes doit-on mener? Et où ceux qui avaient conscience de ce qui se passait sous leurs yeux depuis des années ont-ils failli pour qu’on en arrive tous là? Pourquoi n’ont-ils pas, n’avons-nous pas, réussi à faire entendre nos voix?
    S’émanciper soi-même suffit-il? Ou bien faut-il une démarche collective?
    Et quoi?
    Parce que, entre ceux qui s’étourdissent dans l’illusion et les paillettes que leur font miroiter les autres, et ceux qui tapent sur un clavier, qui battent le pavé, voire qui militent dans des partis, des syndicats et des assoces pour dénoncer, quelle différence dans les résultats?
    Ce sont les questions que je me pose actuellement, pas de simples critiques.

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  12. ah mais non mais non je ne parlais pas de ça du tout – je parlais juste du déterminisme à la médiocrité et de son libre arbitre – pour le reste je pense que nous sommes tout simplement dans des cycles historiques et que nous touchons à la fin du capitalisme malade de ses excès et de la domination américaine ce qui ne veut pas dire que ce qui suivra sera forcément plus réussi

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  13. D’accord, j’avais bien compris que je n’avais rien compris à vos échanges 😦
    Alors, sur le déterminisme à la médiocrité, je passe. Pas assez de recul.
    Déjà, je ne sais pas ce que vous appelez « médiocrité ». Ca commence mal.

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  14. @emcee – pourtant le urbain s’est bien décarcassé à en tenter une définition – pour ce qui est du « déterminisme à la médiocrité  » ça me parait être un sacré raccourcis – bref effectivement on ne doit pas être clair
    @phase3 – merci ce lien est précieux – pour la rime doit pas y avoir mieux

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  15. « pourtant le urbain s’est bien décarcassé à en tenter une définition »: Oui, pourtant … 😉
    Je ne suis pas douée pour la philosophie. C’est pour ça que j’ai du mal avec BHL, probablement.
    «  »déterminisme à la médiocrité «  »: bin, c’est ce que tu as écrit (juste avant ma réponse), je ne me serais pas risquée à essayer de retraduire. Pourquoi, c’était pas ça? ;-))

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  16. disons que ça devait être un raccourcis dans un contexte mais on va pas chipoter –
    heu BHL philosophe ? naaaaaaaaaaaan c’est pour rire ?

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  17. Oui, un raccourci, sans doute. Mais cela n’a, en effet, aucune importance. On ne va pas embrouiller ce fil de discussion pour si peu 😉
    Allons, bon! BHL, PAS un philosophe, un type qui connaît tous les sujets, puisqu’il cause à la télé? Mais tu me l’apprends! J’ai toujours pensé que … Ah, ben, ça alors! Je suis anéantie.
    Tu en as d’autres comme ça? Autant que j’apprenne tout en bloc. Fracassée pour être fracassée … 😉

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  18. Non, pas manichéen.
    C’est que dans mon ex-boulot de surveillante, j’ai croisé des jeunes gens que j’ai regardé avec le plus de bienveillance possible, et sans les enfermer dans quoi que ce soit…
    Mais j’ai vraiment vécu une colère et une frustration en voyant un mec/une nana de 16 ans pas foutus d’élaborer un concept, écrivant comme ils parlent mal, avec un seul niveau de langage et effrayés par le monde.
    Je crois très fort qu’ils ont le choix; en fait, je le sais!
    Mais on sait que c’est pas un terrain dégagé…

