Cul-ture du résultat

Dans un mail inspiré, adressé à ses directeurs de vente, Rémi Karcher, le bien nommé directeur des bureaux de poste de Paris-Sud, demande à se « focaliser lundi en quinze sur « l’extermination » des vendeurs à 0… » appelant littéralement à la « chasse ouverte ».

Ainsi va, de la culture du résultat en ce monde capitaliste fraîchement moralisé.

Où l’on constate donc, que le management par le stress et la terreur à coup de rouleau compresseur, n’est pas l’apanage d’Orange, alias France Télécom, mais est largement répandu dans les grandes entreprises, tout à leur lutte acharnée au nom de la compétitivité et de la rentabilité du dividende à 2 chiffres, pour mieux broyer les hommes. 

Car faisons simple, broyer les hommes était bien le projet avéré d’une entreprise visant dans une démarche radicalement rationnelle et statistique, à se débarrasser de 22 000 employés entre juin 2005 et décembre 2008, protégés par leur statut de fonctionnaire, en les poussant à la démission. Le suicide n’étant qu’un avatar spectaculaire du plan NexT, validant par l’extrême, sa redoutable efficacité.

Que le mot « extermination » sorte alors sous les doigts visqueux d’un petit kapo du productivisme, les yeux d’abruti formaté bloqués sur son tableau de bord économiquement fascisant (avec primes), n’a plus rien d’étonnant. Nous sommes bien, ici, aujourd’hui dans la logique  déshumanisée d’un camp de travail, concentré sur sa culture du résultat rationalisé.

Culture du résultat mon cul ! tandis que les marronniers du printemps de surgir à la une de tous vos journaux sans lectorat mais avec subventions : classement des meilleurs lycées, hit parade des meilleurs hôpitaux, top 50 des meilleurs films façon Denisot : X millions d’entrées X millions de Dollars =  à voir absolument.

Culture du résultat mon cul ! incarnée outrageusement aujourd’hui par le dictateur financier FITCH. Cette agence privée au quasi monopole (1 concurrent) dont la pertinence économique reste à démontrer, elle qui hier encore accordait, par incompétence ou connivence, une note « AA » à des centaines de banques aujourd’hui en faillite et qui autorise par sa notation à dépecer la Grèce, bientôt le Portugal, et pourquoi pas la France.

En quoi la petite boutique de Marc Ladret de Lacharrière, conseillé par Alain Minc, toujours dans les bons coups, aurait-elle la légitimité d’imposer du « crédit révolving » à des états millénaires qui, par nature et contrairement à elle, ne feront jamais faillites ? Au nom de quoi et de qui, autorise t’on un cabinet d’experts comptables omnipotent à faciliter la spéculation d’un marché financier dont le moins que l’on puisse dire n’a pas donné que des satisfactions. Au nom de quelle fumisterie idéologique justifie t’on que « ceux qui produisent tout n’aient rien et ceux qui ne produisent rien aient tout »1

Et si l’on décrétait enfin que l’agence machin dans son droit de vie et de mort sur les politiques économiques et sociales des états et jouissant d’un extravagant pouvoir nous « fitchait » la paix. Et si les peuples enfin réveillés, envoyait tous les Alain Minc calamiteux, dont les résultats mériteraient largement un ZZZ-, se faire noter ailleurs. Par les Grecs par exemple.

Culture du résultat mon cul ! Cela fait 20 ans qu’en tant que formateur, je suis confronté aux évaluations de fin de stage. Evaluations vitales pour ma survie, puisqu’elles sont les critères subjectifs de mon travail. 20 ans que j’en constate les effets pervers. 20 ans que j’induis mes interventions en fonction de mes notations au détriment de ma pédagogie. 20 ans que, plutôt que d’enseigner je joue de la séduction et m’efforce de plaire. 20 ans que j’évite de trop déranger en « informant les gens de ce qu’ils ont envie de savoir, plutôt que de ce qu’ils ont réellement à savoir »2

La culture du résultat au nom de je ne sais quelle validation du travail quantifié est une véritable escroquerie.

Il est temps « d’exterminer » les experts comptables.

