Frustrés de tous pays…

Echauffourées à Marseille, au cœur de la ville, Cours Jean-Ballard, sur le Vieux-Port, allées Léon-Gambetta, boulevard d’Athènes, gare Saint-Charles ; déflagrations, flammes, fumées, cris ;

affrontements à Paris, à deux pas de la tour Eiffel, voitures renversées, vitrines brisées, pillages, dégradations et destructions de mobilier urbain ;

heurts violents  avec des forces de l’ordre débordées ici, tentant de canaliser à coups de lacrymo, de tonfa, et d’arrestations là, des émeutiers survoltés et déterminés :

Serait-ce que l’insurrection viendrait, serait-ce que l’insurrection serait là ?
Serait-ce que ces révoltes incendiaires annonceraient les prémisses d’une révolution spontanée par un peuple chauffé à blanc et à l’exaspération  hautement inflammable  ?

Marseille  Brûle t’il ?
Paris brûle t’elle ?
La France s’enflammerait elle  enfin ?

Que nenni mon ami

Nulle conscientisation politique ici
Nul projet de société là
Nulle réponse aux injustices , aux inégalités, ou aux lois liberticides
Pas plus d’utopie que d’aspiration à la solidarité ou à un monde meilleur.

Juste un match de foot OM/PSG, annulé à Marseille.
Juste une distribution marketing et malsaine de biffetons, annulée à Paris.

Juste deux frustrations d’une foule consommatrice, hautement dépolitisée, sciemment acculturée, consciencieusement atomisée, qui dégénèrent.

Si, on peut voir derrière ces deux faits de société emblématiques, le jeu et l’argent, l’accumulation d’une colère refoulée en irruption spontanée, d’une misère culturelle et sociale sans repères et sans perspectives et d’une violence instinctive comme seule réponse à la violence fabriquée  d’une civilisation consumériste, ils expriment avant tout, un réflexe conditionné non assouvi plutôt que la dénonciation d’un système qui abruti. 

C’est un constat assez déprimant pour nous et assez réjouissant pour le pouvoir.

Car à coups de « t’auras t’auras pas », de distribution de croquettes par çi ou d’opium du peuple par là, l’oligarchie méprisante pourrait bien finir par prendre plaisir et se distraire,  à voir s’entredévorer la foule pavlovienne enfin addict, pour un os à ronger. Car, il ne faut évidemment pas s’étonner qu’une foule incitée en permanence à consommer et à qui en permanence, on retire les moyens de le faire, finisse par s’énerver et se foutre sur la gueule. A instrumentaliser le manque, un gouvernement, cynique par définition, peut considérer avec ravissement qu’au moins pendant ce temps là, cette foule, ne fait pas de conneries.

Lui demander des comptes ou le renverser, par exemple.

Dans la prédominance idéologique de l’avoir sur l’être, tout pouvoir préfère naturellement que le peuple explose pour combler un désir frustré, posséder une Rolex avant cinquante ans par peur de rater sa vie, plutôt que de lutter pour défendre ses droits et tant qu’à faire ceux des autres.

Suite à cette analyse affligeante, si un théoricien breveté de l’insurrection et de l’émeute populaire, venait à passer par là, je ne peux que lui conseiller de programmer une révolution à date et horaire précis pour mieux l’annuler quelques minutes avant.

Nul doute qu’une telle stratégie pourrait faire quelques dégâts.

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

12 commentaires sur « Frustrés de tous pays… »

  1. Le meilleur billet que j’ai lu jusqu’ici sur le sujet.
    Les organisateurs de cette cynique mascarade (Merdoramamachin) ont servi la soupe à du beau monde:
    La Droite qui y va de sa rengaine habituelle: « L’argent ça tombe pas du ciel, ça se mérite, cons de prolos! »; L’essssstrême Droite qui dégueule ses habituelles saloperies sur les origines des casseurs…
    A se demander dans quelles mesures cette « manifestation » (j’ai lu le terme à plusieurs reprises) a été sciemment permise.
    Effectivement, sur le fond, c’est à chialer, de rage: foot et fric…
    Mal barrée la conscientisation!

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  2. l’argent ça se mérite vouivoui c’est comme pour les jeux en ligne autorisés par ce sinistre gouvernement et l’héroïque croisade du président baltringue pour moraliser le capitalisme spéculateur dont on constate l’efficacité tous les jours –

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  3. Ah quel malheur, cher tgb !
    Ce sujet, merveilleusement explicité par toi, je me l’étais réservé.
    Tout ce que tu dis est la réplique exacte de ce que je pense. Hélas…
    Tant pis, je vais préparer une vision un peu différente, si je peux modifier, pour demain (c’est mon tour de rédiger).
    Le pire, c’est qu’on pense presque la même chose sur tous les sujets. Embêtant ça… Je me demande si un duel à mort ne va pas être nécessaire pour n’en laisser qu’un s’exprimer ! ;- DDDD
    Toi tu peux réagir au quart de tour, moi, je fais la queue : c’est l’inconvénient du Collectif mais on a quand même d’autres compensations ! ;-))

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  4. Ça a fini par payer les programmes télévisés maitrisés. Les télés-réalités dont l’objectif est de devenir riche et célèbre, tout est basé sur le fric et l’image. La télé ressemble au Président et les spectateurs rêvent.

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  5. mais moins de magistrats, moins de juges, moins de greffiers, moins de postiers, moins d’infirmiers, moins d’instits, moins de ….
    et toujours pas de feu !
    très bon billet !

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  6. @ agathe – ben oui y’a plus de « stars » que de plombiers – si j’étais jeune je choisirais plombier ou boulanger – demain ce seront vraiment eux les stars
    @ Françoise D – j’aime bcp Dupontel surtout en tant qu’acteur
    @ l’homme lisse – et même moins de flics (le comble ) mais plus de cam video et de délation – ah l’auto-surveillance rien de mieux

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  7. Excellent billet tgb, toujours plein de conscience et d’intelligence.
    La rue est affligeante, une sorte d’arène où le combat se déroule sans autre symbolique sociale que celle que tu décris si bien.
    Ouais, ben j’aurais peut être pas dû passer par ici pour commencer ma journée… C’est vrai quoi, une baffe de tgb, ça secoue toujours…

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