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  19. Ecrit par : meriem | 05.01.2011
    Je ne doute pas de ta sincérité , mais là tu nous rejoue la vieille antienne de « l’oeuf et la poule » .
    Le « débat » ou en tout cas mon commentaire sur le billet ne porte pas du tout sur les « responsables » , voire les « coupables » de l’abrutissement et l’aliénation opérés par l’appareil idéologique ( jadis « d’état » ) ou si tu préfères le « spectacle » et ses agents plus ou moins serviles .
    Il n’y a point besoin de débattre de ça tant les choses sont évidentes en regard des véritables agents de cette domination. Mais factuellement la « logique » du libéralisme ( primat de la liberté sur l’égalité) opère , et elle opère là où elle s’est donné pour projet d’opérer.
    Et là dessus on peut simplement dire que rien ni personne n’oblige quiconque de se coller devant la télé, et d’ailleurs ceux dont tu parles, que tu défends (à juste titre) les « jeunes » en particulier la regardent de moins en moins (la télé).
    Raison pour laquelle du reste d’autres formes spectaculaires , plus « subtiles » , opèrent désormais à leur intention la réduction/perversion/marchandisation des rapports sociaux « symboliques » prétendument « médiatisés » ( fesse bouc and co , psp, nintendo, marques, etc.) .
    Ce dont il s’agit, pour moi, c’est de d’encourager tgb en combattant la tendance dépressive et l’accablement qui parfois transparaissent dans son expression d’une juste colère . Pour cela il faut bien se rendre compte que la « critique » portée sur cet appareil, ce spectaculaire « diffus » ,cette critique ne peut être efficace et gratifiante que si elle est « matérialiste » et … dialectique .
    C’est à dire si on ne se cantonne pas au mode « réactif » qui est à proprement parler être , de facto, « réactionnaire » . Se contenter de « réagir » , sur le mode de la « protestation » , fut-elle sincère et véhémente, c’est dèjà admettre qu’on est « défait » .
    Il faut affronter le réel et être matérialiste c’est en voir lucidement les formes concrètes, réellement effectives . L’abrutissement « de masse » est justement un phénomène « massif » et sa nature même repose précisément sur ce caractère « massif » . Etre dialectique c’est y voir les formes , en permanentes évolutions, qui déterminent ette évolution et toujours leur nature contradictoire et conflictuelle. Car sans contradiction il n’y a pas de « mouvement » . Si tout ça évolue constamment c’est par ce qu’il existe des tensions internes qui le mettent continuellement en état de déséquilibre .
    ça n’est pas aider les opprimés que de refuser d’admettre qu’ils sont aliénés .
    la pratqieu de ces 30 dernières années , de la « gauche morale » aussi bien que la domination libérale a consisté non aps à combattre les motifs de l’aliénation mais à la récuser comme telle et finir par la faire intérioriser par ses « victimes » . la seule revendication devint : »respect » .
    Il n’y a aucune bonne raison de respecter la soumission, l’liénation, la domination asservissante et humiliante.
    La « culture des élites » doit être revendiquée pour TOUS et non pas servir de repoussoir , si commode pour les bouffons qui profitent cyniquement de cette « séparation » des aspirations symboliques.
    Ce qu’il faut c’est prendre la mesure de cette aliénation, de ses formes, de ce qui la détermine et découvrir quelles sont les contradictions qui peuvent être mises à profit pour combattre le mouvement « dominant » , et essayer de l’inverser.
    Il y en a énormément , quotidiennement renouvelées, par le mouvement continu de l’histoire, mais pour pouvoir les exploiter il faut d’abord reconnaitre ce qu’on veut combattre et admettre les conditions « objectives » ( et subjectives) de ce combat .
    C’est très précisément ce que Marx désignait sous le terme « idéologie », et il rappelait que ce combat est mené … jusqu’au bout.
    S’indigner,
    puis se révolter … mais la révolte doit déboucher sur une pratique … raisonnée et lucide .

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  20. Ce sont les questions que je me pose actuellement, pas de simples critiques.
    Ecrit par : emcee | 04.01.2011
    Sur ces questions, essentielles, et que je crois nous nous posons tous ici ,il est avident que n’aurai pas la cuistrerie de prétendre répondre ici, mais pour les raisons que j’ai tenté d’expliquer plus haut , il faut cesser d’être dans le « réactif » , le « ressentiment » ( même si c’est le ressenti sincère et digne qui le motive) et le « dépit » .
    S’émanciper pour émanciper les autres c’est d’abord s’émanciper des formes de raisonnement aliénées sur l’aliénation : c’est le sujet aliéné , en tant que sujet qui est respectable, et surtout pas la forme sociale et symbolique ( culturelle) , contrainte, de son aliénation .
    Le respecter pour son potentiel « d’égal » ( et non d’identique) , et non pour ce que la « liberté » du marché en a fait, bien malgré lui , camouflée derrière sa prétendu liberté de choisir entre deux « marques » .
    L’émanciper , s’émanciper, c’est lui restituer l’égalité , c’est à dire la liberté d’exploiter , d’égal à égal, ce potentiel « humain » .
    Pour le « que faire » … demain.

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  21. Oui, je comprends bien: mais qu’on s’indigne, qu’on réagisse, qu’on analyse, qu’on comprenne, qu’on s’émancipe, qu’on reprenne sa liberté, que sais-je encore, on fait quoi, concrètement, sur le terrain?
    On va le dire à qui, qu’il est aliéné et qu’il faut qu’il reprenne sa « liberté »?
    Sous quelle forme?
    Et puis, liberté et égalité ne sont-ils pas antinomiques?
    S’il faut, en effet, analyser un phénomène avec la tête et non pas avec les tripes, il faut aussi se donner les moyens pour concrétiser cela.
    Sinon, on reste encore dans le domaine du « yakafocon ».
    Pour moi, les discussions doivent mener à un projet concret et plausible. Des travaux pratiques, en quelque sorte.
    La communication sur le Net, qui privilégie l’indignation, apporte une forme de réflexion non négligeable, mais partielle.
    Voilà, je suis sans doute hors sujet, mais c’est tout ce que je trouve à dire d’une réflexion qui peut être intéressante mais qui me passe au-dessus de la tête, probablement par excès de pragmatisme.