Plus de cul, moins de ture, on verra bien le résultat.

tgb

1 Karl Kraus
2 Alexandre Jacob

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

26 commentaires sur « Cul-ture du résultat »

  1. Humm…’pas trop bien écrit aujourd’hui. Tu comprendras TGB qu’en ce qui me concerne, je n’écris pas un commentaire pour séduire ou plaire et que c’est en toute honnêteté…
    Sinon, il n’y a pas que Fitch Ratings comme agence, il y en a deux autres grandes également que sont Moody’s et Standard & Poor’s. En vérité, ce que je m’attendais à ce que tu dénonces, c’est que ces agences sont payés elles-mêmes, et encore (!) et malgré la crise (!!!) et tous ses scandales financé encore par les pays eux-mêmes et les entreprises qu’elles notent !!!
    C’est tout simplement incroyable, et les marchés l’ont très bien compris ou en font cas, c’est pourquoi la Grèce s’est fait dégrader de deux cotes d’un coup par une de ces agences. Et oui, il y a conflit d’intérêt comme dans le cas Enron, où quand une de ces agences vous note AA, cela voudrait certainement plutôt dire BBB-, mais ça parait évident, non ?
    Ca, plus le terrorisme -que j’aimerais bien vous voir dénoncer sur votre blog-, de la part de quelques spéculateurs contre les bons du trésor d’un pays ou les Swaps devraient être interdits, car c’est tout simplement scandaleux. Du terrorrisme en col blanc, rien d’autre, une poignée de goinfrés qui jouent contre une population de millions de gens condamnés à voir les intérêts de leur pays augmenter !!…
    Pas de loi contre ça, ni même de mesure… Nous avons une politique économique qui avance à la bougie ! A tel point, que la semaine passée, lors de l’accord avec la Grèce qui n’a pas eu le succès escompté, les grands hommes politiques de la planète (excepté le FMI) se sont empressés de dire que la crise et la récession sont finies et que tout rentre dans l’ordre. En l’état, que s’est-il passé ? Une semaine après, l’Europe a du retourner à un accord car les marchés ont commencé à bruisser sans perdre de temps en mettant en doute le pseudo-accord. Maintenant, tout le monde peut être tranquille, puisqu’ils viennent cette semaine de dire qu’ils aideraient la Grèce à hauteur de 30 milliards d’euros. Mais ce que ça veut bien dire, c’est qu’ils ont une vision totalement erronnée de l’économie et ne voyent pas plus long qu’à court terme puisqu’ils ne regardent pas les agendas de pays comme l’Espagne, Portugal, Italie, Irelande, qui eux-aussi certainement ont des traites ou des obligations pour lesquelles ils auront à relancer un emprunt. Ils sont vraiment mauvais, d’autant que c’est pas leurs fausses paroles qui rassurent tout le monde et relance la croissance. Non, ô combien par là ils montrent juste le degré de leur incompétence et de leur aculture….
    Bon, désolé TGB, j’ai pas envie d’ouvrir mon blog, et le tien est très bien pour ces commentaires. Bises, bonne continuas’

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  2. @Ange06 -« Humm…’pas trop bien écrit aujourd’hui….ce que j’attendais à ce que tu dénonces…. plus le terrorisme que j’aimerais bien vous voir dénoncer sur votre blog…j’ai pas envie d’ouvrir mon blog, et le tien est très bien pour ces commentaires « – ben vu le constat modeste (et génial ?) je te conseille quand même d’ouvrir ton propre blog et d’écrire tes propres textes ce sera carrément plus simple pour tout le monde.
    @Fran – c’est vrai que c’est un joli nom également – doit être bien en phase avec notre président celui là m’est avis

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  3. Culture du résultat – rentabilité – écrèmage – notation – swaps – compétivité – spéculation –
    Monde de scientisme et non de mathématiques puisque l’économie n’est pas et ne sera jamais une science exacte.
    La variable d’ajustement étant l’individu et le pire et le plus absurde est que parfois la variable d’ajustement est un de ces crétins qui joue avec les chiffres.
    Bref. Grâce à des experts comme Ange06 qui sent le vieux compatriote corse habitant les Alpes Maritimes et ayant bossé dans une banque ou dans un ministère quelconque, nul doute que notre sauvetage est au bout du tunnel…

