Démanagement – 2

Ben moi je dis y’en a la dedans !!!

De la ressource, de la créativité, de l’esprit de synthèse finaud, rapport à de l’analyse systémique trapue.

Faut reconnaître : ça phosphore fort du brain storming dans la téléphonie française sur fond de quatre saisons vivaldiennes à 1 euro 34 la minute..

Car, quand on a du haut cadre manager, capable, face à une situation dégradée de pondre de la réponse idoine et adaptée, y’a pas, tout mauvais esprit au sarcasme facile que l’on soit, faut la jouer fair-play, voire élégant.

J’admire donc, je m’incline  platement. Et je m’explique :

Ainsi donc France-tétécom, suite à quelques dégâts collatéraux dans  le bétail humain, la ressource humaine construit à saint Denis, un immeuble zero suicide « le Balthazar », pour prévenir toute défénestration dommageable.

Fenêtres condamnées – passerelles  et terrasses inaccessibles  – rambardes rehaussées –  » un immeuble le plus sécuritaire possible  »  nous déclare avec fierté Sylvie Robin, membre du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)

et je plussoie.

Je plussoie  avec un enthousiasme non dissimulé, car un esprit simple (disons moi ) se serait naturellement penché (pas trop quand même) sur les causes des multiples dépressions et autres comportements mortifères dans cette bonne vieille entreprise du 22 à Asnières.

Je sais pas moi au hasard : management par la terreur – objectifs hors d’atteinte – turn over systématique – ambiance malsaine et délétère sur les plateformes téléphoniques  – déconsidération et harcèlement des salariés poussés à la démission …

Mais le côté visionnaire  de l’équipe dirigeante m’ouvre des perspectives que je ne soupçonnais pas. Andouille que je j’étais, puisque là où les managers de France télécom sont balèzes, c’est qu’eux, sans atermoiements inutiles, s’en prennent directement aux conséquences en s’épargnant le facteur causes et ç’est à cela que l’on reconnaît le fleuron du haut commandement français formé aux méthodes performantes d’Anglosaxonie.

Donc, c’est dans un climat sympathiquement carcéral, forcément ragaillardissant que va pouvoir s’épanouir le salarié orange choyé aux petits ognons managériaux.

Soulagé de clope café et de pause détente sur la terrasse ensoleillée, protégé de l’air frais et vicié de l’extérieur, avec ce sentiment rassurant d’être enfermé à l’intérieur d’un bunker sur la ligne Maginot de l’accident du travail, nul doute que le moral du travailleur s’en trouvera fortement rassénéré.

Dans la tension de l’hyper compétitivité inter personnelle, le climat oppressant de l’enfermement ne peut, et c’est une évidence, que générer un sain et serein sentiment maternel confortable et protecteur.  

Remercions donc France télécom pour cette brillante  initiative et cette avancée sociale éminemment cogitée en vue de la protection de l’intégrité  physique et de l’hygiène mentale du salarié passé au presse orange.

Un bémol toutefois : je me demande si cet immeuble zéro suicide, empêchera de se taillader les veines dans les toilettes, de se pendre dans la salle de réunion au barko, ou d’avaler des barbituriques à la cantine …je ne parle même pas de faire un carton sur le comité de direction dont l’humanisme lucide le dispute à la fertile imagination. 

– Ah zut de zut –
nous déclarerait sans ambages Sylvie Robin, un tantinet perplexe, ressortant illico son paper board pour circonvenir ces derniers détails :

– avec des couverts en plastique à la cantine, de la vidéo surveillance dans les toilettes et des détecteurs à l’entrée ça peut le faire…accoucherait elle sans doute du haut de son mirador neuronal.

Apprécions donc la finesse de tant de jus de crâne : quand la société atteint une telle sophistication dans l’intelligence, c’est que notre civilisation  n’en a plus pour longtemps.

On peut prendre ça comme une bonne nouvelle !!!

tgb

photo : D.A

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

15 commentaires sur « Démanagement – 2 »

  1. C’est pour ça qu’on finira toujours par perdre : ils sont tellement plus retors et tordus que nous…
    (Putain, un immeuble anti-suicides, j’en suis comme deux ronds de flan… Ça, c’est de la réactivité intelligente et humaniste…)

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  2. Qui est exactement cette « Sylvie Robin » ? À quel titre participe-t-elle au CHSCT ? En tant que syndicaliste ? Voyons, c’est sûrement la CFDT, alors…

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  3. Et pourquoi pas un bracelet électronique avec caméra et micro pour les protéger jour et nuit, aux toilettes, partout. C’est vrai quoi, ce que que vous soulevez est très pertinent, peuvent se suicider n’importe où ces depressifs, dans les wc, les vestiaires, à la cantine…
    Plus sérieusement, c’est tout simplement honteux ce bâtiment anti-suicides.
    Grotesque, indécent, cynique.

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  4. @ prilatete – peu importe Sylvie Robin employée FT membre du CHSCT c’est tout ce que je sais, qui se trouve être au mauvais endroit au mauvais moment mais CFDT ? ça ne m’étonerait pas elle a l’air aussi fine que Chereque
    @ uovo – un bracelet electronique ou un epuce me parait assez bien en effet – je vais transmettre au CHSCT

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  5. Excellent tgb. J’ai pu lire la lettre envoyée par Schrek (le pdg appelé ainsi par son personnel, si si il y a ressemblance physique, regardez bien) après les premiers suicides. Il ne remontaient le moral des troupes que sur les résultats et les chiffres, vantant le grand groupe plein d’avenir et évoquant les drames sur une ligne. Aucune considération humaine à ce moment-là. Comme pour les détenus, du papier pour éviter qu’ils ne s’étranglent avec leurs draps pour le reste : « Pas contents ceux là d’avoir un boulot ! ».

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  6. Schrek ???!!! hé…maintenant que tu le dis en effet y’a une parenté – sauf que lui (le boss) est un monstre con et méchant

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  7. Lui, représente exactement les monstres qui nous gouvernent, qui gèrent. Voilà le sommet de la pyramide et c’est tout l’intérêt de ton billet d’avoir pointé leur façon de résoudre ces drames par du carcéral. L’Homme est quotité négligeable du moment que le fric rentre. Et qui sait, nous aurons peut être droit aux futurs états-d’âme subitement humains de ce Schrek qui comme d’autres Le Floch-Prigent, Messier, Pierre Botton ont soudainement eu des aventures humaines ;-))

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  8. Bah, hè, attends : dans le fond y’a quand même un boulot qu’ils exécutent en profondeur : la régression sociale !
    Je crois qu’ils ont bien cerné toutes les causes qui empêcherait de régresser (chômeurs, pauvres, étrangers pauvres, mouvements sociaux, mineurs ; ou encore élan de solidarité, sentiment de sécurité, pouvoir d’analyse, accès à la connaissance ; ou encore soins de santé accessibles, toît au-dessus de la tête, travail décent pour tous, salaire égaux, valorisation du débat, etc.)
    Leur enlève pas ça, ça serait pas sympa.

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