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  22. bon je sors du sujet
    s’indigner me parait en effet essentiel et dérisoire (même si le bouquin d’Hessel bien gentillet et son succès me parait symboliquement éloquent) j’ai toujours préconisé l’offensive plutôt que la défense, l’attaque plutôt que la résistance et c’est ce qui me séduit enfin chez Melenchon par exemple.
    nous ne sommes pas en position de force il ne nous reste donc guère que la guérilla – choisir son terrain sa cible faire un coup se replier (emblematiquement) plutôt que de subir l’agenda de l’autre et réagir là où on nous dit de réagir
    à nous de créer l’évènement la polémique et non pas de mordre aux hameçons
    par exemple le buzz autour de la connerie provocatrice de ce clown insignifiant qu’est valls est grotesque – ne pas réagir me parait être la moindre des choses – tout comme les provocs de Lepen de Riposte laïque etc…
    notre indignation stérile mais médiatique est exactement l’effet escompté
    autre chose le libéralisme a largement gagné sur le champ sémantique en imposant ses mots en les vidant de leur sens ou en les détournant –
    la définition de « liberté » par exemple n’est évidemment pas la même selon les idéologies mais c’est bien aujourd’hui la conception libérale qui l’emporte – comme le fait qu’ils ont même réussi à retourner l’idée de « pensée unique » et même essayé de récupérer le mot « révolution »
    il me parait vital de réinvestir le vocabulaire d’imposer les concepts et même si le langage marxiste reste pertinent, obligatoire de dépoussiérer, tant certains concepts sont marqués par l’histoire et quasi inutilisables comme  » lutte des classes » « prolétariat » « éducation populaire »….à nous de réinventer ces notions dans leur forme
    pour imposer NOTRE vocabulaire il s’agit de nous concerter et de travailler ensemble sur les mêmes concepts et occurences
    voilà quelques idées pratiques

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  23. @emcee,
    Eh bien figure-toi, que mon quotidien, le plus prosaïque est largement accaparé par ce que tu appelles des « projets concrets et plausibles » ( bien que le terme « projet » soit à proscrire ) .
    de ce genre : http://www.librairie-tropiques.fr/article-bernard-friot-l-enjeu-des-retraites-1ere-partie-62828843.html
    ou celui-là : http://levillagedesnrv.20minutes-blogs.fr/archive/2010/12/24/bravo-poujadasse.html
    pour n’évoquer que les plus « visibles »,
    qu’ils interfèrent pas mal sur mon « activité professionnelle » et que je consacre le plus clair de mes « loisirs » à approfondir ça, l’appliquer, dans le « concret » le plus « quotidien » et la « proximité » la plus « basique » , au travers des actions associatives , etc.
    et que les « effets » , les « résultats » modestes mais très réels et croissants … sont là .
    La contingence du « réel » est le terrain d’application « en actes » de la réflexion critique productive , pas sa disqualification, bien au contraire. L’une n’exclut pas l’autre , bien au contraire, elles ne font qu’une seule et même chose ( dialectique) : la praxis , qui doit aller sur ces deux jambes si elle veut avancer et aller quelque part .
    et naturellement la réponse à ta question :
    « Et puis, liberté et égalité ne sont-ils pas antinomiques?  »
    la réponse est évidemment NON.
    mais tout dépend naturellement du sens qu’on donne et du rapport qu’on établit entre les deux termes .
    C’est pourquoi il est essentiel de bien comprendre que la liberté n’a de qualité émancipatrice que si précisément on la considère dans ce sens d’émancipation , donc de négation de la domination ( et non comme absence de contrainte ) . Et il est très facile alors de constater le « vice caché » de la conception « libérale » de la liberté ( essentiellement liberté de choix ) , et sa disqualification qui s’ensuit du primat donné à cette forme de liberté sur le principe d’égalité ( comprise comme comme tous égaux et non pas identiques) .
    Il faut évidemment que soit posé d’abord le primat de l’égalité pour que la liberté, comme émancipation, ait un sens .
    Bref les deux termes ne sont pas « antinomiques » mais en effet « contradictoires », au sens où il y a une tension et un conflit concret dans la manière dont ces deux principes interviennent « ensemble » dans le réel . l’histoire des rapports sociaux c’est la manière dont se résout cette contradiction … au travers des conflits sociaux. Et l’idéologie c’est la manière « de penser » dont on prend position dans ces conflits .