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  4. ben oui cui cui c’est ça le plus marrant : utiliser comme variable d’ajustement ceux qui sont chargés de mettre en application la variable d’ajustement – faut juste en laisser passer quelque uns de temps en temps à l’étage au dessus pour faire croire aux autres qu’avec du zèle ils peuvent franchir le mur du fric .
    En ce qui concerne Mr Karcher qui met ici les bouchées double il connait en tout cas son quart d’heure de célébrité mondiale – avec ce nom là, comme enc…de première, il finira même peut être même dans les anales.

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  5. Bravo !
    Bravo pour les citations !
    Bravo cui cui fit l’oiseau pour cela entre autres :
    « Monde de scientisme et non de mathématiques puisque l’économie n’est pas et ne sera jamais une science exacte. »
    Je rajouterais modestement que l’on peut remplacer le mot « économie » par pratiquement toutes les disciplines.

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  6. @mochica74 – oui j’aurai du mettre des  »  » à « anales » jeu de mot désopilant contractant annales et anales
    @henri A – bravo pour les citations bravo à cui cui… et moi je sens le gaz ? je suis au regret monsieur le ministre du tout et du rien de vous annoncer que vous êtes relégué au secrétariat d’état de rien du tout. Un peu comme Fadela Amara quoi !

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  7. je suis confus je ne sais comment me faire pardonner – heu peut être en vous cédant ma place dans le Tupolev gouvernemental – j’ai un empêchement
    sinon non je ne suis pas le père de la fille de Rachida

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  8. Sérieusement, je crois pas que tout ça ait grand chose à voir avec la culture ou le cul .
    La ture peut-être …
    ( au fait pour rachida je savais que c’était pas toi )

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  9. métaphore et même métonymie – le cul, l’humain quoi…
    la ture c’est sûr
    ben oui que tu savais vu que c’est toi

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  10. Cette « culture » là ( du résultat entre autres ) , relève surtout de ces effets de liquéfaction du sens , propres à la novlangue, et qui de longue date s’en est prise au mot culture, pour le marteler avec toute la férocité dont le spectacle est capable quand il affronte une difficulté .

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  11. Figurez-vous chers blogueurs, qu’il existe dans cette belle nation, un département où, dans les entreprises, les dirigeants peuvent toujours se palucher avec la culture du résultat ; les salariés eux, s’en tapent royalement, et avec eux également, les employés commerciaux.
    Si si ! Je ne plaisante pas. C’est vrai.
    Pour beaucoup dans ce département / région, qu’importe la finalité du travail, tout ce qui compte est d’exécuter à minima les tâches demandées. De toutes façons, il fait chaud, et on s’en bat de la rentabilité car l’on sait que ça ne tombera pas dans nos poches. Cela fait des lustres qu’on se fait exploiter, d’abord sous la forme la plus vile, l’esclavage, puis du temps des Habitations de la colonie, et maintenant sous le libéralisme ultra marin.
    Donc on ne change pas une méthode qui a fait ses preuves en matière de résistance : sé chimens kosyè la. Autrement dit, les chemins détournés ou littéralement : les chemins de corsaires (kosyè). Une révolution en tongs en quelque sorte.
    Les résultats ? Ah ben ça fait pas un territoire super développé… c’est sûr !
    Mais bon, est-ce si important d’avoir de belles routes pour aller dans leurs supermarchés ? Finalement, quand on y va, c’est juste pour regarder.
    TGB, j’ai bien compris ton petit couplet sur l’évaluation. Ce que tu dis est vrai et sincère. Mais depuis le temps qu’on te dit que le but en formation… n’est pas de rendre les travailleurs instruits ! Tu veux en faire quoi, des autogestionnaires ? Bernique !
    ON TE DEMANDE DE FORMER LES ESCLAVES UN POINT C’EST TOUT !!!!!!
    Allez Ti mâl ! Viens donc boire un coup chez nous à la santé de la révolution.
    Au fait !… Péyi la sa, sé Gwadoup !

