Le jour où Tina me quitta…

Le jour où Tina me quitta, elle partit, tant qu’à faire, avec la caisse, la carte de crédit, les clefs de l’appart et du 4X4 et en me laissant, la garce, un méchant découvert à la banque.

Tout était à son nom, sauf naturellement, le compte commun et les crédits. J’attends maintenant mon expulsion de notre duplex parisien et comme je fus assez naïf pour être son salarié, mon propre licenciement.

Et me voilà aujourd’hui en pleine dépression.

Avec Tina, ce n’était pas un mariage d’amour non, mais plutôt de raison.
Les anglo-saxonnes ont ceci de particulier qu’elles sont plus pragmatiques que romantiques et plus matérialistes que sentimentales.

Certes la cupidité, la vénalité de Tina me gonflaient depuis un certain temps. Sa propension à en vouloir toujours plus, à consommer toujours davantage, à acheter de la marque, à entasser, à posséder, à paraître, m’exaspérait. D’autant que pendant qu’elle touchait les dividendes je devais bosser toujours plus, être toujours plus flexible, atteindre des objectifs toujours plus élevés, sacrifier mes vacances, mes loisirs, mes amis, ma santé et mes aspirations personnelles.

A force même, de me culpabiliser sur ma soi disant paresse, elle réussit à me foutre au boulot le dimanche, tout en justifiant décomplexée (et pendant que je lui apportais son petit déj au lit) de sa propre grasse matinée bien légitime.

La pauvre.

Travailler plus pour gagner plus certes mais aussi pour baiser moins, parce que question oreiller, avec Tina, c’était pas la joie du tout.

D’une part parce que cela nuisait à mes performances économiques disait elle, d’autre part, parce qu’ à moins de procréer ça n’était d’aucune utilité. Et surtout parce que de son côté, elle se tapait un certain Madoff qui la faisait grimper aux rideaux rapport qualité prix.

Quand je m’en ouvrais à mes parents, ma mère me rappelait opportunément que, vu mon âge et vu l’époque, je ne pouvais guère espérer mieux, que je restais un éternel rêveur adolescent, qu’ heureusement pour moi, cette nana avait les pieds sur terre.

Mon père quant à lui, évoquait ma première épouse soviétique qui avait passé son temps à me fliquer avant que de se tirer une balle dans la tête entre deux vodkas à une roulette russe Gorbatchevienne.

– On sait ce qu’on a on ne sait pas ce qu’on trouve –
concluait il définitivement philosophe.

Y’avait bien mes camarades qui me disaient de me méfier de cette furieuse Tina qui m’aliénait, me manipulait, m’exploitait, qui m’enjoignaient à retrouver ma liberté, qui me juraient qu’une autre fille était possible, cette vénézuelienne par exemple, fougueuse et ensoleillée…

Mais Tina avait fini par me convaincre qu’en dehors d’elle : qu’illusions et utopies ; que les autres femmes avaient forcément mauvais genre, et que, de plus, j’avais méchamment intérêt à ne pas reluquer ailleurs si je ne voulais pas être remplacé sur le champ.

L’embarras du choix, affirmait elle.

Le pire c’est que, quand, dans une passe économique délicate, on devait faire quelques sacrifices, c’est toujours à moi qu’incombaient les efforts. Je devais rogner sur mes clopes, sur mes bouquins, sur mes sorties, tandis qu’elle s’offrait royalement une semaine de thalasso à ma santé.

Y’a des jours je la trouvais carrément saumâtre. De là à me révolter…

Donc le jour où Tina me quitta, le sol se déroba sous mes pieds, et j’avais tellement intégré le fait qu’en dehors d’elle aucune alternative n’était possible qu’il ne s’agissait plus pour moi, seulement de la remplacer mais carrément de réinventer l’amour.

Sacré défi !!!

Et le plus drôle de l’affaire, c’est qu’hier j’ai reçu une carte postale d’Ibiza, où elle se propose de moraliser ma vie dissolue et de me prodiguer quelques conseils conjugaux, à mes frais

… cela va de soi.

tgb

Publié par rueaffre2

TG.Bertin - formation de philo - consultant en com - chargé de cours à Paris 4 - Sorbonne - Auteur Dilettante, électron libre et mauvais esprit.

15 commentaires sur « Le jour où Tina me quitta… »

  1. @ l’invisible @ henri A – merci merci et ma modestie légendaire m’oblige à avouer que j’aime bien les compliments quand même et sur ce coup là je suis assez content de moi, surtout que j’ai passé trois jours à ne pas savoir que dire – grand soulagement :=))

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  2. J’ai entendu dire que Tina faisait quelques escales (rapides) à Jersey,
    à Monaco (plus longues) et peut-être aussi aux iles caïman. Elle serait même venue à Paris pour acheter quelques oeuvres d’Art de la collection YSL/berger!
    Bref en attendant nous on a toujours la possibilité d’aller dimanche prochain au Zénith? voir si la meuf de gauche a toujours du peps http://www.frontdegauche.eu

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  3. « en dehors d’elle aucune alternative n’était possible »
    je me posais la question du choix de ce prénom, j’ai immédiatement pensé à l’explosive Tina Turner, puis la lecture progressant à la non moins célèbre, mais cette fois-ci tristement Tina (« There is no alternative ») Margaret Thatcher… aujourd’hui alzheimerienne (comme son compère Ronald le fut). (1)
    Tgb, tina (vraiment) pas de chance.
    (1) le néolibéralisme, virus d’alzheimer ?

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  4. @ tralala – en tout cas Tina ira pas au zenith – pas son genre, en revanche TIA oui
    @ Ps – c’est bien de cette Tina alzheimerienne dont il s’agit comme le lien (peu visible sur TINA en début de note nous le confirme

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  5. Dans ces conditions, ce texte devra absolument figurer dans une anthologie consacrée au néolibéralisme !
    Encore bravo.

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  6. @ agathe – ah l’écran blanc…et pas envie…et puis enfin…tout ça quoi…
    @ ps – ça va faire un gros pavé alors…

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  7. Comme je disais en mai dernier avec l’aide de John Saul : TINA, cette grosse salope menteuse, n’est pas une fatalité.
    Ça commence a faire son chemin dans les esprits.
    Arf !
    Zgur

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  8. Voilà qui me donne quelques scrupules pour n’avoir jamais osé dire tout le bien que je pense de ta plume. En plus d’un an, la honte, je retourne fissa me cacher, enfin jusquà dimanche, au Zenith 😉

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