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  24. @emcee,
    un dernier mot : le « pragmatisme » , ça n’existe pas plus que le « réalisme » , en tant que « mode » de pensée et d’action . Ce sont des jugements a priori sur des actes non encore réalisés et qui prétendent les orienter sans orientation.
    les « faits » revendiqués par le « pragmatsite » ou le « réaliste » ne sont connus d’eux que par l’interprétation qu’ils en font . Cette interprétation est essentiellement idéologique, au sens précisé plus haut .

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  25. @ tgb,
    bien d’accord , mais sur les idées » pratiques » il n’ets nul besoin de « dépoussiérer » des termes comme :
    «  » lutte des classes » « prolétariat » « éducation populaire »
    Ils conservent toute leur pertinence et leur efficacité conceptuelle et pratique.
    Il suffit simplement de dépoussiérer en effet mais pas les notions ou les concepts, plutôt les couches de conneries déposées sur ces termes par 40 années de révision inepte ( singulièrement « à gauche » ) .
    Ils sont d’ailleurs d’une actualité brulante, et ça n’est pas par ce que les idéologues vautrés de la pensée réactionnaire ont réussi à disqualifier ces notions aux yeux de leurs « clients », en en occultant soigneusement le sens et le potentiel, qu’il faut abonder dans le sens de ces trissotins.
    Que la « forme » prise par la notion de « classe » évolue , comme celle prise par le « prolétariat » c’est une évidence déjà annoncée d’emblée par marx lui-même . Il demeure que la lutte des classes est bien le moteur de l’histoire des rapports sociaux ( ça semble plus que jamais évident ) , raison pour laquelle , précisément … il faut lutter .
    Quand au prolétariat et la manière dont il est soigneusement dégradé en une forme nouvelle de « lumpen prolétariat » au prix ( escompté ) d’un annihilation croissante de la « conscience de classe » cela aussi me semble d’une évidence plus que jamais frappante .
    Les outils et les agents de cette « évolution » sont d’ailleurs parfaitement décrits par Debord .
    Et la « superstructure » de ce spectacle , son « aspect fonctionnel », ont parfaitement été dénoncés par Chomsky et quelques autres , comme l’a fort opportunément rappelé emcee .

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  26. @ Urbain: je ne demandais pas ce que tu justifies ce que TOI, tu faisais sur le terrain, et, d’ailleurs, je ne parlais pas de ce terrain-là, mais quelles applications directes peut-on mettre en œuvre, non pas avec des gens comme nous-mêmes, mais avec la population aliénée et qui ne le sait pas.
    Mais, je vais arrêter là, de toute façon, je n’ai même pas le lexique adéquat. Je me demande pourquoi je me suis mêlée d’une conversation qui me dépasse.

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  27. urbain, rien à ajouter, mes idées sont plus claires. J’apprécie.
    tgb, si c’est pas encourageant, ça: une lectrice à la réflexion progressivement moins feignante.

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  28. @emcee- non non c’est une bonne question, c’est d’ailleurs essentiel quand on voit comment nombre d’ouvriers à voté sarko ou à rejoint Lepen s’énerve contre la SNCF ou considère que la crise c’est la faute aux 35 heures…
    il y a des réponses et ça gamberge enfin autour de la problématique de la servitude volontaire et c’est une bonne nouvelle ça se remet à penser à gauche
    http://www.legrandsoir.info/Thomas-Frank-Pourquoi-les-pauvres-votent-a-droite-Marseille.html
    mais l’essentiel je crois est de désembourgeoiser la gauche et revenir à une gauche populaire et pourquoi pas « populiste » puisqu’il s’agit de ne plus avoir peur des mots et de surtout surtout ne plus s’excuser
    @meriem – plus facile quand le terrain est fertile – mais si tu commences à céder à la toute pensée d’Urbain (dense et étayée certes) faut surtout pas lui dire, il risque d’y prendre goût…déjà que…

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  29. @meriem,
    la première chose qu’on peut faire pour « la population aliénée et qui ne le sait pas » , je pense que c’est tout simplement de lui fournir les outils lui permettant de prendre elle-même conscience de cette aliénation.
    Plus facile à dire qu’à faire, sans doute, mais l’exemple tout récent du livre d’Hessel est là pour nous convaincre que c’est finalement assez simple , et il n’est point besoin d’espérer un succès analogue à celui d’Indignez-vous pour l’entreprendre .
    ça nous ramène au billet et au public de TF1 et pour éviter de tourner en rond, j’arrête là.

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