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  12. @Urbain – exact – la novlangue dénature tout et fait son boulot idéologique http://www.rue89.com/prise-de-baecque/la-question-humaine-quand-le-cinema-rencontre-lhistoire
    @Annick – voilà une vue du terrain qui illustre à merveille la pertinence de la révolution TI PUNCH en tongs – Pour ce qui est de la formation c’est précisément quand je cherche à en faire des autogestionnaires qu’ils se rebellent et me récitent leur cathéchisme Jean-Pierre Pernault – (pris en otage, la poste feignants…) Je fais mon travail discrétionnaire mais ce que je m’autorise à la fac je me l’autorise forcément moins en entreprise même si j’ai mes ruses
    @yellrah – non pas moli – je vois que ça t’inspires…

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  13. oui les premiers seront les derniers et vice versa mais dans la vie éternelle en attendant dans cette vie là on se calme on prend son médicament et on regarde Roselmack le Charles Villeneuve TF1 repeint en noir.

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  14. @tgb : oh non, je n’ai pas la prétention de faire aussi bien que vous, je n’voulais juste pas vous pourrir vos colonnes avec un commentaire trop long, et alors que vous aviez déjà fait cette réflexion me semble t-il à quelqu’un ici.
    @cui cui fit l’oiseau : Le genre de vieux gars bien suffisant, qu’est-ce que t’as contre les Corses ? Les gens d’Alpes-Maritimes ? Les gens qui travaillent à la banque ? Dans des Ministères ?
    Même pas foutu d’argumenter et ça ramène sa figure pour s’y faire mordre la truffe. C’est pas moi qui vais la sauver ta société, c’est pas moi qui vais te faire passer l’échelon supérieur dans ta hiérarchie, et surtout je ne dis pas des conneries comme sciences exacte, alors que tous plus ou moins sommes sensés savoir qu’il n’y a aucune science exacte ainsi qu’on vous a également repris.
    Tout ce que je sais, c’est qu’à défaut de comprendre et de pouvoir critiquer avec un vrai « fond », il vaut mieux la boucler. Et les Corses, et les gens du 06 ils te le disent pas car t’as très bien compris sans qu’il y ait besoin d’en rajouter…

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  15. Cui cui n’a rien contre les corses vu qu’il est corse et je ne pense pas qu’il y ait une grande échelle hiérarchique sur les marchés – quand je dis sur les marchés je parle du marché avec ses étals pas de la bourse hein, alors grimper un échelon ne doit pas être sa priorité

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  16. Cette petite phrase de K. Kraus est tellement et péniblement vraie depuis bien trop longtemps; N’ayant rien et produisant tous, notre mérite est d’autant plus grand que le sacrifice est total et s’apparente à une vie monacale ! Et ceux qui ne produisent rien et récoltent tous les fruits, comment peuvent-il espérer ou même croire à leur bonheur ? Nous vivons dans un monde d’illusion tendant à se matérialiser. Mais la raison et le bon sens ne peuvent abandonner le terrain sans notre propre abandon de la vie sur Terre. La période est riche en mouvement, le propre de l’illusion. Gardons tête froide, laissons passer cette agitation de fin d’adolescence ; la maturité pointe son nez, préparons une riposte à la hauteur de nos esprits, du genre adulte et responsable. C’est une véritable révolution (du genre « en tougues » ;o)) qui se prépare. C’est pour bientôt, les enfants d’aujourd’hui sont les parents de demain, et ils ne sont pas dupes de toutes ces magouilles ancestrales ! ce temps là est bien fini.

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  17. le plus étonnant quand même c’est que ceux qui produisent tout et n’ont rien et qui sont innombrables se laissent faire avec une docilité qui me laisse pantois

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  18. C’est qu’ils ont été bien éduqués ! La vie en collectivité a ses impératifs. Mais où sont les grands esprits de l’évolution ? se seraient-ils dilués dans la masse grandissante et et de plus en plus inter-communautaire des êtres humains ?

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