L’addition s’il vous plaît…

Ce jour-là, exceptionnellement, soyons fous, j’avais invité ma chérie au restau. Ce genre de fantaisie devenant un luxe par les temps qui courent.

Devant la carte alléchante, nous nous étions montrés fort raisonnables et renonçant aux mets les plus gastronomiques, nous avions opté pour un plat certes savoureux mais du genre roboratif avant tout.

Il va de soi que nous avions fait l’impasse sur l’entrée, le dessert en nous contentant d’un petit vin honnête et sans prétention.

L’eau du robinet tenant lieu d’eau minérale

Pour finir, on s’était même autorisé en extra, un café africain, sans plus de mignardises.

Dans notre budget serré collé en ces temps d’austérité, cette petite entorse à la rigueur pouvait, sans recourir à quelque crédit revolving, encore se digérer, à condition de ne pas abuser de la carte Visa.

Dans la salle tamisée quelques couples en tête à tête, deux familles de sortie, toute une tablée de copains en goguette, un groupe de collègues de bureau fêtant un anniversaire, deux ou trois VRP solitaires…

A la table voisine, 3 banquiers exubérants et ventrus s’empiffraient goulûment éclusant à la suite, moult bouteilles des meilleurs champagnes millésimés, des meilleurs crus des meilleurs cépages, alternant bourgognes et bordeaux quitte à ne même qu’y tremper les lèvres jusqu’à vider la cave.

Sans regarder à la dépense, sans même détailler les prix, ils commandaient les plats les plus raffinés, histoire de ne surtout rien se refuser, n’en faisaient qu’une bouchée, les goûtaient à peine, gâtant par ci, gâchant par là, renvoyant  à la figure du serveur tout en courbettes, non sans une certaine goujaterie, les caviars les plus subtils, les langoustes les plus délicates, jusqu’à éradiquer les derniers ortollands, dans un grand et grossier éclat de rire méprisant entre deux rots bruyants.

Ils ripaillaient à s’en faire péter la panse, ils se goinfraient à s’en lécher les doigts. Ils faisaient bombance et gueuletonnaient dans une débauche satisfaite de denrées et de vins succulents avec cette muflerie repue des gens tout puissants.

Fines champagnes et cigares interdits pour couronner royalement le tout sous le regard piteux des autres clients bouches bées. 

C’est au moment de payer l’addition que je l’ai trouvé saumâtre.

Si ma note restait supportable, le petit supplément à plusieurs zéros me mit direct la nausée. Croyant à une erreur ou à une mauvaise plaisanterie, j’apprenais abasourdi, par le maître d’hôtel lui-même, que j’avais l’insigne honneur, avec les autres clients, de régler l’addition des trois banquiers désinvoltes.

je n’ai pas laissé de pourboire.

Cela fait trois mois maintenant que je me la saute, tout en faisant gracieusement la plonge du restau pour rembourser la dette de trois salopards abonnés aux gargantuesques festins.

Inutile de vous dire, que je ne suis pas prêt de m’offrir à nouveau le menu du jour.

Le plus curieux de l’affaire c’est que nous sommes 6 milliards en cuisine à nettoyer les gamelles de deux ou trois connards tout à leur orgie spéculative.

Même si on me dit tous les jours que je m’en tire bien, et que je suis un foutu privilégié, je me demande comment, à ce rythme-là, le restau peut tourner encore longtemps.

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

20 commentaires sur « L’addition s’il vous plaît… »

  1. « Même si on me dit tous les jours que je m’en tire bien, et que je suis un foutu privilégié, je me demande comment, à ce rythme-là, le restau peut tourner encore longtemps. »
    Parce qu’on continue à faire la plonge comme des cons, plutôt que de leur coller la tronche dans le bac?
    😦

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  2. Que tous ceux qui ont voté oui à l’europe affairiste telle qu’on nous l’a administré sous forme de suppo, viennent t’aider à la plonge.

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  3. et que les députés socialistes qui ont votés le traité de Lisbonne à Versailles et nous ont entubés sortent les poubelles et sans gants Mapa encore…

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  4. Et que le président de tous les banquiers du CAC 40, qui ont fourré nos SICAV de produits vérolés à la moussaka frelatée ( ce qui induit d’aider la Grèce a mieux se vautrer, au lieu d’enfin voler de ses propres ailes ), avale ce qui bouche l’évier.

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  5. « Ah bon parcequ’on vous autorise à faire la plonge vous ? Bande de pistonnés !!! »
    Et pendant ce temps là, dans les caves… à vin, ceux qui ne courent pas assez vite…

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  6. Bon, bon,bon, bon, bon, ça suffit! Ca n’arrête pas: les banquiers ceci, les banquiers cela …
    Eux au moins, ne restent pas assis devant un ordinateur toute la journée, mais ils se bougent un peu pour aller chercher les milliards avec les dents.
    Et ils réussissent, malgré les cohortes de pisse-froid atrabilaires.
    Puisque vous êtes si malins, fallait faire banquier – et non pas fonctionnaire dans une administration pépère avec une journée qui s’égrène au fil des heures avec quelques moments phares (pause café, pause apéro; pause déjeuner; re-pause café, goûter puis, pot de retraite, pot de naissance, pot de veille de vacances – congés, WE, pont …).
    Un banquier, ça prend tous les risques; d’accord, c’est avec votre pognon, mais vous lui en laissez si peu à la fin du mois (voire pas du tout) qu’il est obligé de trouver des solutions pour continuer à vous servir. Bande d’ingrats.
    Qui c’est qui a voté non au traité de Lisbonne? Plus personne: la France entière, elle, a voté oui. Là encore, c’est le dépit qui vous fait perdre toute raison: si vous aviez bien voté au départ, on n’aurait pas perdu tout ce temps en formalités. Heureusement que nos députés veillent à redresser les erreurs du peuple.
    C’est pour cela, d’ailleurs, qu’on va tous, comme à confesse, les réélire la fois suivante.
    PS: Il est mignon, le petit « ortolland » qui veut attraper des cacahuètes: dire qu’il y en a qui les bouffent.
    Sous le manteau, certes, mais quand même!

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  7. J’ai toujours voté non à toutes les étapes de cette foutue europe vérolée qu’on nous a proposé. Sans doute parce que j’avais lu les textes…

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  8. @fran – et moi encore plus fort (ou malhonnête) j’ai voté non à chaque fois SANS lire les textes
    @emcee – Elebank man nous déclare – « je ne suis pas un animal je suis un être humain »

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  9. Et moi, quand j’avais pas lu les textes, j’ai voté oui et quand je les ai lus, j’ai voté non.
    Résultat? Tu lis, tu lis pas, tu perds quand même.
    C’est « la loi du marché dessus ».
    Ah! Elebank Man, sacré philosophe! 😉

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